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En Italie, trois blocs en quête d'une improbable majorité aux élections

De gauche à droite: Luigi Di Maio, leader du Mouvement 5 étoiles, Silvio Berlusconi et Matteo Salvini, de la coalition de droite, ainsi que Matteo Renzi, chef du Parti démocrate. [AFP - Filippo Monteforte, Paolo Manzo, Claudio Giovannini]
De gauche à droite: Luigi Di Maio, leader du Mouvement 5 étoiles, Silvio Berlusconi et Matteo Salvini, de la coalition de droite, ainsi que Matteo Renzi, chef du Parti démocrate. - [AFP - Filippo Monteforte, Paolo Manzo, Claudio Giovannini]
La coalition de droite de Silvio Berlusconi, les populistes du M5S et une gauche minée par les divisions s'affrontent lors des élections législatives de ce dimanche en Italie. Personne ne semble en mesure de remporter la majorité absolue.

Au terme d'une campagne électorale aussi courte que riche en promesses irréalisables, l'Italie se rend aux urnes dimanche. Quelque 50 millions d'électeurs doivent élire leurs représentants dans les deux Chambres du Parlement. Des Italiens qui pourraient bien se réveiller lundi à l'orée d'une nouvelle période d'instabilité politique.

Ni l'éternel revenant Silvio Berlusconi et ses traditionnels alliés de la Ligue, ni un Mouvement 5 étoiles (M5S) en progression mais qui ne peut gouverner seul, ni le Parti démocrate (PD) au pouvoir depuis 2013, ne devrait obtenir la majorité absolue.

LE DÉSAMOUR DES ITALIENS POUR MATTEO RENZI

Après les élections européennes de 2014, où le centre gauche et son Parti démocrate avaient obtenu un score canon (41% des voix), le chef du gouvernement Matteo Renzi était parti pour imposer un règne durable sur la Péninsule. Trop sûr de sa force, le Florentin a fait l'erreur de lier son sort à celui de la réforme constitutionnelle, refusée dans les urnes en décembre 2016. Il démissionne, avant de reprendre la tête du parti quelques mois plus tard.

Mais le PD est miné par des divisions internes. Une grappe de députés a fait sécession et se présente aux élections sous la bannière de Libres et égaux, emmenés par le président sortant du Sénat, l'ancien juge antimafia Pietro Grasso. Pour faire bonne figure, le PD compte sur la mobilisation de son électorat traditionnel, implanté dans les régions du centre de l'Italie - Toscane, Emilie-Romagne et Ombrie - ainsi que sur la popularité du Premier ministre Paolo Gentiloni.

Matteo Renzi est parvenu à personnaliser considérablement son parti

Marc Lazar, directeur du Centre d'histoire de SciencesPo Paris et président de la School of Government LUISS à Rome

Le parti s'est fixé comme objectif de dépasser la barre des 25% des voix. En dessous de ce seuil, le sort de Matteo Renzi pourrait-il être scellé? Marc Lazar, directeur du Centre d'histoire de Sciences-Po Paris, n'y croit pas: "Matteo Renzi est parvenu à personnaliser considérablement son parti. Et il a choisi lui-même les candidats PD, qui lui resteront fidèles une fois élus au Parlement."

LA "NORMALISATION" DU MOUVEMENT 5 ÉTOILES

Luigi Di Maio, le leader du Mouvement 5 étoiles, lors d'un meeting le 17 février. [AFP - MARCO BERTORELLO]

A l'inverse du PD, le Mouvement 5 étoiles, n'a cessé de progresser dans les intentions de vote, au point que les derniers sondages créditent la formation antisystème de 28% à 30% des voix, ce qui en ferait le premier parti du pays. De là à être chargé par le président de la République Sergio Mattarella de former le prochain gouvernement? Pour cela, il faudrait que le M5S accepte enfin de conclure des alliances. "Il existe une hypothèse, relève Marc Lazar, peu probable, mais que l'on ne peut pas tout à fait exclure, qui verrait le M5S s'allier avec la Ligue, Fratelli d'Italia et des députés de la gauche de la gauche, formant ainsi un front commun contre l'Union européenne."

