Quel est le bilan de Giorgia Meloni après deux ans à la tête de l'Italie?

Georgia Meloni, présidente du Conseil italien, fête ses deux ans au pouvoir. [EPA/KEYSTONE - Waël Hamzeh]
Quel bilan pour Giorgia Meloni après deux ans à la tête de l'Italie? / Tout un monde / 9 min. / le 22 octobre 2024
Giorgia Meloni, qui a pris la tête de l'Italie il y a tout juste deux ans, a réussi à "stabiliser" le paysage politique italien. Pourtant, sous la surface de cette apparente réussite, le bilan économique déçoit et son programme identitaire subit des concessions, notamment sur l'immigration, en décalage avec ses promesses initiales.

Pour Hervé Reiner, maître d'enseignement et de recherche de l'Université de Lausanne, interrogé dans l'émission Tout un monde, il vaut mieux parler de stabilisation que de stabilité en Italie. Une manière de souligner le côté dynamique de la situation politique du pays.

Il explique en effet que la dirigeante de Fratelli d'Italia doit sans cesse ajuster sa stratégie politique et se livrer "à un numéro d'équilibriste" pour maintenir la cohésion au sein de son gouvernement, composé notamment de ses vice-présidents que sont Antonio Tajani, de Forza Italia, et Matteo Salvini, de La Ligue.

Pour cet expert de la politique italienne, la réussite de Georgia Meloni s'explique aussi grâce à la faiblesse actuelle de l'opposition: "Il y a une division de l'opposition entre ce qui reste du Mouvement 5 étoiles et le Partito Democratico, qui ont beaucoup de mal à s'entendre", souligne-t-il. Une fragmentation qui affaiblit donc les capacités de contre-pouvoir et facilite la tâche du gouvernement.

Un bilan économique décevant

Mais au-delà de cette stabilité politique, le bilan économique du gouvernement Meloni est loin d'être reluisant. Alors que le parti Fratelli d'Italia vante des améliorations économiques, la réalité est tout autre. Hervé Reiner met en lumière un contraste frappant entre la rhétorique et les faits. "Le bilan, qui chaque jour est clamé par des porte-paroles de Fratelli d'Italia, c'est que la situation économique s'est améliorée. Mais ce n'est en fait pas du tout le cas. La croissance italienne a chuté à 0,7% en 2023, contre 4% l’année précédente sous le gouvernement de Mario Draghi. En parallèle, le déficit public s’est aggravé, atteignant 7,2%", analyse-t-il.

Le paradoxe réside également dans l'afflux de fonds européens: "100 milliards d'euros sont arrivés de l'Union européenne", précise l'expert, rappelant que cette aide exceptionnelle avait été négociée par le gouvernement de Giuseppe Conte, et soulignant là aussi une incohérence entre les résultats et la communication du gouvernement actuel.

Un programme durci mais contraint

Elue sur un programme résolument identitaire et nationaliste, Giorgia Meloni a également dû ajuster certaines de ses positions, notamment sur l'immigration. Si son discours de campagne visait à réduire tant l’immigration légale qu’illégale, la réalité économique lui a imposé des compromis.

"Les chambres de commerce régionales, formées de représentants du patronat et des syndicats, ont obtenu des quotas de permis de séjour face à la pénurie constante de personnel", décrit Hervé Reiner. Ainsi, 450'000 permis de séjour seront délivrés dans les trois prochaines années, en contradiction avec les promesses électorales de la Première ministre.

Hors d'Italie, la dirigeante affiche aussi un profil plus modéré, en décalage avec d'autres figures de l'extrême droite européenne. Pour le chercheur de l'UNIL, Giorgia Meloni a vraiment "lissé son programme", dans ce qu'il voit comme une "stratégie de légitimation sur la scène internationale".

Une popularité toujours solide

Si après deux ans de pouvoir, tout n'est donc pas parfait pour Giorgia Meloni, la dirigeante continue à jouir d'une popularité relativement stable. Mais Hervé Reiner met en garde contre les prochaines étapes de son mandat, rappelant que c'est en général au bout de la troisième année de pouvoir que les choses se gâtent. "Mais pour l'heure, si les Italiens devaient revoter, les scores seraient quasiment similaires à ceux de 2022", admet-il.

Enfin, l'expert estime que des facteurs externes tels qu'un éventuel retour de Donald Trump à la Maison Blanche pourrait influencer la direction politique de l'Italie, poussant Georgia Meloni à durcir à nouveau son programme. "Cela conduirait sans doute à une droitisation du gouvernement Meloni, qui n'aurait plus à faire toutes ses concessions pour se faire reconnaître sur le plan international", conclut-il.

Propos recueillis par Eric Guevara-Frey

Adaptation web: Tristan Hertig

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