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Les prisons françaises, le passage de la délinquance au djihad?

Les images des tireurs publiées sur les réseaux sociaux. [Anne Gelbard]
Les images des tireurs publiées sur les réseaux sociaux. - [Anne Gelbard]
Comme lors de l'affaire Merah et de la tuerie au Musée juif de Bruxelles, l'un des suspects de la fusillade à Charlie Hebdo s'est radicalisé dans une prison française au contact de djihadistes.

L'attaque de Charlie Hebdo ravive la question des prisons françaises où se diffuse l'islam radical. L'un des principaux suspects de l'attentat, Chérif Kouachi, semble s'être radicalisé en prison, où les jeunes détenus sont la proie d’imams radicaux autoproclamés, notent de nombreux experts.

Les prisons avaient déjà été accusées d'être un terrain de radicalisation lors de l'affaire Merah au printemps 2012. Le suspect de la tuerie le 24 mai au Musée juif de Bruxelles, délinquant français multirécidiviste, s'est aussi radicalisé en prison, selon sa famille.

Après la tuerie du Musée juif, le ministre français de l'Intérieur Bernard Cazeneuve concédait sur Europe 1 que "il est vrai qu'en prison il y a la diffusion d'une pensée radicale". Selon un rapport du ministère de la Justice rédigé en 2014, 400 islamistes radicaux seraient détenus dans les prisons françaises, dont une quarantaine sont considérés comme "très dangereux".

Liens tissés en prison par Chérif Kouachi

Concernant Chérif Kouachi, celui-ci semble s'être rapproché du djihad avant son séjour en prison, en 2005 et 2006, condamné pour sa participation à une filière qui envoyait des djihadistes en Irak. C'est néanmoins en prison qu'il rencontre Djamel Beghal, qui purge une peine de 10 ans de prison pour la préparation d'un attentat contre l'ambassade des Etats-Unis à Paris. Les deux hommes ont été photographiés à plusieurs reprises après sa sortie de prison par les services de renseignements français, note le journal Le Monde.

Djamel Beghal est devenu le mentor de Chérif Kouachi et a probablement joué un rôle dans la transformation du jeune homme, qui était qualifié d'"amateur" lors de son procès, poursuit Le Monde. Mercredi, le cadet des frères Kouachi est au contraire apparu en "professionnel".

Radicalisation "en catimini"

La prison est-elle alors le principal espace de radicalisation islamiste? C'est un facteur de radicalisation, mais le modèle a beaucoup changé en 10 ans, répond le sociologue Fahrad Khosrokhavar, spécialiste du phénomène interrogé par Médiapart.

"Aujourd’hui, la radicalisation emprunte des chemins beaucoup plus introvertis et mutiques, où l’on dissimule son allégeance à l’islam radical, où l’on se rassemble au sein de tout petits groupes de 2-3 personnes, sans se laisser pousser la barbe."

Isoler les détenus radicaux?

A Fresnes dans le Val-de-Marne, le directeur de l'établissement pénitencier a décidé d'isoler 19 détenus identifiés comme islamistes radicaux pour éviter le prosélytisme. Cette expérience révélée début novembre 2014 avait été accueillie avec beaucoup de réticences, y compris par la ministre de la Justice Christine Taubira.

Pour Farhad Khosrokhavar, cité par FranceInter, il n'y a pas de solution simple à ce phénomène. Il recommande donc d'imaginer des modules de "déradicalisation", adaptés à chaque cas.

vtom

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