Ces dirigeants qui se recyclent dans le secteur privé

Grand Format

AFP - JOHN THYS

Introduction

L'ex-président de la Commission européenne José Manuel Barroso est critiqué pour avoir accepté la présidence de Goldman Sachs. Une reconversion polémique qui soulève une fois de plus la question des conflits d'intérêts dans les hautes sphères européennes.

La nomination controversée de José Manuel Barroso

José Manuel Barroso a dit avoir informé personnellement son successeur Jean-Claude Juncker (tous deux en photo ici lors du passage de témoin en 2014) de son embauche chez Goldman Sachs. [REUTERS - Francois Lenoir]
José Manuel Barroso a dit avoir informé personnellement son successeur Jean-Claude Juncker (tous deux en photo ici lors du passage de témoin en 2014) de son embauche chez Goldman Sachs. [REUTERS - Francois Lenoir]

L'annonce, vendredi, de la nomination de l'ancien commissaire européen José Manuel Barroso à la présidence de Goldman Sachs a suscité de nombreuses réprobations.

>> Lire : Pluie de critiques après la nomination de José Manuel Barroso chez Goldman Sachs

Celui qui a occupé la présidence de la Commission européenne de 2004 à 2014 connaît parfaitement les rouages de l'UE et des instances dirigeantes des États membres, son carnet d'adresses ainsi que son expérience valent de l'or.

Pour de nombreux commentateurs, l'embauche du Portugais par la banque d'affaires américaine à la réputation sulfureuse relève du conflit d'intérêts et discrédite a posteriori sa gestion de la crise financière européenne.

La Commission européenne, elle, n'en fait pas la même interprétation et a donné son aval à cette reconversion, se bornant à rappeler que son ancien président était soumis au secret de fonction.

>> Lire : Bruxelles rappelle que José Manuel Barroso est tenu au secret professionnel

>> Le sujet du 19h30 du 11 juillet :

La nomination de José Manuel Barroso chez Goldman Sachs crée l'indignation
19h30 - Publié le 11 juillet 2016

>> Le point avec Isabelle Ory à Bruxelles :

José Manuel Barroso - Goldman Sachs: le point avec Isabelle Ory, à Bruxelles
19h30 - Publié le 11 juillet 2016

Quelques figures clés du "gouvernement Sachs" en Europe

C'est loin d'être la première fois que des responsables des plus hautes institutions européennes sont accusés de collusion avec le secteur bancaire et financier.

Goldman Sachs, en particulier, entretient depuis des années un réseau d'influence puissant au sein des hautes sphères européennes (surnommé par certains observateurs le "gouvernement Sachs").

La banque fait régulièrement appel à des ex-financiers et économistes, banquiers centraux ou hauts fonctionnaires des organisations économiques internationales, qui ont l'oreille des dirigeants. Et plusieurs figures européennes de premier plan sont des anciens de Goldman Sachs.

De nombreux ex-commissaires européens recyclés dans le privé

Au-delà du secteur bancaire, le phénomène des "revolving doors" (les "portes tambour" en français) - lobbies puissants et porosité entre les secteurs public et privé- a été dénoncé à de nombreuses reprises par des ONG mettant en doute l'impartialité des responsables à Bruxelles.

En octobre dernier, l'ONG Corporate Europe Observatory (CEO) a ainsi dressé un état des lieux des reconversions des membres sortants de la Commission Barroso II (dont le mandat s'est achevé le 31 octobre 2014).

Selon l'organisation, un tiers de ces anciens commissaires (9 sur 26) ont accepté un ou plusieurs mandats rémunérés dans le secteur privé, souvent au sein de firmes aux activités proches de leurs affectations politiques. CEO affirme qu'au moins 8 de ces mandats n'auraient pas dû être autorisés car ils constituaient un conflit d'intérêts clair. Quelques exemples (la liste complète est ici):

Les reconversions lucratives de certains dirigeants

Il n'y a pas qu'entre les murs des institutions de l'UE que de lucratives reconversions ont fait jaser. Depuis la fin de leurs obligations politiques, plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement monnaient à prix d'or leur expertise et leur entregent en tant que conférenciers, présidents de conseils d'administration ou même consultants pour des pays.

Tony Blair et Gerhard Schröder ont été particulièrement accusés de flirter avec le conflit d'intérêts. L'ex-Premier ministre britannique a notamment été accusé par la presse de mettre à profit ses déplacements en tant qu’émissaire du Quartet pour le Moyent-Orient pour faire avancer les affaires de son propre cabinet de conseil.

Quant à l'ancien chancelier allemand, il a rejoint, dès la fin de son mandat, un consortium en faveur de la construction d'un gazoduc de Gazprom dont il avait lui-même négocié la création en tant que chancelier.

En Suisse, quelques cas controversés

La situation est quelque peu différente en Suisse où la politique est une politique de milice. Certains transferts du secteur public au secteur privé n'en ont pas moins fait grincer des dents.

Le cas le plus emblématique est celui de l'ancien conseiller fédéral en charge des infrastructures Moritz Leuenberger, qui avait rejoint le conseil d'administration du géant du bâtiment Implenia après son départ du gouvernement.

Cette reconversion avait même inspiré un projet de loi visant à interdire pendant deux ans aux anciens conseillers fédéraux d'exercer des mandats rémunérés pour le compte d'entreprises liées à leur département. Approuvée au Conseil national, la mesure a été balayée par le Conseil des Etats en juin 2014.

>> Lire : Les ex-ministres ne devront pas attendre pour assumer un mandat privé

Pauline Turuban