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Près de 2000 sans-papiers régularisés au terme du projet Papyrus à Genève

PAPYRUS BILAN
Près de 2000 sans-papiers régularisés au terme du projet Papyrus à Genève / L'actu en vidéo / 56 sec. / le 4 mars 2019
Lancée il y a deux ans par le canton de Genève, l'opération Papyrus visant à régulariser les sans-papiers bien intégrés s'est achevée à la fin 2018. Près de 2000 personnes ont obtenu un statut légal, selon le bilan intermédiaire présenté lundi.

L'opération a été qualifiée de succès lundi par les conseillers d'Etat genevois Mauro Poggia et Thierry Apothéloz venus présenter un bilan intermédiaire.

Entre la mise en oeuvre du projet Papyrus en février 2017 et sa clôture le 31 décembre dernier, 1846 personnes ont déjà pu régulariser leur situation, indique lundi le communiqué de l'Etat. A noter qu'une étude parue en 2015 estimait à 13'000 le nombre de sans-papiers dans le canton de Genève.

La majorité des cas régularisés à ce stade concernent les familles avec enfants: ce bilan intermédiaire précise que "365 familles, 14 couples sans enfants et 642 célibataires" ont obtenu une autorisation de séjour (permis B).

Près des trois quarts des dossiers concernent le secteur de l'économie domestique (les employés de maison par exemple), le bâtiment et la restauration comptant dans une proportion bien moindre parmi les autres secteurs représentés.

Environ 3000 régularisations attendues

Le communiqué précise que des dossiers de régularisation qui avaient été déposés dans les délais sont toujours en traitement.

Ces dossiers en cours d'instruction concernent encore près de 1800 personnes. Les autorités estiment donc à 3500 personnes le nombre total d'étrangers qui pourraient, à terme, avoir été régularisés dans le cadre de cette opération qui n'a pas d'équivalent en Suisse (encadré 2).

Par ailleurs, sept personnes ont vu leur demande refusée de manière définitive. Les procédures de renvoi sont donc en cours.

Double objectif

L'opération avait un double objectif: d'une part, aider les clandestins à se mettre en conformité en clarifiant les critères d'éligibilité à une régularisation (encadré 1), tout en restant dans le cadre de la législation existante au niveau fédéral.

D'autre part, assainir les secteurs de l'économie particulièrement touchés par le travail au noir et la sous-enchère salariale. Sur ce point, l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail (OCIRT) a procédé au contrôle systématique de presque 900 dossiers présentant des indices de non-conformité.

Ces contrôles ont permis de constater que la majorité des dossiers étaient conformes et que les cas d'abus manifestes étaient rares même si, sur la question spécifique du respect du salaire minimum, 40% des dossiers présentaient des infractions.

Des mesures d'accompagnement ont donc été mises en place et seront maintenues au-delà du projet Papyrus. Un bilan final de l'opération, sur la base de l'évaluation externe d'un professeur de l'Université de Genève, est prévu pour l'automne prochain.

Bonne ou mauvaise opération?

Pour Mauro Poggia, chef du Département genevois de la sécurité, interrogé dans l'émission Forum, "Papyrus est une bonne opération, pas seulement pour les personnes qui ont pu régulariser leur situation, c'est aussi un succès pour la société. Nous avons pu avoir une vision réelle de ce qui se passe dans ce secteur".

Au contraire, "ce cas genevois ne doit pas devenir un modèle", a répliqué Michaël Buffat, conseiller national UDC vaudois. "L'opération a eu un succès très faible, à peine 20% des personnes ont usé de cette possibilité, c'est aussi un très mauvais signal qu'on donne à ces immigrés, cette opération papyrus est vraiment l'abandon de l'état de droit".

>> Ecouter le débat entre Mauro Poggia et Michaël Buffat dans Forum :

Mauro Poggia et Michaël Buffat. [Keystone - Gaetan Bally]Keystone - Gaetan Bally
Opération de régularisation Papyrus: débat entre Mauro Poggia et Michaël Buffat / Forum / 11 min. / le 4 mars 2019

>> Lire aussi : Nombre record de régularisations d'étrangers sans-papiers en 2018

Pauline Turuban

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Les critères de régularisation applicables

Depuis le 1er janvier de cette année, Genève étudie les demandes de régularisation des étrangers sans-papiers selon les critères suivants:

- une durée de séjour de 5 ans pour tous les membres de familles avec enfant(s) scolarisé(s);
- une durée de séjour de 10 ans pour les célibataires et les couples sans enfant;
- une intégration réussie et avérée, avec un niveau de connaissance linguistique A2 (oral) attesté;
- l'absence de condamnations en justice;
- une indépendance financière complète.

Les demandes d’autorisation de séjour qui remplissent ces critères sont transmises pour approbation au Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM).

Un projet sans équivalent dans le pays

Aucun canton n’a mis sur pied un projet analogue à ce jour, indique lundi la porte-parole du Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) Emmanuelle Jaquet von Sury. Dans les cantons de Vaud et du Jura, les Parlements ont refusé en 2017 des propositions en ce sens. Les autres cantons romands ne sont simplement pas entrés en matière.

Pour Emmanuelle Jaquet von Sury, l’opération Papyrus "n’est pas forcément adaptée à une situation différente dans un autre canton". La porte-parole du SEM rappelle que le phénomène des sans-papiers concerne avant tout les cantons urbains, Genève en tête.

L'absence d'un dispositif particulier n'empêche d'ailleurs pas Vaud de figurer à la 2e place des cantons qui régularisent le plus. En 2016, 69 personnes y ont obtenu un titre de séjour, soit près de 15% du total suisse de l'année, contre 2 à Zurich et 8 à Berne, selon des chiffres cités par le conseiller d'Etat vaudois Philippe Leuba.

D'autres initiatives commencent à voir le jour. A Zurich où vivraient 14'000 clandestins, le conseil communal a récemment adopté contre l'avis de la Ville une motion demandant que tous les habitants, y compris les sans-papiers, obtiennent une carte d'identité municipale. Une idée similaire est en réflexion à Berne et à Bâle. Il ne s'agit pas de régulariser, mais de protéger les sans-papiers du renvoi en leur permettant d'accéder aux services publics et de santé sans crainte d'être arrêtés.