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Le Brexit, un chemin semé d'embûches qui pourrait durer de longues années

Avant le vote, le ministère des Affaires étrangères britannique a estimé que les négociations pourraient mener à plus d'une décennie d’incertitude. [APA - Georg Hochmuth]
Avant le vote, le ministère des Affaires étrangères britannique a estimé que les négociations pourraient mener à plus d'une décennie d’incertitude. - [APA - Georg Hochmuth]
Alors que l'Union européenne presse Londres d'entamer rapidement la procédure de sortie de l’Union européenne, de plus en plus d'indices laissent penser que l'on s'achemine vers un processus long et compliqué.

Les Européens veulent limiter au maximum la période d'incertitude, mais les négociations pourraient durer des années et c'est au gouvernement britannique que revient la décision de lancer formellement une sortie de l'UE. Avant le vote, le ministère des Affaires étrangères britannique a estimé que, à l'image des discussions sur les grands traités commerciaux, les négociations pourraient mener à plus d'une décennie de discussions.

La tactique de David Cameron

David Cameron annonce son intention de démissionner. [KEYSTONE - EPA/Will Oliver]
David Cameron annonce son intention de démissionner. [KEYSTONE - EPA/Will Oliver]

Car des urnes à son application, le chemin vers un Brexit est semé d'embûches. A l'origine du référendum, David Cameron s'était engagé à respecter la décision populaire, pourtant non contraignante. Mais dès le lendemain du vote, le Premier ministre britannique a fait part de son intention de démissionner cet automne et de laisser à son successeur à la tête du parti conservateur (dont le nom devrait être connu le 2 septembre au plus tard) le soin de mener les négociations.

>> Lire aussi : Le successeur de David Cameron connu au plus tard le 2 septembre

Or plusieurs commentateurs doutent que le Brexit devienne une réalité. En annonçant sa démission, David Cameron aurait mis les adeptes du Brexit, dont l'ancien maire de Londres Boris Johnson, "échec et mat". C'est du moins la thèse d'un commentaire partagé plus de mille fois sur le site du Guardian et que le quotidien britannique a ensuite repris à son compte. L'idée: mettre les candidats à sa succession dans une situation intenable en devant appliquer la décision populaire.

La temporisation de Boris Johnson

Boris Johnson était le favori des bookmakers pour succéder à David Cameron. [AFP - Justin Tallis]
Boris Johnson était le favori des bookmakers pour succéder à David Cameron. [AFP - Justin Tallis]

Et de fait, Boris Johnson, probable candidat à la succession de David Cameron, s'est montré très conciliant avec ses adversaires d'hier, en assurant que le Royaume-Uni fait "partie de l'Europe" et que la coopération avec ses voisins du continent allait "s'intensifier". "Il n’y a pas d'urgence et rien ne va changer à court terme, expliquait Boris Johnson vendredi. Nous allons commencer le travail pour extirper ce pays de l'Union européenne, mais il n’y a pas besoin d’évoquer l’article 50."

Et le ministre des Finances George Osborne est intervenu lundi pour déclarer que son pays n'entamerait le processus de sortie de l'Union européenne "que lorsque nous aurons une vision claire des nouveaux arrangements recherchés avec nos voisins européens".

>> Lire aussi : Le Royaume-Uni n'activera le Brexit que lorsqu'il jugera le moment opportun

Le Brexit aura-t-il lieu?

De nombreux commentateurs estiment que les Britanniques vont faire jouer la montre avant de sortie de l'UE. [AFP - Daniel Leal-Olivas]
De nombreux commentateurs estiment que les Britanniques vont faire jouer la montre avant de sortie de l'UE. [AFP - Daniel Leal-Olivas]

Autant d'appels à temporiser qui font dire au Monde que "Le Brexit n'aura pas lieu". "Tout devrait se résumer in fine à deux questions: combien Londres devra-t-il payer pour rester dans l’UE sans y appartenir juridiquement et à quelles réunions communautaires les représentants de Sa Majesté participeront-ils, avec le titre d’observateur forcément très actif. A la fin de l'histoire, les peuples risquent de se retrouver fort marris d'un Brexit peut-être plus formel que réel", analyse le quotidien.

A la fin de l'histoire, les peuples risquent de se retrouver fort marris d'un Brexit peut-être plus formel que réel

Arnaud Leparmentier, Le Monde

"Les conservateurs ont en tête de pousser les Européens à la division, en escomptant que les plus proches alliés des Britanniques finiront par faire pression pour proposer un divorce à l'amiable satisfaisant pour Londres", écrit de son côté Les Echos. "Certains observateurs doutent même de la volonté d'un Boris Johnson de sortir de l'Union européenne. L'idéal, pour lui, serait sans doute d'obtenir un arrangement avec les dirigeants européens sans passer par la case exit", analyse le quotidien économique français.

En Suisse, Le Temps souligne les divisions qui affaiblissent les partisans du Brexit, entre les ultralibéraux et "les déçus de la mondialisation, ceux qui rêvent de revenir à un Royaume-Uni plus ou moins mythique des années 1950. Eux veulent fermer les frontières. Leur principal objectif: réduire l'immigration. Nigel Farage, le leader du UKIP, a été leur porte-parole", écrit le correspondant à Londres du quotidien.

Cité par Le Temps, Philip Hammond, le ministre des Affaires étrangères, favorable au Remain (rester), prédit que le résultat risque d'être "extrêmement décevant pour beaucoup de gens dans ce pays qui ont voté pour partir".

Interrogé dans l'émission Forum, Michael Binyon, éditorialiste au quotidien britannique The Times of London, parle d'une solution de "demi-Brexit". "S'il y a un moyen de rester dans le marché unique, c'est possible qu'il y ait un Brexit pas tout à fait Brexit, soit une situation comme la Suisse".

>> Son interview :

Michael Binyon, éditorialiste au "Times" [CC-BY-SA - British Council]CC-BY-SA - British Council
Après-Brexit: divers scénarios envisagés pour éviter une sortie / Forum / 11 min. / le 27 juin 2016

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Les principaux points à négocier

Le Royaume-Uni devra adopter de nouvelles lois pour éviter un vide juridique puisqu'il ne sera plus soumis à toute une série de réglementations européennes.

Le Parlement britannique devra analyser les quelque 8000 textes législatifs dérivés du droit européen pour voir s'il les conserve ou pas.

Les Vingt-Huit devront notamment négocier les modalités de la fin de la contribution britannique au budget de l'UE (12,9 milliards d'euros en 2015) et des versements de fonds européens à Londres (5,8 milliards).

L'avenir des 1500 fonctionnaires européens de nationalité britannique figurera aussi au programme des discussions.

Avant que le divorce ne soit acté, le Royaume-Uni restera membre de l’Union. Les eurodéputés britanniques continueront de siéger à Strasbourg jusqu'aux prochaines élections européennes qui se tiendront en 2019.

Un calendrier très incertain

Comme le stipule l'article 50 du traité de Lisbonne qui n’a jamais été utilisé jusqu’ici, le Royaume-Uni doit notifier au Conseil européen composé des chefs d’Etat et de gouvernement son intention de quitter l'Union.

Les 27 ne peuvent pas forcer Londres à accélérer la manoeuvre.

Une fois la machine enclenchée, Britanniques et Européens ont deux ans pour négocier. Ce délai peut être raccourci, mais il peut aussi être allongé avec l'accord unanime des Etats membres.