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La traque compliquée aux immeubles potentiellement dangereux à Genève

Genève: la ville procède à l'analyse de plusieurs immeubles suite aux menaces d'effondrement d'un immeuble de la ville.
Genève: la ville procède à l'analyse de plusieurs immeubles suite aux menaces d'effondrement d'un immeuble de la ville. / 19h30 / 2 min. / le 10 octobre 2019
Après l’évacuation d’un immeuble à la Servette, identifier les bâtiments qui pourraient souffrir de défauts similaires s’avère extrêmement compliqué. Au moins deux autres immeubles et deux cycles d’orientation vont être expertisés.

"Par précaution, il faudrait procéder au contrôle des bâtiments sur lesquels l'architecte et l'ingénieur qui ont construit celui de la Servette ont travaillé à la même période". Cette recommandation émane de Gabriele Guscetti, associé du cabinet Ingeni et auteur du rapport qui a révélé les graves problèmes de structure de l'immeuble évacué en urgence dans le quartier de la Servette à Genève.

La responsabilité du contrôle et de l'entretien d'un bien immobilier incombe aux propriétaires. Les autorités ne tiennent donc aucun inventaire sur la santé de la structure des bâtiments construits, ni sur les méthodes de constructions.

Les recherches s'annoncent compliquées, car les archives de l’Etat ne permettent pas de retrouver la liste des immeubles sur lesquels un bureau d’ingénieurs a travaillé, seul le nom de l'architecte apparaît à l'Office des autorisation de construire.

Dans le cas de la Servette, ce sont bien les calculs de l'ingénieur qui ont principalement été mis en cause dans le rapport d’Ingeni, mais l’exécution des travaux par l’entreprise de construction ne semble pas exempte de reproches. "Certaines carottes de béton que nous avons extraites se brisaient toutes seules", raconte Gabriele Guscetti, qui précise qu'identifier les responsables des gros oeuvres est encore plus complexe que retrouver les ingénieurs.

Un accès aux plans des ingénieurs d'immeuble "suspects" permettrait d'effectuer de premières vérifications, mais il n'existe aucune obligation de les conserver sur le long terme et, dans la pratique, ils restent souvent introuvables pour les constructions anciennes. Nous avons ainsi appris que les archives personnelles de l'ingénieur pointé du doigt ont été détruites.

D’autres expertises prévues

Malgré cela, les premières précautions sont prises sur les bâtiments qui pourraient présenter des risques similaires à travers la ville. C'est ainsi déjà le cas à la Servette dans le voisinage direct de l'immeuble menaçant de s'effondrer. Aux numéros 56, 58 et 60 de l'avenue Wendt, les propriétaires ont déjà commandé une expertise, comme nous le révélions la semaine dernière.

Propriété de la Ville, un complexe quasi-identique situé entre la rue de la Servette, la rue Hoffmann, la rue Schaub et la rue des Asters, qui compte 241 appartements, figure aussi comme oeuvre du même architecte. Des raisons suffisantes pour demander une évaluation.

Philippe Meylan, directeur du patrimoine bâti de la Ville de Genève, explique appliquer "un principe de précaution car il existe des similitudes, avec le même architecte, la même période". Il précise toutefois que les premiers documents consultés laissent penser que "la conception structurelle n'est pas totalement identique".

Le cabinet Ingeni, également sollicité pour cette expertise, a constaté que selon les plans disponibles les dalles seraient moins vastes et la structure de renfort métallique plus solide. Des vérifications seront faites sur place pour s'assurer que les plans ont été suivis à la lettre au moment de la construction. Dans le cas contraire, les locataires pourraient devoir quitter les lieux. "Il est évident qu’on ne prendra aucun risque (...) si la position de l’ingénieur est similaire à celle d’en face, nous devrons l'évacuer", annonce Philippe Meylan.

Des cycles d'orientation contrôlés

Concernant son patrimoine, le canton a commencé le travail. Les structures des cycles des Grandes-Communes (Onex) et du Renard (Vernier), tous deux dessinés par le même architecte, vont être sondées. Un contrôle décidé malgré une analyse technique effectuée sur l’ensemble des bâtiments scolaires entre 2012 et 2017.

Directeur de l'Office cantonal des bâtiments (OCBA), René Duvillard explique que les premiers éléments récoltés "faisaient croire que l’ingénieur était le même, mais seul l’architecte l'était".

René Duvillard prévoit que la traque aux bâtiments potentiellement défectueux s'annonce difficile. "Cela va être un travail d’investigation", souligne-t-il, tout en précisant que ses équipes ne viseront pas que l'ingénieur: "ma priorité c'est le type de construction, c'est là-dessus que sera mise notre énergie".

Concernant les biens privés, le Département du territoire (DT) nous a confirmé ne pas prévoir de mesures exceptionnelles de recherche ou d'avertissement des propriétaires. A eux de fouiller leurs archives.

Marc Renfer, Tybalt Felix & Flore Amos

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