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"Al-Sissi, notre homme du Caire", ces relations intéressées avec l'Egypte

Histoire vivante: Al-Sissi, notre homme du Caire. [AP]
Histoire vivante: Al-Sissi, notre homme du Caire. - [AP]
Depuis le coup d'Etat du maréchal Al-Sissi en 2013, les violations des droits humains atteignent un niveau record en Egypte. Un documentaire explore les intérêts stratégiques qui poussent la communauté internationale à fermer les yeux.

"Al-Sissi, notre homme du Caire", diffusé par la RTS*, retrace quatre ans de présidence au cours desquels le nouvel homme fort du Caire a réduit au silence, méthodiquement, toute forme d'opposition. Considéré par une partie des Egyptiens comme un "sauveur" depuis qu'il a chassé les Frères musulmans du pouvoir par un coup d'Etat, il est qualifié de tyran par d'autres à l'heure où les condamnations à mort, arrestations arbitraires et cas de torture se multiplient.

Partant du décès du jeune chercheur italien Giulio Regeni, retrouvé mort le 3 février 2016, le film de Bence Maté détricote les rouages d'un régime sans pitié qui a mis à sa botte les gouvernements européens et américains, notamment en leur promettant de jouer un rôle sécuritaire face à la menace islamiste.

Des chiffres éloquents

Devant la caméra, de nombreux activistes - aujourd'hui réfugiés à Berlin ou à Paris - témoignent des tortures subies dans les geôles tristement célèbres du régime. Des journalistes disent à quel point il est difficile et dangereux de documenter les violations des droits humains en Egypte. Et les chiffes sont éloquents: 33 blogueurs et journalistes sont actuellement en détention dans le pays. Plus de 500 sites web ont été fermés depuis avril 2017 par les forces de sécurité sans autorisation ni supervision judiciaire, rapporte Amnesty International.

Les organisations de défense des droits humains estiment que 60'000 personnes auraient été arrêtées pour "entraves à la sécurité" et emprisonnées depuis 2013. Parmi elles, 15'000 civils dont 150 enfants ont été soumis à un procès militaire, et 323 personnes sont décédées en prison.

Exportations militaires

Or, malgré cette situation, la plupart des Etats-membres de l'Union européenne adoptent la politique de l'autruche, sacrifiant les droits humains sur l'autel de préoccupations sécuritaires et économiques.

Douze des Vingt-Huit bafoueraient ainsi ouvertement la décision prise en 2013 de suspendre les exportations vers l'Egypte de tous les équipements susceptibles d'être utilisés pour la répression interne, selon le documentaire. "Il se pourrait même que Giulio Regeni, qui a été brutalement assassiné, ait été pisté grâce à des logiciels de conception italienne", s'indigne la députée européenne néerlandaise Marietje Schaake.

En dépit des engagements pris, l'Italie a exporté, depuis 2014, pour 40 millions d'euros d'armes vers l'Egypte, essentiellement des armes à feux. L'Allemagne a conclu des accords de plus de 1,6 milliard d'euros, incluant des armes légères et des véhicules blindés. Et, toujours selon des chiffres avancés dans le film, la France bat tous les records avec 6 milliards d'euros de vente pour des véhicules de combat et les avions Rafales...  De quoi influencer les relations bilatérales entre Etats.

>> Lire aussi : Sur les droits de l'homme, Macron ne veut pas "donner de leçons" à al-Sissi

Juliette Galeazzi

* "Al-Sissi, notre homme du Caire" diffusé dimanche à 21h15 sur RTS Deux (en ligne jusqu'au 23 octobre 2018)

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