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Ultimatum lancé à Mouammar Kadhafi

Barack Obama, qui avait rencontré Kadhafi en 2009, va intervenir en Libye si les attaques contre les civils se poursuivent. [KEYSTONE - Michael Gottschalk]
Barack Obama, qui avait rencontré Kadhafi en 2009, va intervenir en Libye si les attaques contre les civils se poursuivent. - [KEYSTONE - Michael Gottschalk]
Le régime libyen, sous la menace de frappes aériennes après une résolution de l'ONU dans la nuit ouvrant la voie à un recours à la force, a annoncé vendredi un cessez-le-feu accueilli avec circonspection. Washington, Paris, Londres et des pays arabes ont lancé un ultimatum à Mouammar Kadhafi.

La Libye "a décidé d'observer immédiatement un cessez-le-feu et de mettre fin à toutes les opérations militaires", a déclaré le ministre libyen des Affaires étrangères, Moussa Koussa, en début d'après-midi à Tripoli. Le pays a demandé à la Turquie, Malte et la Chine d'envoyer des observateurs pour superviser le cessez-le-feu.

Mouammar Kadhafi promet l'enfer à ceux qui attaqueraient la Libye. [KEYSTONE - Mohamed Messara]
Mouammar Kadhafi promet l'enfer à ceux qui attaqueraient la Libye. [KEYSTONE - Mohamed Messara]

A Benghazi, le commandant des rebelles, Khalifa Heftir, a dénoncé un coup de "bluff" et un porte-parole de l'opposition a assuré que des "bombardements soutenus" se poursuivaient à Zenten et Misrata dans l'Ouest et à Ajdabiya dans l'Est. Une forte explosion suivie immédiatement de tirs anti-aériens a été entendue vendredi soir depuis Benghazi, dans l'est de la Libye, selon des journalistes de l'AFP.

Face aux doutes d'un véritable respect du cessez-le-feu, le président américain Barack Obama a menacé Mouammar Kadhafi d'une opération militaire si les attaques contre les civils se poursuivaient. Par la suite, Paris, Londres, des pays arabes se sont joint à l'ultimatum appelant à la fin "immédiate" de "toutes les attaques" contre la population libyenne, sous peine d'une intervention.

Plusieurs pays prêts  à en découdre

Jeudi soir, le Conseil de sécurité de l'ONU a voté en faveur d'un recours à la force contre les troupes pro-Kadhafi, ouvrant la voie à des frappes aériennes après plus d'un mois d'une insurrection réprimée dans le sang.

Le Conseil de sécurité des Nations unies, à New York. [Stan Honda]
Le Conseil de sécurité des Nations unies, à New York. [Stan Honda]

La résolution autorise "toutes les mesures nécessaires" pour protéger les civils et imposer un cessez-le-feu. Elle permet une zone d'exclusion aérienne mais précise qu'il n'est pas question d'occupation militaire.

Une coalition menée par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni, avec la participation du Qatar, a pris forme vendredi en vue d'intervenir en Libye. L'Otan, toujours en retrait, semblait appelée à jouer un rôle d'appoint.

Le Canada, la Norvège, le Danemark et la Belgique ont fait part de leur intention de se joindre à la coalition, en lui apportant avions de transport, chasseurs-bombardiers F-16 ou F-18 et frégate ou navire chasseur de mines, pour participer aux raids ou soutenir une opération humanitaire.

L'Italie, ancienne puissance coloniale, a fermé son ambassade à Tripoli et annoncé qu'elle était prête à "mettre à disposition ses bases" militaires. La Ligue arabe a réitéré vendredi son soutien à une zone d'exclusion aérienne.

L'Union européenne adopte d'autres sanctions

L'Union européenne a pour sa part dit vendredi vouloir "examiner" les détails de l'annonce de cessez-le-feu par le régime libyen, tout en travaillant à la mise en place de sanctions renforcées et à la planification d'une éventuelle intervention militaire à but humanitaire dans le pays.

Les Européens sont également parvenus à un accord de principe sur de nouvelles sanctions renforcées contre onze individus, notamment des membres du gouvernement libyen de Mouammar Kadhafi. Neuf nouvelles entités libyennes sont aussi concernées, a-t-on appris de sources diplomatiques.

