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Réfugiés, précarité, Europe: les défis qui attendent Angela Merkel en 2017

Angela Merkel, chancelière allemande depuis 2005. [AFP - TOBIAS SCHWARZ]
Angela Merkel, chancelière allemande depuis 2005, briguera un quatrième mandat en 2017. - [AFP - TOBIAS SCHWARZ]
La chancelière Angela Merkel, en poste depuis 2005, briguera en 2017 un quatrième mandat à la tête du gouvernement allemand. Mais où en est la première puissance économique européenne après dix ans de pouvoir de "Mutti"?

Déjà plus de dix ans que son regard bleu s'est imposé en Allemagne, et dans le monde. Angela Merkel, la physicienne est-allemande, celle que personne n'attendait au poste de chancelière, a su conquérir le pouvoir et le garder comme le montre le documentaire "Angela Merkel, dame de fer et mère bienveillante", diffusé dimanche sur RTS Deux (à voir ci-dessus).

"Quiconque la sous-estime a déjà perdu", rappelle d'ailleurs le film de Matthias Schmidt. Accusée d'avoir su faire le vide autour d'elle, la chancelière n'en bénéficie pas moins -en fin de troisième mandat- d'une cote de popularité à faire pâlir tout autre dirigeant européen. Son parti, l'Union démocrate-chrétienne (CDU), serait par exemple arrivé en tête si les électeurs allemands avaient dû voter le 10 décembre.

Plusieurs défis attendent toutefois Angela Merkel en 2017, à commencer par la gestion de l'accueil des réfugiés.

La question des réfugiés

Plus d'un an après sa spectaculaire décision d'ouvrir les frontières de l'Allemagne à près de 900'000 personnes, venant essentiellement de Syrie, Angela Merkel a commencé à faire machine arrière. "Une situation comme celle de l'été 2015 ne peut et ne doit pas se répéter. C'était et c'est mon objectif politique", a-t-elle déclaré le 6 décembre dernier devant son parti, l'Union démocrate-chrétienne (CDU).

La chancelière a pu prétendre au magistère moral de l'Europe en pratiquant une politique de bienvenue pour les réfugiés de guerre

Jérôme Vaillant, professeur en civilisation allemande

"Angela Merkel n'a jamais vraiment eu l'intention d'ouvrir les frontières de l'Allemagne sur la durée", observe Jérôme Vaillant, professeur de civilisation allemande à l'Université de Lille, qui relève que "la chancelière a pu prétendre au magistère moral de l'Europe en pratiquant une politique de bienvenue pour les réfugiés de guerre".

Après avoir montré l'exemple à l'ensemble du continent, l'Allemagne a enregistré cet automne une chute drastique des demandes d'asile, passant de 91'331 en août à 26'438 en novembre.

Le défi de l'intégration

Mais cette politique d'ouverture politiquement risquée pourrait s'avérer payante à terme, si le pays relève le défi de l'intégration. "Angela Merkel avait déclaré que l'Allemagne pouvait le faire et, hormis quelques faits divers qui relancent à chaque fois le débat, l'intégration se passe plutôt bien", souligne la correspondante de la RTS à Berlin, Anne Mailliet. La plupart des réfugiés ont trouvé une place dans des foyers d'accueil, ils commencent à se débrouiller en allemand et le système de stages se met en place, détaille-t-elle.

"Il n'est pas exclu qu'Angela Merkel ait aussi vu là une opportunité d'intégrer une main-d'oeuvre jeune et plutôt qualifiée qui fera cruellement défaut à l'Allemagne dans les années à venir", précise également Gilbert Cassasus, professeur en études européennes à l'Université de Fribourg. Il souligne toutefois que le débat sur la démographie est inexistant en Allemagne, alors qu'il constitue un des défis prioritaires pour ce pays.

La montée de l'AfD

Si elle pourrait être bénéfique à long terme, l'arrivée d'autant d'étrangers a réveillé une certaine xénophobie et une peur bien réelle du déclassement au sein de la population allemande. Une angoisse que le parti AfD (Alternative pour l'Allemagne), initialement anti-euro, s'est empressé de mettre au coeur de son discours politique. Avec succès. Après avoir séduit de nombreux électeurs lors des scrutins régionaux, l'AfD devrait faire -sauf retournement majeur- son entrée au Bundestag en 2017.

