"Oasis est le dernier groupe de rock 'à l'ancienne', [...] c'est le dernier à avoir connu des tubes [...] intemporels et connus de tous", a estimé le journaliste Frédéric Granier lundi au micro de l'émission Tout Un Monde de la RTS.
"Wonderwall a été le dernier tube de l'ancien monde, le dernier giga tube, du rock au rock indépendant", poursuit-il.
Aujourd'hui, il y a encore des choses intéressantes qui sortent, mais elles sont un peu noyées par les plateformes de streaming (...) La sortie d'un disque n'est plus considérée comme un événement à part entière
La force d'Oasis, estime Yann Zitouni, responsable éditorial sur Couleur 3, c'est aussi le fait que ses chansons "invitent à chanter tous ensemble", à l'image de Champagne Supernova et Wonderwall, cite-t-il. "C'est du rassemblement populaire".
"Richesse" et "légèreté"
Oasis n'est pas un phénomène isolé. Pour Frédéric Granier, les artistes des années 1990 avaient quelque chose de plus. "Je crois qu'il y avait une richesse extraordinaire [...] Aujourd'hui, il y a encore des choses très intéressantes qui sortent, mais elles sont un peu noyées par les plateformes de streaming. Il y a moins de culture commune et la sortie d'un disque n'est plus considérée comme un événement à part entière", explique-t-il.
Or, c'est ce qui permet à des groupes cultes d'émerger et aux auditeurs de l'époque de développer une forme de fascination musicale pour cette décennie qui génère une attente face à la réapparition de ces vieux groupes.
Le contexte politique explique lui aussi cette effervescence. "Il y avait une forme de légèreté dans le monde en général, permise par l'arrivée de la gauche réformiste au pouvoir [...] et ça n'allait pas trop mal économiquement", relate le spécialiste de la culture pop.
Génération Z nostalgique
Le souvenir d'une telle époque crée alors les fondements de la nostalgie qui naîtra plus tard, lorsque le contexte ne sera plus aussi agréable. Un sentiment qui sera également partagé par la génération Z, qui n'a pourtant pas réellement vécu les années 1990.
59% des jeunes souffrent d'anxiété à cause du contexte actuel marqué par la crise du Covid-19, la guerre en Ukraine, le terrorisme, les attentats, etc.
Un rapport de GWI publié en 2023 révèle que 40% d'entre eux se sentent nostalgique de cette décennie. "Il y a aussi la mode de la réédition des anciens jeux vidéo", rapporte Elodie Gentina, enseignante chercheuse à l’IESEG School of management de Lille et autrice d'ouvrages sur la génération Z. "Même les brocanteurs le constatent avec les ventes vintages de seconde main, les téléphones à clapet, les appareils photo jetables."
Un intérêt qui s'explique par le nouveau contexte mondial rythmé par des crises, explique la chercheuse. Selon une étude, "65% des 18-25 ans ont peur du climat et considèrent que le changement climatique est une urgence mondiale et 59% souffrent d'anxiété à cause des nombreux événements très marqués qui se sont produits: la crise du Covid-19, la guerre en Ukraine, le terrorisme, les attentats..."
C'est plus facile pour les 'digital natives' de regarder en arrière que de se projeter dans un avenir où on ne sait pas trop où on va.
"Toutes ces crises jouent un rôle accélérateur dans le questionnement des jeunes sur leur façon de vivre. Ils évoquent le besoin de se recentrer sur l'essentiel: leurs amis, leur famille, leur santé physique et mentale. Donc il y a aussi ce besoin de retrouver l'authenticité et de retrouver un monde où il n'y avait pas tous ces problèmes", ajoute-t-elle.
Les années 2000 seront un tournant et marqueront la fin des espoirs d'un avenir meilleur. Elles laissent apparaître une "rétro mania culturelle", note encore Elodie Gentina. "Aujourd'hui, le futur ne fait plus rêver les 'digital natives'. Ils disent que c'est difficile de se projeter [...] C'est plus facile pour eux de regarder en arrière que de se projeter dans un avenir où on ne sait pas trop où on va", résume-t-elle.
Sujet radio: Cédric Guigon
Adaptation web: Julie Marty