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"Il faut en finir avec l'héritage impossible de Mai 68"

Géopolitis: Mai 68, révolution imaginaire ? [Keystone - AP Photo/files]
Mai 68, révolution imaginaire ? / Geopolitis / 15 min. / le 22 avril 2018
La révolte de Mai 1968 est devenue un mythe. Cinquante ans après, quel est l'héritage de cette vague libertaire? Le sociologue Jean-Pierre Le Goff pointe le danger d'une lecture rétrospective trop simpliste.

"Il y a eu en France une institutionnalisation et une hégémonie de l'héritage de Mai 68. Je pense qu'il faut en finir avec tout ça", tranche l'invité de Géopolitis Jean-Pierre Le Goff, sociologue et ancien militant anarcho-situationniste à l’époque des événements qui ont secoué la France.

Pour lui, l’histoire de Mai 68 est racontée principalement par ses vainqueurs. Les jeunes politisés qui, dans les années 1980, ont rejoint l’élite du panorama médiatique et politique français. Ces enfants de 68 ont érigé l’évènement en mythe fondateur d'une nouvelle modernité.

Connu pour son analyse très controversée dans laquelle il dénonce le mythe de Mai 68, le sociologue revient sur ces évènements 50 ans après. "La France d’hier", son dernier ouvrage, propose le récit de son enfance et de son adolescence. À travers ses propres expériences, il décrypte les mutations profondes de la société française qui ont abouti à la révolte étudiante et ouvrière.

Mai 68 et ses paradoxes

"Les années 50 en France présentent une ambivalence entre les restes de l’ancien et une société en plein bouleversement. La France va devenir citadine, une nouvelle classe ouvrière apparaît, les modes de vie changent". Jean-Pierre Le Goff insiste aussi sur le poids du christianisme et des traditions.

"On avait l'impression d’entrer dans une ère nouvelle avec la publicité, la consommation, et en même temps un sentiment de vide, moins d'épopée, moins d’aventure", précise le sociologue. Révolte étudiante, grève générale et crise politique. La révolution de mai semblait palpable.

"On croyait pouvoir changer la société. Puis on s'est aperçu que c’était beaucoup plus complexe que cela. On était adolescents et à un moment, l'épreuve du réel arrive."

Un retour de Mai 68?

Grève SNCF, réforme universitaire qui fait rage, le printemps contestataire semble faire son retour en France. "Chez les jeunes d'aujourd'hui, il y a une difficulté à faire le deuil d'une certaine utopie", souligne Jean-Pierre Le Goff. "N’oublions jamais que Mai 68 se trouve dans la dynamique des Trente Glorieuses où les idéologies sont très fortes. On a un messianisme révolutionnaire, l’idée d’une société nouvelle lancée vers le socialisme et une utopie un peu folle. La situation actuelle est très différente", insiste le sociologue.

"La société d'aujourd'hui est ailleurs. Elle est confrontée à des défis d’une autre ampleur comme le chômage de masse, l’islamisme militant et les attentats, les craintes de la migration. On n’est plus dans la bulle angélique de Mai 68 où tout est possible."

Oliver Galfetti

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