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Un an après le soulèvement contre Mouammar Kadhafi, la Libye reste en chantier

Benghazi fête le début du soulèvement populaire en Libye. [Sabri Elmhedwi]
Benghazi fête le début du soulèvement populaire en Libye. - [Sabri Elmhedwi]
Le 17 février 2011, les premières manifestations hostiles à Mouammar Kadhafi étaient réprimées violemment à Benghazi, marquant le début de l'embrasement de la Libye.

Une date symbolique

Les célébrations populaires: les Libyens considèrent le 17 février comme le premier jour de la révolution, avec les premières manifestations contre Mouammar Kadhafi à Benghazi, à l'est du pays. Aucun programme officiel n'était prévu par "respect pour les familles des martyrs, les blessés et les disparus", selon les nouveaux dirigeants du pays. Après la prière du vendredi, les habitants de la ville se sont cependant réunis dans la ville et ont lancé des pétards et des fusées. Des slogans ont été chantés et des coups de klaxon ont retenti. Les anciens révolutionnaires libyens ont brandi le V de la victoire et ont scandé des slogans hostiles au régime. Le chef du Conseil national de transition Moustapha Abdeljalil a fait le déplacement de Benghazi pour l'occasion.

Pourquoi le 17 février?: cette date symbolique marque la première "Journée de la colère" contre le régime Kadhafi. Dans la foulée des révolutions en Tunisie et en Egypte, des jeunes internautes avaient fixé cette date sur Facebook pour contester le pouvoir. Ce choix visait aussi à commémorer la mort de 14 personnes durant des heurts qui avaient opposé, le 17 février 2006, les forces de l'ordre à des manifestants qui protestaient contre la publication des caricatures de Mahomet. Le 17 février 2011, des opposants se rassemblent en nombre à Benghazi et à Al-Baïda (est) et ces manifestations sont réprimées violemment par le pouvoir. Le mouvement s'embrase alors et n'a dès lors plus cessé.

Le véritable élément déclencheur: le 15 février 2011, les autorités ordonnent l'arrestation à Benghazi de l'avocat Fathi Tarbel, un militant des droits de l'homme et ancien prisonnier politique. La nouvelle de cette arrestation est rapidement connue. Des manifestants se rassemblent devant le domicile de l'avocat puis se dirigent vers le centre-ville, scandant le slogan "Benghazi, réveille-toi, c'est le jour que tu attendais". Au moins 38 personnes avaient été blessées durant un sit-in de protestation. Si les nouveaux dirigeants ont adopté la date du 17 février comme début officiel du soulèvement, c'est donc dès le 15 qu'il a commencé et qu'il a mûri.

Les dates-clés de la révolution

Le 19 mars 2011: sous l'impulsion de la France et de l'Angleterre, vite rejoints par les Etats-Unis, une coalition lance une offensive contre le régime de Kadhafi après avoir reçu le soutien de l'ONU. Alors que les rebelles sont repoussés aux portes de Benghazi et semblent sur le point d'être battus, cet appui va bouleverser la donne.

Le 11 mai 2011: après deux mois de siège, la rébellion libère la ville de Misrata, un premier succès d'envergure sur la route de Tripoli. Entretemps, l'OTAN a pris la tête de la coalition.

Le 23 août 2011: trois jours après le début de l'offensive rebelle, la capitale Tripoli tombe avec la prise de Bab al-Aziziya, le quartier général de Kadhafi.

Le 20 octobre 2011: Mouammar Kadhafi est retrouvé dans sa ville natale de Syrte, alors qu'il tentait de fuir la ville dans un tunnel. Le colonel est renversé après plus de 40 ans de règne. Les images de son lynchage par la foule ont fait le tour du monde et son corps a ensuite été exposé à Misrata.

Le 23 octobre 2011: Le Conseil national de transition proclame la "libération totale" du pays et la fin d'un conflit qui a fait plus de 30'000 morts.

Le 19 novembre 2011: fils de Mouammar Kadhafi et premier prétendant à sa succession, Seif al-Islam est le dernier dignitaire du régime à être arrêté, dans le sud du pays.

La Libye aujourd'hui

La situation politique: porté au pouvoir après la chute de Kadhafi, le Conseil national de sécurité peine à surmonter l'héritage laissé par Kadhafi, même si toute la famille du colonel a été écartée (lire Clan Kadhafi): prolifération des armes, infrastructures vétustes, absence d'institutions, corruption, systèmes sanitaire et éducatif rudimentaires. La lenteur des réformes provoque depuis quelques semaines des mouvement de contestation contre le nouveau régime. Le CNT est notamment accusé de voler la révolution et d'avoir permis à des opportunistes de l'ex-régime de faire partie de la nouvelle équipe dirigeante. Et les réformes sont quasiment suspendues avant les prochaines élections, prévues en juin.

La sécurité: au moment où les Libyens célèbrent le début de l'insurrection, des inquiétudes demeurent sur l'avenir du pays. Et premièrement au niveau de la sécurité, puisque les anciens révolutionnaires, formés en milice, font souvent la loi, assurant les fonctions de la police et de l'armée, qui n'ont pas encore été mises en place par le nouveau régime. L'effort de désarmement qui a été lancé n'a pas encore porté ses fruits, car ces milices refusent d'abandonner les intérêts qu'elles ont acquis.

L'économie: la situation financière de la Libye est toujours précaire, après que le PIB a chuté de 60% durant l'année 2011. La levée des sanctions internationales et la reprise des activités pétrolières peinent encore à faire redémarrer l'économie. Le FMI table toutefois sur une croissance de la production de pétrole de l'ordre de 70% cette année, avec une production de 1,35 million de barils, contre 1,77 en 2010 et 0,51 en 2011. Mais l'inflation reste très haute (14%), tout comme le chômage (près de 30%) et les gros contrats avec des Etats étrangers pour la reconstruction du pays peinent à être signés.

Une contre-révolte? depuis la chute de Mouammar Kadhafi, certains Libyens souhaitent toujours le retour au pouvoir des partisans du colonel. Ainsi, un groupe inconnu a récemment annoncé sur internet la formation d'un "mouvement libyen populaire national". Il se dit fier du "courage" du "martyr Mouammar Kadhafi" et affirme avoir pour objectifs de dissoudre les milices armées et de bâtir les institutions de l'Etat. Il veut également libérer "tous les prisonniers sans exceptions, y compris Seif al-Islam". Dans le même ordre d'idée, Saadi Kadhafi, le fils du leader déchu exilé au Niger, a déclaré qu'il entendait retourner dans son pays pour y mener la révolte.

boi

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