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En Corée du Nord, les femmes victimes d'abus sexuels impunis

Corée du Nord: les femmes victimes d'abus sexuels impunis.
Corée du Nord: les femmes victimes d'abus sexuels impunis / L'actu en vidéo / 1 min. / le 1 novembre 2018
Les agents de l'Etat nord-coréen peuvent infliger des violences sexuelles sans se soucier des conséquences, dénonce Human Rights Watch dans un rapport publié mercredi. L'ONG livre des témoignages alarmants.

"Les jours où l'envie leur en prenait, les gardes du marché ou les policiers pouvaient me demander de les suivre dans une pièce vide près du marché, ou dans un autre endroit de leur choix", déclare Oh Jung Hee, une ancienne commerçante âgée d'une quarantaine d'années, originaire de la province du Ryanggang. Aujourd'hui exilée, elle décrit de nombreuses agressions sexuelles.

Ils nous considèrent comme des jouets. Nous sommes à la merci des hommes

Oh Jung Hee, exilée nord-coréenne

"Vous pleurez la nuit sans savoir pourquoi: violence sexuelle à l'égard des femmes en Corée du Nord", le rapport de 98 pages (en anglais) publié mercredi par Human Rights Watch (HRW) dénonce cette violence sexuelle devenue si courante en Corée du Nord qu'elle a fini par être acceptée comme faisant partie de la vie ordinaire.

Clic, clic, clic...

Les 54 femmes et huit anciens haut-responsables interrogés, qui ont fui le pays après 2001 lorsque l'actuel dirigeant Kim Jong-un est arrivé au pouvoir, ont assuré à l'ONG que lorsqu'un responsable en position de pouvoir "sélectionnait" une femme, elle n'avait d'autre choix que de céder à toutes ses exigences, qu'elles soient sexuelles, pécuniaires ou autres.

Les femmes nord-coréennes diraient 'Me Too' si elles pensaient qu'il y avait le moindre espoir qu'on leur fasse justice

Kenneth Roth, directeur exécutif de Human Rights Watch

"Clic, clic, clic, c'était le bruit le plus affreux que j'aie jamais entendu (...) Chaque soir, un garde de la prison ouvrait la cellule. Je restais debout comme si je n'avais rien remarqué, en espérant que ce ne soit pas moi qui devrais suivre le garde", raconte Yoon Mi Hwa, la trentaine, témoignant de son expérience dans un centre de rétention près de Chongjin en 2009. Elle avait été mise en détention après une première tentative de fuir vers la Chine.

Déni du régime

Evoluant dans une société où la discrimination de genre et la position d'infériorité des femmes est omniprésente, les Nord-Coréennes dénoncent peu les abus subis tant elles craignent déchéance sociale et représailles.

Le gouvernement n'enquête d'ailleurs pas sur les (rares) plaintes déposées sur ces violences, il n'en poursuit pas les auteurs et ne fournit aux victimes aucune protection ni service. Pire, souligne HRW, le régime assure que le pays ne connaît ni sexisme ni violence sexuelle.

En 2014, une commission d'enquête des Nations unies a conclu que les violations des droits humains graves, systématiques et généralisées commises par le gouvernement nord-coréen constituent des crimes contre l'humanité; les violences sexuelles en font partie.

Juliette Galeazzi

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"Une provocation"

Dimanche, la Corée du Nord a rejeté le rapport effectué par Human Rights Watch. L'association nord-coréenne pour les études sur les droits de l'homme a déclaré que ce rapport "grotesque" faisait "partie d'une manigance politique montée par les forces hostiles pour ternir l'image" du pays.

Elle a également affirmé qu'il s'agissait "d'une provocation extrêmement dangereuse destinée à inverser le courant de paix et de prospérité sur la péninsule coréenne", ajoutant que les femmes interviewées dans le cadre de l'enquête appartenaient au "rebut de l'humanité".