Publié

Le plus ancien directeur d'une prison romande n'a que six ans de fonction

La pression est grande chez les directeurs de prison
La pression est grande chez les directeurs de prison / 19h30 / 2 min. / le 30 janvier 2018
Depuis les affaires Adeline ou Marie, le métier de directeur de prison est très exposé. Ces dernières années, de nombreux directeurs d'établissements pénitenciers ont jeté l'éponge ou ont été poussés à la démission.

Franz Walter détient un record particulier. Directeur du pénitencier de Bellechasse à Fribourg depuis 2012, il est le plus ancien directeur de prison encore en fonction de Suisse romande.

Si certains y voient un exploit, pour lui, c'est "presque une honte": "Être le directeur le plus ancien des établissements concordataires latins avec six années de présence, ça démontre quand même qu'il y a trop de fluctuations et qu'il est parfois trop facile d'éjecter un directeur."

Il n'existe aucun chiffre officiel sur cette tendance. Mais ces dernières années, au moins une vingtaine de responsables des administrations pénitentiaires romandes sont partis ou ont été poussés à la démission.

L'attente "hystérique" du risque zéro

Benjamin Brägger, ancien chef du service pénitentiaire de Neuchâtel, se souvient qu'il y a 30 ans, les directeurs de prison étaient des "paratonnerres": "En cas de choc, on tenait et on restait. Désormais, ce sont des fusibles. S'il y a un choc, on saute. Pour le système, c'est malsain", estime-t-il.

Avec les affaires Adeline, Marie ou Jean-Louis B., la pression sur les directeurs est devenue intenable. Eux-mêmes sont devenus prisonniers du dilemme insoluble entre la tendance au tout sécuritaire et la nécessaire réinsertion des détenus. "la politique et le public sont dans une attente presque hystérique du risque zéro. Mais un risque zéro n'existe pas, ni dans les prisons, ni en dehors", souligne Franz Walter.

Aucune formation

Les experts pointent aussi du doigt des lacunes dans la formation. Contrairement aux pays voisins, il n'existe pas en Suisse de formation spécifique pour le métier.

Avec un salaire compris entre 110'000 et 150'000 francs, les conditions de travail d'un directeur de prison ne font pas rêver. "Il y a des suicides, des émeutes, des non-retours de congés. De temps en temps, le personnel est agressé. Avec ces responsabilités, le salaire n'est pas trop développé par rapport à l'industrie privée", estime Benjamin Brägger.

Franz Walter avoue avoir été parfois épuisé, d'autant que les moyens ne suivent pas toujours. "Les exigences n'arrêtent pas de s'accroître", affirme le directeur de la prison de Bellechasse. Selon lui, la population carcérale est "imprévisible, dangereuse ou malade. Il faut lutter et se battre pour avoir des ressources. Et malheureusement, il faut parfois des évènements dramatiques pour que la politique réagisse et donne ce qui est nécessaire pour remplir le mandat", souligne-t-il.

Jérôme Galichet/fme

>> Sujet traité dans le 19h30 de la RTS, mardi 30 janvier

Publié