Au Royaume-Uni, les festivals littéraires sont menacés par des boycotts en raison de leurs sponsors
Leur budget dépendant en majorité de leurs sponsors, les festivals littéraires sont frappés de plein fouet par la décision de Baillie Gifford. Ce fonds d'investissement écossais était un acteur très important dans l'univers des foires aux livres: il parrainait à hauteur d'un million de livres par an dix festivals littéraires, dont le Hay-On-Wye au Pays de Galles et le Festival international du livre d'Edimbourg en Ecosse, depuis une vingtaine d'années.
Mais Baillie Gifford a mis fin à ces financements, qui représentent parfois la moitié du budget de ces manifestations, à cause d'une campagne de boycott. En conséquence, les organisateurs sont inquiets et cherchent de nouveaux sponsors.
>> Certains festivals suisses sont aussi en difficulté. Lire à ce sujet : En difficulté financière, le festival Vernier sur Rock tire la prise
Campagne de boycott
L'activiste Greta Thunberg a ainsi annoncé se retirer du festival international du livre d'Edimbourg en août 2023 pour protester contre le fait que le mécène écossais investissait dans les énergies fossiles.
C'est ainsi qu'est né un petit groupe d'activistes, les Fossil Free Books ("livres sans énergies fossiles"), qui rassemble 3000 abonnés et qui reste dans l'anonymat. Il a décidé de poursuivre le combat en faisant pression sur tous les festivals littéraires pour qu'ils se détachent de ce sponsor.
Le groupe conteste aussi les liens de Baillie Gifford avec Israël via des investissements dans des entreprises high-tech et d'armement. Sur son site internet, il affirme qu'"une industrie littéraire libérée des énergies fossiles, du génocide et de la violence coloniale est possible et nécessaire".
Participants de renom
La campagne de Fossil Free Books a reçu l'appui de plusieurs centaines d'auteurs et acteurs du monde de l'édition, dont quelques plumes connues comme Sally Rooney, autrice de "Normal People". En juillet 2023, ils ont publié une lettre ouverte menaçant de ne pas participer aux festivals s'ils continuaient de recevoir de l'argent de Baillie Gifford. Le groupe d'activistes les a aussi mis en garde contre des opérations coup de poing s'ils ne lâchaient pas ce sponsor.
Certains auteurs programmés se sont donc désistés à la dernière minute et deux grands festivals qui craignaient de perdre beaucoup de participants ont décidé de ne plus recevoir d'argent de ce sponsor. Mais cela a provoqué une réaction en chaîne puisque la firme visée, épouvantée par cette mauvaise publicité, s'est finalement retirée de tous les festivals qu'elle parrainait de son plein gré.
Boycotts critiqués
Certains, dont des personnes issues du monde de la culture, estiment que ces boycotts vont trop loin. La presse britannique rappelle que Baillie Gifford n'investit que 2% de ses fonds dans des multinationales d'hydrocarbures alors que la moyenne du secteur se situe à 11%.
Concernant son lien avec l'industrie de la défense israélienne, la firme l'entretient dans le cadre d'actions achetées à Amazon et Nvidia, le géant des micropuces, qui ont des contrats avec cette industrie. Ce lien est donc ténu pour Baillie Gifford.
Les journaux britanniques rappellent également que les auteurs qui ont critiqué le mécène pour ses actions dans Amazon sont eux-mêmes vendus sur la plateforme de la multinationale américaine et n'y ont pas retiré leurs ouvrages.
Avenir incertain
Face à la décision de Baillie Gifford, plusieurs festivals littéraires ont lancé un appel pour trouver d'autres sponsors, mais ils peinent à trouver des candidats qui respectent les exigences des activistes. Par exemple, même l'Etat n'y répond pas puisqu'il vend des armes à Israël.
Autre conséquence de l'action des activistes, le mouvement s'est élargi. La banque Barclays s'est ainsi retirée en juin de plusieurs festivals de musique après avoir été pointée du doigt pour avoir des liens directs avec l'industrie militaire israélienne. Là aussi, des artistes avaient menacé de se retirer de l'affiche des festivals dont elle était sponsor.
Le risque est qu'à l'avenir les grandes corporations décident de bouder les manifestations artistiques au profit d'événements moins politisés, comme des compétitions sportives ou des événements caritatifs.
Sujet radio: Catherine Ilic
Article web: juma
Pas les premiers boycotts dans le monde de la culture
Ça n'est pas la première fois que le monde de la culture boycotte ses sponsors. Au Royaume-Uni, des grands musées ont mis fin à leurs relations avec des compagnies pétrolières. C'est par exemple le cas de la Tate Modern à Londres, qui ne reçoit plus d'argent de BP. Le Science Museum a, lui, coupé ses liens avec Equinor, un autre géant du pétrole.