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Pour Jean Quatremer "l'euro est une monnaie en crise depuis vingt ans"

L'invité de Romain Clivaz (vidéo) - Jean Quatremer, correspondant à Bruxelles de Libération
L'invité de Romain Clivaz (vidéo) - Jean Quatremer, correspondant à Bruxelles de Libération / La Matinale / 10 min. / le 12 octobre 2018
Dans un ouvrage à paraître intitulé "Il faut achever l’euro", le correspondant à Bruxelles du quotidien français Libération Jean Quatremer estime que "si on n'achève pas l'euro, au sens parachever l'euro, il va disparaître".

"On ne connaît pas de précédents d'une monnaie sans Etat, or l'euro est une monnaie sans Etat", rappelle Jean Quatremer au micro de la RTS. "La zone euro n'a toujours pas de gouvernement politique et économique. Il n'y a pas de trésor européen, de budget européen, il n'y a pas de président de la zone euro capable d'indiquer la marche à suivre en matière économique."

Le journaliste, qui couvre la politique européenne depuis les années 1990, relève qu'"on a l'impression que ça fonctionne, mais il faut voir que c'est une monnaie qui a vingt ans et qui depuis vingt ans est en crise. Les peuples souffrent de ces bricolages, au bout d'un moment ce n'est pas les politiques qui voudront en sortir, pas les entreprises, ce sont peut-être les peuples qui vont se révolter." 

Et d'abonder: "Il faut savoir pour qui est fait la construction européenne. Elle est faite pour les peuples, or là il y a clairement une contradiction entre ce que veulent les peuples, c'est-à-dire une monnaie qui fonctionne et qui permette de nous enrichir, qui permette la croissance, et les Etats qui ne veulent pas lâcher leur souveraineté."

"Je n'ai pas envie qu'on joue avec mon argent"

Selon le journaliste de Libération, un référendum européen sur la monnaie unique ne résoudrait pas la situation et rappelle qu'il n'y a pas en Europe une culture du référendum telle qu'elle existe en Suisse. "Vous êtes habitués à voter sur des questions extrêmement complexes."

Il n'est pas convaincu par la possibilité d'un référendum. "Pour le coup, je n'ai pas envie qu'on joue avec mon argent. Ensuite, si c'est un référendum, c'est un vrai référendum transeuropéen. C'est-à-dire qu'on ne vote pas par pays, il n'est pas question qu'on ait un ou deux pays qui votent contre et qui bloquent l'ensemble de la machine, dans ce cas-là ces pays sortent seuls et les autres gardent l'euro."

Mais il admet que "ça reste une question très intéressante, parce qu'aujourd'hui, est-ce qu'il ne faudrait pas, face à des gouvernements qui n'osent plus bouger, qu'on donne la parole aux peuples? Je pense que quand on joue avec notre portefeuille, on est, nous les citoyens, un peu plus sensés que des politiciens démagogues qui jouent effectivement avec notre argent."

Propos recueillis par Romain Clivaz/lgr

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"Jean-Claude Juncker aurait dû passer la main"

Concernant le mandat de Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission européenne, Jean Quatremer est assez catégorique. "Aujourd'hui, la Commission européenne, et même les institutions européennes, sont devenues un problème autant que les Etats dans la construction communautaire."

"Au départ la Commission était un organe qui représentait l'intérêt général européen, petit à petit, elle a voulu être un organe politique, mais sans légitimité politique puisqu'elle n'est pas élue par les peuples."

Quant à Jean-Claude Juncker, "il n'est plus en mesure de présider cette Commission, on est à la fin de son mandat, de plus, il a des problèmes de santé. Je pense qu'il aurait dû passer la main, notamment quand on s'aperçoit que c'est devenu très clientéliste."