Depuis le retrait de l'humoriste Beppe Grillo - il n'a fait que quelques apparitions publiques durant la campagne - c'est le jeune et ambitieux Luigi Di Maio qui dirige le M5S. Avec lui, fini la sortie de l'Union européenne, les déclarations intempestives et place à la "normalisation" du mouvement. Désireux d'améliorer "la qualité de la vie des Italiens", il propose notamment l'instauration d'un "revenu universel mensuel". Une proposition qui pourrait faire mouche dans le sud, éternel laissé pour compte du développement économique de l'Italie.

>> Le reportage en Calabre de l'émission 15 minutes :

La Calabre détient le record du plus grand nombre de chômeurs de toute l'Italie. [Photononstop/AFP - Nicolas Thibaut]Photononstop/AFP - Nicolas Thibaut
15 minutes – Le Mouvement 5 étoiles dans les yeux des électeurs en Calabre / 15 minutes / 15 min. / le 24 février 2018

UNE DROITE TOUJOURS PLUS À DROITE

Combien de fois n'a-t-on pas enterré Silvio Berlusconi? A 81 ans, le "Cavaliere" est toujours là. Inéligible en raison d'une condamnation pour fraude fiscale, il pourrait néanmoins être le faiseur de rois de ces élections. Pour sa septième campagne électorale, il a appliqué la recette qui lui a permis d'accéder à la présidence du Conseil des ministres à trois reprises: l'alliance des droites, donnée gagnante dans les sondages (35-38%). Malgré des désaccords manifestes, Forza Italia, ressuscité en 2013 par Berlusconi, a ainsi signé un programme commun avec les "postfascistes" Fratelli d'Italia de Giorgia Meloni, les libéraux réunis autour de Raffaele Fitto et, surtout, l'ancienne Ligue du Nord.

Silvio Berlusconi, Georgia Meloni et Matteo Salvini signant leur programme électoral commun, le 18 janvier. [AFP - LIVIO ANTICOLI]

Si on lui a retranché le "du Nord", c'est que la Ligue a opéré un virage à 180 degrés depuis le départ de son chef historique Umberto Bossi et la prise de pouvoir de Matteo Salvini. Comme il semble loin le temps où elle voulait la création de la Padanie. Désormais, elle a des ambitions nationales et drague les électeurs de toute l'Italie. "La Ligue chasse ouvertement sur les terres historiques du PD au centre du pays et tente même une incursion dans le sud, elle qui se définissait pourtant, dans les années 1990, comme anti-méridionale", rappelle Marc Lazar. Alors que Silvio Berlusconi se cantonne à des passages à la télévision, Matteo Salvini multiplie les réunions publiques. Au point de voir la Ligue devancer Forza Italia? Selon un accord conclu entre les deux, c'est au parti qui finira devant qu'incombera la tâche de former le prochain gouvernement.

>> Voir la série de reportages du 19h30 en Italie : A l'aube des élections, l'Italie entrevoit la reprise économique

Théo Allegrezza

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Une fragile reprise économique

Si l'on en croit les chiffres, l'économie italienne envoie des signaux positifs. La croissance s'est établie l'an passé à 1,5%, selon l'Institut national des statistiques (Istat), qui l'avait estimée auparavant à 1,4%. Il s'agit du meilleur chiffre depuis sept ans. Du côté du déficit, la troisième économie de la zone euro enregistre son meilleur résultat en dix ans.

Mais l'Italie reste frappée par un chômage de masse. Au quotidien, beaucoup d'habitants ont le sentiment de ne pas profiter de la reprise économique et sont lassés des appels à la patience lancés par le gouvernement. Ce sont eux qui pourraient plébisciter les formations politiques les plus extrêmes.

Enfin, le poids de la dette publique, à 132% du PIB, la fuite des cerveaux et le déclin démographiques sont autant de boulets dont l'Italie ne semble pas près de pouvoir se délivrer. (ta avec afp)