"On ne s’en rend pas tout de suite compte, on peut même ne pas s’en rendre compte du tout", explique Sébastien Brunet, tenancier de l’auberge du Grand Pin à Peseux (NE), dimanche dans le 19h30.
En 20 ans de métier, il a déjà soupçonné une dizaine d’employés de l’avoir volé et il a dû se séparer de deux collaborateurs qui ne tipaient pas tous leurs cafés.
2500 francs subtilisés en six semaines
Ce patron relève aussi la difficulté dans le rapport avec les employés: "On ne va pas automatiquement avoir un doute tout de suite", souligne-t-il. "C’est quand même un rapport humain (...) A la base c’est inconcevable." Pourtant, à coups de petits noirs non-facturés - 20 par jour - un serveur lui aurait subtilisé plus de 2500 francs en six semaines.
Sous couvert de l’anonymat, un garçon de café explique que - dans ce métier - la tentation est grande de voler son patron "parce qu'il y a de l’argent dans la main." Certains ne sont pas tentés, relève-t-il, mais d'autres le sont "parce qu’ils voient l’argent qui passe dans les mains."
Un phénomène répandu
Basée à Yverdon, la société Capital First est active dans la remise de commerces de cafetiers. Elle traite une cinquantaine de dossiers par an, et plus de la moitié de ces patrons ont été volés au moins une fois.
Selon le directeur de Capital First Romain Tarchini, le préjudice peut vite s’avérer conséquent. "Dans le domaine de la restauration, l’économie est serrée", rappelle-t-il. "Si on ampute régulièrement, cela fait vite des centaines voire des milliers de francs. Cela peut mettre en difficulté une exploitation."
La délicate surveillance des employés
Pour prévenir ces vols, les tenanciers contre-attaquent, par exemple à l'aide de mouchard sur les machines à café ou avec des caisses enregistreuses dernier cri qui assurent une traçabilité des employés. Et dans ce jeu du chat et de la souris, certains n’hésitent pas à installer, en toute illégalité, des caméras pour contrôler leur personnel.
David Taillard, responsable du secteur tertiaire au syndicat Unia Neuchâtel, dénonce une dérive: "Si on est filmé, on pense plus à l’image qu’on donne à son employeur qu’à son travail", dit-il. "C’est néfaste psychologiquement, c’est une catastrophe."
Malgré tous ces moyens de contrôle, il reste légalement difficile pour un patron de licencier un employé pour vol: le flagrant délit ne peut être constaté que par la police. Les tenanciers s'arrangent donc souvent différemment, comme Sébastien Brunet à Peseux: "Il faut mettre les pièges au début, après on sait", dit-il. Mais au quotidien, la plupart des cafetiers privilégient encore la confiance, car la majorité de leur personnel la mérite.
Julien Guillaume/oang