Ces sanctions - des gels d'avoirs et des interdictions de visa - devraient être adoptées formellement lundi par les 27 ministres des Affaires étrangères, et complétées dans les jours suivants par un train de sanctions supplémentaires afin de se conformer pleinement à celles décidées à l'ONU, ont indiqué ces diplomates.

Sommet prévu samedi à Paris

Annoncé jeudi soir comme imminent, le recours à la force semble devoir laisser se dérouler encore une séquence diplomatique. Il s'agit du sommet Union Européenne-Union Africaine-Ligue arabe sur la Libye est prévu samedi à Paris, en présence du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, selon l'organisation panarabe.

La liste complète des participants n'a pas été dévoilée. La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton, le Premier ministre britannique David Cameron, le secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa, le chef du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero et la cheffe de la diplomatie européenne Catherine Ashton font partie de ceux qui ont confirmé leur présence à ce sommet.

D'autres pays se montrent par contre plus discrets. La Chine, qui, comme la Russie, l'Allemagne, le Brésil et l'Inde s'est abstenue pendant le vote jeudi à l'ONU, s'est dite "opposée à l'usage de la force militaire". Berlin a mis en garde contre des "risques" d'une intervention et Moscou a exclu toute participation. Le colonel Kadhafi avait menacé de "transformer en enfer la vie" de ceux qui attaqueraient la Libye, dans une interview quelques heures avant le vote.

L'ONU a d'ailleurs dit surtout craindre des représailles sur les civils. "Personne ne sait ce qui se passe dans les villes (...) reprises par les forces du gouvernement", a déclaré Rupert Colville, porte-parole du Haut commissariat aux droits de l'Homme. Les auteurs de crimes contre des civils en Libye seront "traduits en justice", a prévenu Ban Ki-moon.

Des combats avaient lieu le matin

Les insurgés de Benghazi ont fêté la décision du Conseil de sécurité. [AFP - Patrick Baz]
Les insurgés de Benghazi ont fêté la décision du Conseil de sécurité. [AFP - Patrick Baz]

Sur le terrain, où les forces gouvernementales ont reconquis ces derniers jours de larges pans de territoire à coups de bombardements, les combats se sont poursuivis au moins vendredi matin, dans l'Est comme dans l'Ouest.

Dans l'Ouest, les forces loyalistes ont pilonné Misrata (200 km à l'est de Tripoli), selon un porte-parole des insurgés. Un médecin fait état d'au moins 25 morts dans cette ville. Dans l'Est, des combats ont eu lieu aux alentours d'Ajdabiya, ville stratégique encore en partie aux mains des rebelles.

A Benghazi, la résolution de l'ONU a été célébrée toute la nuit, mais la ville est restée calme vendredi en dépit de menaces du colonel Kadhafi, selon des journalistes de l'AFP. Des milliers de personnes, hommes, femmes et enfants, se sont rassemblées sur la place du tribunal, siège de l'opposition, pour la grande prière du vendredi. Après la prière, les tirs de joie ont repris, et la foule a scandé: "Lève haut la tête, tu es Libyen".

Quelque 300'000 personnes ont fui les violences en Libye, selon l'ONU, qui s'attend à ce que 1500 à 2500 personnes continuent d'en faire autant chaque jour. L'ONU a annoncé vendredi ne pas avoir trouvé d'accord avec la Libye sur les conditions d'envoi d'une mission humanitaire.

agences/jzim

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Survol possible de la Suisse

La Suisse reconnaît la résolution par le Conseil de sécurité de l'ONU et souhaite une mise
en oeuvre rapide de ce texte et espère qu'il permettra de mettre fin aux souffrances de la population civile, a indiqué vendredi le Département fédéral des affaires étrangères.

Interrogé par l'ATS sur un éventuel survol de la Suisse par les avions chargés d'appliquer cette mesure, le DFAE répond qu'il est "compatible avec notre neutralité".

La Suisse n'a pas encore reçu de demandes de survol, précise le DFAE. Mais si une telle demande lui est adressée, "elle peut y donner suite".

Des journalistes bientôt relâchés

Quatre journalistes du New York Times portés disparus alors qu'ils couvraient le conflit en Libye ont en fait été capturés par les forces de Moammar Kadhafi et devaient être libérés vendredi, a annoncé le quotidien sur son site Web.

L'information a été donnée par Saïf al-Islam Kadhafi, un fils du colonel Kadhafi, sur la chaîne ABC News, selon le journal.