L'ambassadeur Tahsin Burcuoglu "est rentré pour consultations", a déclaré le porte-parole de la représentation diplomatique à Paris, Engin Solakoglu.
Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan avait ordonné jeudi en représailles la suspension des visites bilatérales et le rappel pour consultations de l'ambassadeur de Turquie en France et ajouté que "les exercices militaires communs avec la France et toutes les activités militaires avec ce pays avaient été annulés" pour protester contre l'adoption de ce texte.
"Génocide" en Algérie
Vendredi, Recep Tayip Erdogan a encore haussé le ton, accusant la France d'avoir commis un "génocide" en Algérie et le président français Nicolas Sarkozy, selon toute vraisemblance candidat à un nouveau mandat en avril prochain, de jouer sur "la haine du musulman et du Turc" à des fins électoralistes.
Jeudi soir, le chef de la diplomatie française Alain Juppé, selon plusieurs médias français opposé à l'adoption du texte, a indiqué que la France "regrettait" les décisions de la Turquie, tout en appelant Ankara à ne pas "surréagir" après que Recep Tayip Erdogan a détaillé une série de mesures de représailles, estimant que cette proposition de loi allait "ouvrir des plaies irréparables et très profondes dans les relations bilatérales".
Le Premier ministre turc a ainsi indiqué que la Turquie statuerait désormais au cas par cas sur toute demande militaire française d'utiliser son espace aérien et "rejetterait dorénavant toute demande" de visite des ports turcs par des bâtiments de guerre français. "Progressivement", d'autres mesures pourraient être mises en oeuvre, a-t-il indiqué.
Une politique "raciste"
"Nous révisons nos relations avec la France", a déclaré Recep Tayip Erdogan qui a expliqué que la Turquie ne participerait pas à un comité économique mixte France-Turquie prévu pour janvier à Paris. La Turquie met aussi fin aux consultations politiques avec la France, notamment sur des dossiers sensibles comme la Syrie où Ankara joue un rôle central. Recep Tayip Erdogan a fustigé une "politique de la France fondée sur le racisme, la discrimination et la xénophobie".
Il s'en est particulièrement pris au président français Nicolas Sarkozy, l'accusant d'avoir instrumentalisé le génocide arménien à des fins électorales, à l'orée de la présidentielle de 2012. "L'Histoire et les peuples ne pardonneront pas à ceux qui exploitent les faits historiques à des fins politiques", a estimé le premier ministre turc. Ce dernier s'est en revanche abstenu d'annoncer des sanctions commerciales contre la France, important partenaire économique de son pays.
Pas de volonté d'extermination
Selon l'ambassadeur turc qui s'exprimait jeudi soir après l'annonce de son renvoi, son homologue français à Ankara ne sera pas rappelé pour consultations. Ce dernier se trouve actuellement en vacances en France, avait indiqué le chef de la diplomatie Alain Juppé.
Malgré les nombreux avertissements d'Ankara, les députés français ont voté une proposition de loi pénalisant d'un an de prison et 45'000 euros d'amende la négation d'un génocide reconnu par la loi, comme l'est depuis 2001 en France le génocide arménien de 1915, qui a fait 1,5 million de morts, selon les Arméniens. La Turquie reconnaît que jusqu'à 500'000 Arméniens sont morts pendant des combats et leur déportation, mais non pas par une volonté d'extermination.
agences/dk
La Suisse ne fâche pas la Turquie
La Suisse n'aura pas de nouvelle crise diplomatique avec la Turquie comme la France. Le National a rejeté vendredi plusieurs pétitions demandant la reconnaissance de génocides dont ceux perpétrés en 1915 contre les populations assyro-chaldéo-syriaques et grecques pontiques.
Le National a écarté par 115 voix contre 69 une pétition demandant au Parlement d'adopter une résolution visant à reconnaître le génocide de 1915 perpétré contre les populations assyro-chaldéo-syriaques, arméniennes et grecques pontiques de l'empire Ottoman.
Dans la foulée, la Suisse aurait dû demander à l'ONU et à la Turquie d'en faire de même. Le soutien de la gauche et plusieurs représentants bourgeois n'a pas suffi.
Plusieurs études ont qualifié de génocide ces massacres, avaient-ils fait valoir en commission. Rien n'empêche donc le Parlement de les reconnaître comme tels et de soutenir ceux qui souhaitent voir Ankara faire face à son passé.
La majorité a jugé délicat pour un parlement d'utiliser le mot de génocide. Tout en déplorant les souffrances des populations concernées, elle a estimé que les instruments parlementaires ne sont pas les plus adéquats pour répondre aux requêtes des pétitionnaires.
Le National a déjà reconnu en 2003 le génocide arménien de 1915 contre l'avis du Conseil fédéral. La décision était tombée par 107 voix contre 67 et 11 abstentions.
Contrairement à une première tentative qui avait échoué en 2001, le postulat adopté ne demandait pas une telle reconnaissance de la part du Conseil fédéral, mais que celui-ci en prenne acte et transmette la position du National par les voies diplomatiques usuelles.