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Un risque de bulle immobilière plane sur le canton de Fribourg

Rendez-vous en terrain connu: Bulle cherche désespérément des habitants.
Rendez-vous en terrain connu: Bulle cherche désespérément des habitants. / 19h30 / 4 min. / le 2 février 2019
Des immeubles neufs aux trois quarts vides et des propriétaires qui s'arrachent les locataires à coups de cadeaux, le canton de Fribourg connaît une inadéquation entre l'offre et la demande et on craint désormais une bulle immobilière.

A quelques dizaines de mètres du centre-ville de Bulle, dans un ensemble de bâtiments flambant neufs, on entend le moindre murmure, tant le silence est lourd. Moins du quart des appartements sont effectivement occupés et, pour les rares résidents, la situation est quelque peu étrange.

"Certes, c'est apaisant, mais on ne peut pas vraiment dire que ce soit très jovial, ni convivial quand on rentre chez soi", reconnaît Alexia, qui a emménagé en décembre, samedi au micro du 19h30.

Mois gratuits, bons d'achats ou tablettes en cadeau

Des exemples comme celui-ci se comptent par douzaines dans une ville qui s’est métamorphosée en quelques années. Plusieurs centaines de logement ont poussé dans le centre et sa banlieue et l'offre a fini par largement dépasser la demande. Résultat, les régies s'arrachent les locataires.

"On m’a offert trois mois de loyer à mon arrivée, c'est sûr que c'est une belle motivation pour s’installer", témoigne Mélanie. Entre les mois gratuits, des bons d’achats, des tablettes ou même des abonnements au fitness, les régies ne savent plus quoi inventer pour attirer des locataires dans ces nouveaux immeubles.

Une inadéquation qui inquiète

Il s'agit donc a priori plutôt d'une belle période pour être locataire, ce qu’admet volontiers Pierre Mauron, président de l’Association des locataires fribourgeois: "Il est rare que les locataires soient dans une telle position pour négocier", souligne celui qui est aussi député socialiste.

Mais à moyen terme, cette inadéquation entre l’offre et la demande pourrait se révéler bien plus désastreuse. "Je suis très inquiet qu'une bulle immobilière soit en train de se former ici", confesse Pierre Mauron. "Regardez à Bulle ou à Châtel Saint-Denis, et même dans la banlieue de Fribourg, des milliers de logement vont arriver sur le marché, alors que des immeubles sont quasiment vides un peu partout", regrette-t-il.

Une hausse démographique moins forte que prévu

Cette flambée de nouvelles constructions tire ses racines de taux hypothécaires très bas, d’investissements importants, notamment des caisses de pension, qui possèdent beaucoup de liquidités, dans la pierre, puisque ce marché reste stable et sûr depuis plusieurs années maintenant. Mais un excès de logements qui ne trouvent pas preneurs pourraient in fine pénaliser des propriétaires potentiellement endettés, et donc les banques, s'ils ne parviennent plus à faire face à leurs charges.

Et tout miser sur une augmentation démographique pour compenser serait une erreur, selon l’ancien administrateur de la Banque cantonale fribourgeoise Paul Coudret: "Fribourg s’est basé sur des projections démographiques de l’Office fédéral de la statistique qui se sont révélées mal faites, mal construites. Il n’y aura certainement pas 350'000 habitants à l’horizon 2030 comme escompté. C'est aussi une erreur qui explique l’actuelle situation immobilière."

Plusieurs solutions pourraient fonctionner et diminuer les risques. Un moratoire partiel sur les nouvelles constructions pourrait par exemple être mis en place, ainsi qu’une incitation aux investisseurs pour qu'ils placent leur argent ailleurs que sur le marché immobilier.

Melchior Oberson/boi

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