Le pays du Golfe importe près de 90% de ses aliments. L'approvisionnement en denrées est donc devenu un enjeu national. Pour répondre à ce défi, les autorités souhaitent attirer toujours plus d'entreprises spécialisées dans les technologies agricoles, qui affluent depuis plusieurs années.
A Dubaï, Basam Hamade, le dirigeant de Badia Farms, l'une des premières fermes verticales du pays créée en 2016, est l'un des témoins de cette évolution.
"Quand on a commencé, on était presque les seuls, si ce n'est les seuls", raconte-t-il dans l'émission Tout Un Monde de la RTS.
"Maintenant, il y en a plusieurs autres. C'est un boom et on espère que cela va se poursuivre. L'industrie alimentaire est en train de devenir une préoccupation, pas simplement ici, mais partout. Surtout après la crise du Covid, qui a permis à de nombreux pays d'ouvrir les yeux. Et en particulier ici, dans les pays du Golfe, car on importe une bonne partie de nos aliments, surtout les fruits et légumes frais. Mais il y a eu beaucoup d'initiatives prises dans ce domaine pour encourager l'agriculture non seulement traditionnelle, mais aussi 'l'agritech'", relève Basam Hamade.
"Développer un écosystème d'innovation"
Attirer des sociétés du secteur, tel est notamment le travail du Parc de recherches, de technologies et d'innovations, basé dans l'émirat de Sharjah.
"Nous sommes une entité gouvernementale et sommes considérés comme l'un des plus importants accélérateurs aux Emirats", explique son directeur Hussein Al Mahmoudi.
"Notre mandat est de développer un écosystème d'innovation en fournissant les infrastructures, les fonds, les règles et les stratégies pour commercialiser des technologies, tout en développant l'entrepreunariat et les entreprises", développe-t-il.
"Comme vous le savez, le changement climatique est maintenant un sujet mondial. Nous avons une vision mondiale, mais avec une mission locale. Les technologies environnementales sont très importantes dans notre travail. On parle de technologies relatives au traitement des eaux, mais aussi celles liées aux technologies agricoles", indique encore Hussein Al Mahmoudi.
Plusieurs objectifs stratégiques
Le centre qu'il dirige propose un partenariat gagnant-gagnant entre les autorités publiques et le secteur privé. L'idée est de fournir un cadre idéal aux entrepreneurs. En échange, le pays bénéficie de ces technologies pour atteindre ses objectifs en matière de sécurité alimentaire. Le tout en les conciliant avec ses intérêts économiques.
William Guéraiche, professeur de relations internationales à l'Université de Wollongong à Dubaï, explique que la stratégie d'indépendance alimentaire des Emirats arabes unis prend ses origines dans la crise financière asiatique de 2007. "Depuis lors, les Emirats ont essayé plusieurs alternatives ou plusieurs politiques différentes, notamment l'achat de terres à l'étranger. Les nouvelles technologies agricoles sont une façon de faire d'une pierre deux coups. Tous ces projets servent de levier pour attirer les investisseurs, mais aussi pour trouver un partenariat qui puisse être le plus rentable possible", analyse l'universitaire français, spécialiste en géopolitique.
Ces intérêts s'accompagnent aussi d'une logique de "soft power": le pays ambitionne de devenir un hub mondial pour les technologies agricoles.
Un jardin dans le sable du désert
Avant d'arriver à Dubaï, l'entreprise de Chandra Dake, spécialisée dans l'agriculture en milieu désertique, était basée en Afrique du Sud. Fin 2019, ce ressortissant indien a fait le choix de la relocaliser dans l'émirat. L'homme d'affaires commercialise désormais dans la région une technologie qui permet au sable du désert de retenir l'eau autour des racines des végétaux, tout en permettant à l'air de circuler librement. Il appelle cela "le sable qui respire".
Chandra Dake en présente les résultats sur une parcelle: "Dans ce jardin, on a des caramboles, des jambosiers rouges, des grenades, des fruits du dragon, des jacquiers. De ce côté, on a des mangues, un tamarinier, des papayes, des pommiers de cajou", énumère-t-il. " Certains de ces fruits n'ont jamais poussé dans le pays avant", souligne-t-il.
Autant de variétés "made in Dubai" qui sont d'ordinaire importées de l'étranger, mais qui poussent bel et bien dans le sol sablonneux. La végétation foisonnante du jardin de Chandra Dake contraste avec le terrain vague recouvert de sable fin juste à côté.
"Le leadership, c'est la première raison pour laquelle on a installé notre siège ici. Le gouvernement permet aux innovations de prospérer", déclare l'entrepreneur. "La deuxième raison, c'est l'accès au marché mondial et le fait que le public mondial regarde Dubaï pour y trouver des innovations. Enfin, la troisième raison est liée à l'accès à diverses commodités, qu'il s'agisse des finances nécessaires à l'entreprise ou, de manière générale, aux infrastructures", ajoute-t-il.
Reportage radio: Nicolas Keraudren
Adaptation web: ami