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La rédaction de Charlie Hebdo détruite par le feu

Le directeur de la publication Charb présente la Une du numéro qui serait à l'origine de l'incendie criminel. [Alexander Klein]
Le directeur de la publication Charb présente la Une du numéro qui serait à l'origine de l'incendie criminel devant le siège détruit par les flammes. - [Alexander Klein]
La rédaction du journal satirique français Charlie Hebdo, qui publie ce mercredi un numéro spécial rebaptisé "Charia hebdo" avec à la Une une caricature de Mahomet hilare, a été détruite dans la nuit de mardi à mercredi par un incendie criminel qui a provoqué l'indignation en France. La police judiciaire de Paris a été saisie de l'enquête.

L'hebdomadaire avait décidé de faire de Mahomet le "rédacteur en chef" de son numéro de mercredi, afin de "fêter la victoire" du parti islamiste Ennahda en Tunisie et l'annonce que "la charia serait la principale source de législation de la Libye". En Une, un dessin représente un Mahomet joyeux et débonnaire avec ces mots: "100 coups de fouet si vous n'êtes pas morts de rire!"

En novembre 2011, Charlie Hebdo avait déjà publié un numéro spécial dont Mahomet était le "rédacteur en chef". [Martin Bureau]
En novembre 2011, Charlie Hebdo avait déjà publié un numéro spécial dont Mahomet était le "rédacteur en chef". [Martin Bureau]

L'incendie s'est déclenché "aux alentours de 01h00" dans le quartier populaire du XXe arrondissement. La police a évoqué la piste d'un jet d'un "cocktail molotov". Le rez-de-chaussée et le premier étage du bâtiment étaient brûlés et noircis de suie.

"C'est dramatique, tout est foutu", a témoigné un des chroniqueurs Patrick Pelloux. L'incendie a "tout détruit, tout le rez-de-chaussée, où la rédaction est installée a brûlé". Selon Patrick Pelloux, l'engin explosif aurait été lancé "sur la devanture et mis le feu au système informatique".

"La police nous dit que deux personnes ont été vues en train de partir peu de temps avant le déclenchement de l'incendie", a précisé le directeur de la publication, le dessinateur Charb.

Site internet piraté

Une des pages du numéro spécial de mercredi. [AFP - MARTIN BUREAU]
Une des pages du numéro spécial de mercredi. [AFP - MARTIN BUREAU]

Piratage informatique présumé, la page d'accueil du site internet du journal a en outre été remplacée par une photo de la mosquée de La Mecque en plein pèlerinage, avec ces mots: "Not god but Allah" ("Pas d'autre Dieu qu'Allah").

Selon Charb, l'incendie est directement "lié" à la publication de ce numéro mais l'édition sera bien dans les kiosques, a-t-il dit.

"La provocation, on la fait toutes les semaines. On a fait notre boulot. On est aussi un journal d'actualité (...). On a décidé de traiter ce qui se passait en Tunisie et en Libye. On a fait de l'humour à la Charlie Hebdo. Il n'y a aucun dessin avec le prophète avec une bombe dans le turban", il est simplement présenté comme "un mec rigolard", a-t-il argué sur la radio Europe 1.

Des menaces

Depuis l'annonce lundi de la publication de ce numéro, le journal avait avait reçu des menaces. "Sur Twitter, sur Facebook, on a reçu pas mal de lettres de protestation, de menaces, d'insultes", que la direction du journal s'apprêtait à transmettre à la police, a indiqué Charb.

Le journal avait déjà été menacé en 2006 lors de la publication des caricatures de Mahomet parues dans des journaux danois qui avait déclenché de violentes protestations dans nombre de pays musulmans. A ce moment-là, "un car de policiers avait été posté aux abords du journal et des gardes du corps détachés auprès des principaux dessinateurs", selon Charb.

Le journal sera accueilli par Libération

Mais le numéro de ce mercredi "n'a pas la même portée, c'est plus déconnant qu'autre chose". La rédaction de Charlie Hebdo a assuré "être contre tous les intégrismes religieux, mais pas contre les musulmans pratiquants". "Nous sommes pour le printemps arabe, contre l'hiver des fanatiques", a-t-elle ajouté. Cet acte a été unanimement condamné en France (lire ci-contre).

Les locaux de Charlie Hebdo abritent notamment la rédaction, le service de fabrication des maquettes, des bureaux et des stocks merchandising. Le directeur de la rédaction de Libération Nicolas Demorand a fait savoir aux équipes de Charlie Hebdo qu'elles étaient "les bienvenues à "Libé" le temps qu'elles retrouvent des locaux et des ordinateurs. "On se serrera!".

afp/ap/hof

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Nombreuses réactions politiques

François Fillon Le Premier ministre français a fait part mercredi "de son indignation". "La liberté d'expression est une valeur inaliénable de notre démocratie et toute atteinte à la liberté de la presse doit être condamnée avec la plus grande fermeté. Aucune cause ne saurait justifier une action violente", a-t-il dit.

Jean-François Copé Le secrétaire général de l'UMP a jugé "combien il est nécessaire que tous autant que nous sommes et quelles que soient nos sensibilités, nous condamnions avec la plus grande force ce qui n'est rien d'autre qu'un attentat, contre un journal dans un pays qui doit incarner la liberté d'expression, c'est-à-dire la France". "Je le condamne avec la plus grande force", a-t-il déclaré sur la radio Europe 1.

Bertrand Delanoë Le maire socialiste de Paris a également "condamné avec la plus grande fermeté cet acte de violence, et qui est aussi un acte de violence contre la liberté d'expression". "On peut ne pas être d'accord avec le numéro de Charlie Hebdo aujourd'hui, mais nous sommes dans une société qui a besoin de liberté d'expression, et tout acte violent pour mettre en cause cette liberté doit être condamné avec la dernière fermeté. C'est absolument inadmissible".

Nathalie Kosciusko-Morizet La ministre de l'Ecologie a estimé que "ceux qui font ça se désignent eux-mêmes comme des ennemis de la démocratie". "Il y a un droit de la presse et si on n'est pas content de qui est dit dans un journal, on attaque en justice, mais on ne met pas une bombe (...) On ne négocie pas le droit de la presse à coup de bombe", a-t-elle souligné sur France-Info.

François Hollande Le candidat socialiste à la présidentielle de 2012 a déclaré qu'"aucune atteinte à la liberté de la presse ne peut être acceptée".

Mohammed Moussaoui Le président du Conseil français du culte musulman (CFCM) a "condamné fermement" cet acte, s'il est confirmé qu'il est criminel.