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La vaccination, entre science, santé publique et débat idéologique

La vaccination. [Fotolia - Zinkevych]
Vaccins: remettre la science au cœur d'un débat politique et idéologique / Tout un monde / 17 min. / le 15 février 2018
La vaccination permet, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), d'éviter 2 à 3 millions de décès par an. Mais entre méfiance et difficulté d'accès, les pratiques et la perception diffèrent d'un pays à l'autre.

Une épidémie de rougeole sévit dans l'ouest de la France, où quelque 400 cas, dont un mortel, ont été recensés. Les autorités françaises l'attribuent à une vaccination insuffisante. L'OMS recommande 95% de personnes vaccinées au minimum contre cette maladie, mais aucun département français n'atteint ce chiffre.

Il faut dire que la France est le pays où la méfiance envers la vaccination est la plus forte: 41% des Français estiment que les vaccins ne sont pas sûrs, selon une étude publiée en 2016 et menée dans 67 pays.

"Différences d'un produit à l'autre"

Certains groupes religieux, par exemple, ont régulièrement mis en cause la pertinence ou la sécurité des vaccins, explique dans l'émission Tout un monde le docteur Patrick Zuber, médecin de santé publique à l'OMS et responsable de l'unité sur la sécurité des vaccins dans le monde. Mais il constate, de manière générale dans la population, "des hésitations face à la vaccination". "D'un produit à l'autre, on peut voir des différences", précise-t-il.

Il explique que ces phénomènes sont observés "essentiellement dans des pays où la couverture vaccinale est élevée, où les maladies que l'on veut prévenir sont devenues rares, et où les gens se posent des questions - parfois légitimes - sur la pertinence de se faire vacciner ou de vacciner ses enfants". "Mais ces phénomènes s'étendent à toutes les régions du globe car la couverture vaccinale a beaucoup évolué, et la communication a augmenté", ajoute-t-il.

Lutte contre la mortalité infantile

Pourtant, l'OMS affirme que la vaccination est essentielle pour réduire la mortalité, en particulier chez les enfants. Elle estime que près de 20% des enfants qui naissent chaque année dans le monde ne peuvent pas recevoir de vaccins.

Des campagnes sont donc mises en place pour améliorer la couverture vaccinale mondiale, qui varie selon les maladies. Elle est actuellement à environ 90% pour les vaccins contre la diphtérie, le tétanos, et la coqueluche, et l'organisation a pour objectif que ce taux soit atteint dans tous les pays du monde. En Suisse, selon les derniers chiffres communiqués par l'OMS, elle est de 98%.

"Une seule maladie a pu être éradiquée du globe grâce à la vaccination: la variole, il y a plus de 30 ans. Et nous sommes très proches de l'éradication de la poliomyélite", explique Patrick Zuber.

Faciliter l'accès

L'OMS ne distribue pas de vaccin, mais essaie de faciliter l'accès à ces produits par le développement de stratégies nationales de santé publique.

Et dans les pays les moins développés, certains vaccins ne sont pas accessibles pour des raisons de disponibilité et de coûts. Cela concerne surtout "les vaccins plus récents, plus coûteux et disponibles en quantité plus limitée, comme celui contre le papillomavirus humain: 90% des décès ont lieu en Asie ou en Afrique subsaharienne", explique Patrick Zuber.

Propos recueillis par Blandine Levite et Eric Guevara-Frey

Adaptation web: Jessica Vial

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"Dépolitiser" la vaccination

"Cela n'a aucun sens de se demander si on est pour ou contre les vaccins. Au lieu de réfléchir à la seule question importante, celle du bénéfice-risque, on pose une question idéologique", estime le professeur Didier Raoult, microbiologiste et auteur de l'ouvrage "La vérité sur les vaccins" (éditions Michel Lafon).

"Il est évident que certains vaccins ont été mauvais, par exemple le TAB contre la typhoïde", estime-t-il, ajoutant que "de très grosses fautes politiques ont été faites dans la vaccination". Il déclare croire davantage "aux convictions qu'ont individuellement les médecins ou les pédiatres qu'aux obligations nationales, qui soulèvent et renforcent la méfiance par rapport à la vaccination".

Au lieu de stratégies nationales, il plaide pour "des stratégies d'encerclement", par exemple dans un cas de résurgence de la rougeole comme actuellement en France. "Quand on voit un cas, il faut vacciner les personnes autour. Et en priorité le personnel de soins, qui ont un risque 18 fois supérieur d'attraper la rougeole, et peuvent la transmettre aux patients".

"Si vous voulez que les gens croient aux vaccins, il faut vacciner contre des maladies qui existent, pas contre celles qui ont quasi disparu", insiste-t-il encore. Il cite par exemple "la grippe, la varicelle et le rotavirus", qui ne font pas, selon lui, l'objet de vraies politiques.