La conscience de l'injustice sociale est en train de grandir dans la population allemande

Anne Mailliet, journaliste

"La conscience de l'injustice sociale est en train de grandir dans la population où de plus en plus de gens travaillent sans pouvoir en vivre. Les partis traditionnels devraient se méfier de l'impact de ce phénomène sur le vote des gens", relève la journaliste Anne Mailliet.

Un sentiment d'injustice sociale

Car si l'Allemagne est la quatrième puissance économique mondiale, l'écart entre les riches et les pauvres s'est creusé ces dernières années, et la précarité s'est installée dans la durée pour certaines personnes. En 2014, 20,6% de la population allemande était exposée au risque de pauvreté selon des statistiques européennes. C'est plus qu'en France (18,5%).

Sur le banc des accusés, les réformes "Hartz-IV" -entrées en vigueur en 2005 sous le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder- dont le but était d'encourager le travail en durcissant les conditions d'indemnisation des chômeurs et en facilitant le cumul de l'aide sociale avec un emploi salarié. En dix ans, les emplois précaires se sont multipliés en Allemagne et avec eux la peur du déclassement.

Succès économique relatif

En avril 2016, 181'000 salariés à plein temps avaient besoin d'un revenu complémentaire pour vivre, selon des chiffres du ministère allemand du Travail cités par le Huffington Post. La situation est encore plus alarmante pour les personnes à temps partiel touchant des aides. Il est passé de 215'000 en 2009 à 384'000 en 2015.

"Avec Hartz-IV, on a cherché à donner de l'emploi à ceux qui n'en avaient pas, quitte à ce que cela soit dans des conditions précaires, mais c'est aussi ce qui explique pourquoi l'Allemagne de l'Ouest conserve un taux de chômage inférieur à ses voisins européens", rappelle le professeur français Jérôme Vaillant qui invite à relativiser la précarité croissante de la population allemande, selon lui limitée à certaines catégories de la population: chômeurs, retraités, femmes seules avec enfants.

Le dilemme européen

Quant à relancer la demande, en lançant d'importants investissements publics, Angela Merkel, la grande prêtresse de l'austérité en Europe, ne semble pas prête à franchir le pas malgré les appels du pied de ses partenaires européens et du Fonds monétaire international (FMI). "L'Allemagne préfère venir à la croissance par des réformes et mise sur l'équilibre budgétaire plutôt que sur des politiques de relance comme le fait la France", explique Jérôme Vaillant.

Dans un contexte post-Brexit, et alors qu'elle incarne une certaine forme de stabilité, la chancelière franchira-t-elle le pas d'accroître les déficits budgétaires de l'Allemagne? Si cela contribuerait à améliorer son image dans les pays d'Europe du Sud, qui lui reprochent encore sa gestion de la crise grecque, pas sûr qu'un tel programme ne passe très bien dans l'opinion allemande. A moins que le SPD ne soit en 2017 en position d'influencer davantage la politique européenne au Bundestag.

* Documentaire diffusé dimanche 18 décembre à 22h40 sur RTS Deux

Juliette Galeazzi

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Suspense du côté du Parti social démocrate

En annonçant le 24 novembre qu'il allait quitter la présidence du Parlement européen pour se lancer dans la politique allemande, le social-démocrate Martin Schulz a ouvert un nouveau champ des possibles dans la politique allemande. Pourrait-il défier Angela Merkel dans la course à la chancellerie à la fin de l'été 2017 à la place du président du SPD Sigmar Gabriel?

Le dernier sondage de la chaîne ARD, publié le 8 décembre, indique que 59% des Allemands approuvent la décision d'Angela Merkel de se représenter. Mais il révèle également que Sigmar Gabriel n'aurait aucune chance face à la sortante en cas de scrutin direct: à 57% contre 19% alors que l'écartentre Angela Merkel et Martin Schulz serait moindre: 43% contre 36%.

En cas de candidature, Martin Schulz serait par conséquent un adversaire sérieux pour Angela Merkel, même s'il reste toutefois loin derrière elle dans les cotes de sympathie des électeurs allemands.