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Mystérieux vols en Europe d'un avion américain renifleur de radioactivité

Le WC-135 Constant Phoenix de l'US Air Force, repéré en Mer Baltique.
Le WC-135 Constant Phoenix de l'US Air Force, repéré en Mer Baltique.
Un avion militaire américain "renifleur" de radioactivité survole l'Europe depuis plusieurs jours. Comme les autorités ne donnent pas d'explications convaincantes, des hypothèses pointent vers un espionnage de l'activité militaire russe.

Depuis son déploiement le 17 février à Mildenhall, en Angleterre, le Boeing WC-135 Constant Phoenix de l'US Air Force interpelle. D'autant plus qu'il a été repéré en moins de deux semaines au-dessus de la France, de la Méditerranée, de la mer du Nord, du Danemark et de la mer Baltique. Que fait en Europe cet avion conçu pour détecter les traces de radioactivité dans l'air?

Il est pour l'heure impossible de répondre, surtout que les principaux intéressés ne se montrent pas très bavards. L'US Air Force n'a pas donné suite à nos multiples sollicitations. De son côté, l'Etat-major français des armées, qui n'a dans un premier temps pas retrouvé le vol, nous a finalement confirmé le passage du "nuke sniffer" sur son territoire le 27 février, sans vouloir (ou pouvoir) l'expliquer. Seul élément officiel public, publié le 22 février par military.com, une plateforme du département américain de la Défense: il s'agit d'une mission de routine.

Possible, mais les déploiements en Europe de WC-135 ne sont "pas fréquents", indique à la RTS Daniel Fuhrer, historien militaire suisse qui travaille pour le Département fédéral de la défense. Conçu pour surveiller les essais atomiques soviétiques durant la Guerre froide, cet appareil a surtout servi ces dernières années au large de la Corée du Nord, à la suite de tirs de missiles de Pyongyang.

Mesures des traces d'iode radioactif?

La réponse lacunaire de l'US Air Force laisse fleurir les hypothèses. La théorie plus fréquente se rapporte aux traces d'iode radioactif détectées à travers l'Europe en janvier: l'appareil serait là pour découvrir l'origine de la fuite, toujours inconnue.

>> Lire : Des traces d'iode radioactif détectées à travers l'Europe en janvier

L'Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), qui a dévoilé les pics d'iode 131 en janvier et surveille la situation, n'a en tout cas pas demandé l'aide de l'armée américaine dans cette affaire. Le directeur du Pôle Radioprotection Environnement de l'IRSN a assuré n'avoir reçu aucune information concernant ces vols.

Regards tournés vers la Russie

Parmi les autres spéculations figure notamment un supposé essai nucléaire russe dans l'Arctique. Pour certains, celui-ci serait aussi à l'origine des traces d'iode 131. Cette théorie ne convainc pas les spécialistes, parce que d'autres isotopes radioactifs n'ont pas été détectés.

En revanche, la mission du "sniffer" pourrait bien être liée à "des tests d'armements russes, comme des missiles, des torpilles ou de nouveaux sous-marins qui laissent des traces nucléaires", émet comme hypothèse Daniel Fuhrer, du Département fédéral de la défense, qui insiste sur le conditionnel. Les Etats-Unis pourraient aussi s'intéresser "aux anciens bâtiments ou sous-marins russes à propulsions nucléaires, qui ne fonctionnent pas très bien".

Kaliningrad dans le viseur?

Mercredi, l'avion est apparu sur des relevés radar au-dessus la Baltique, non loin de l'enclave russe de Kaliningrad, coincée entre la Pologne et les pays baltes. Le détail du vol n'est pas connu. Vendredi, un autre appareil américain, destiné lui à la reconnaissance et dont les missions sont beaucoup plus fréquentes que celles du WC-135, ne s'est pas caché de voler à quelques dizaines de kilomètres de Kaliningrad.

L'enclave, de plus en plus militarisée, cristallise les tensions croissantes entre l'OTAN et la Russie. Le récent déploiement de missiles à capacité nucléaire et les exercices de défense ont pu aiguiser la curiosité américaine.

Même si plusieurs éléments convergent, rien ne permet d'être certain que les missions du renifleur sont liées aux tensions dans la région. Et, pour l'heure, seul Washington détient la clé du mystère.

Valentin Tombez

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