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Écoles incendiées et contestations religieuses autour d'un guide d'éducation sexuelle en Belgique

L'École des Cités, à Montigny-sur-Sambre, dans l'agglomération de Charleroi, a été douverte vandalisée le vendredi 15 septembre 2023. [Benoît Doppagne - Belga via AFP]
Plusieurs écoles incendiées en Wallonie: les explications d'Alain Franco / Le Journal horaire / 1 min. / le 16 septembre 2023
En Belgique, le nouveau programme d'éducation civique et sexuelle destiné aux jeunes de 12 et 16 ans continue de faire des vagues. Huit établissements scolaires ont été vandalisés, dont six partiellement incendiés cette semaine en Belgique, dans les régions de Charleroi et de Liège.

Sur quatre écoles de la région de Charleroi, incendiées dans la nuit de mardi à mercredi, des tags ont été découverts contre le nouveau programme d'éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (Evras) voté au Parlement local pour cette rentrée scolaire, confirmant la piste criminelle.

>> Lire: Des écoles belges vandalisées par des opposants à un cours d'éducation sexuelle

Quatre écoles belges vandalisées par des opposants à un cours d'éducation sexuelle. [Virginie Lefour - AFP]Quatre écoles belges vandalisées par des opposants à un cours d'éducation sexuelle. [Virginie Lefour - AFP]Un cinquième incendie s'est déclaré dans la nuit de mercredi à jeudi, tandis que les pompiers de Charleroi ont été appelés jeudi soir pour une sixième école touchée dans l'agglomération. Une septantaine d’élèves ont ainsi été privés de cours vendredi.

"Forme de terrorisme"

Enfin, dans la ville de Liège, deux écoles ont été ciblées par des actes de vandalisme, dont un début d'incendie jeudi soir. Des tags contre l'Evras ont aussi été découverts.

Présent vendredi matin sur le site d'une école incendiée, le bourgmestre de Charleroi Paul Magnette a fermement dénoncé les "mensonges" et les "campagnes de diffamation" circulant au sujet du projet Evras, menées "par l'extrême-droite et des groupes religieux radicaux". Le dirigeant de la ville wallonne n'a, en outre, pas hésité à parler d'une "forme de terrorisme".

Si aucun lien n'a encore été formellement établi entre ces derniers événements et les quatre premiers incendies, cette accumulation a également fait réagir le Premier ministre Alexander de Croo, qui s'est dit "profondément choqué". "L'accès à l'éducation sexuelle ne peut être mis en doute", a-t-il défendu jeudi après-midi dans une courte vidéo, promettant de "tout faire pour identifier les coupables".

Guide destiné aux professionnels

Car c'est bien d'une généralisation de l'accès des jeunes à l'éducation sexuelle dont il s'agit. Depuis plusieurs mois, la ministre belge de l'Enseignement Caroline Désir tente de rassurer les parents et défend ce guide destiné aux professionnels de la santé qui animeront des séances d'enseignement sur l’éducation sexuelle, les stéréotypes des genres ou le principe du consentement.

Le but de ces leçons est de "rassurer les élèves sur les questions qu'ils se posent à la puberté et de les protéger contre des situations potentiellement dangereuses ou problématiques". Au total, deux fois deux heures sont prévues au programme, en 6e primaire (soit des élèves de 11-12 ans) puis en 4e secondaire (15-16 ans). "D'après moi, c'est indispensable, d'ailleurs ça aurait dû être fait il y a vingt ans et rendu obligatoire dans toutes les écoles", avait défendu la ministre en août.

Catholiques intégristes et groupes musulmans

Mais ce programme se heurte aux contestations émanant principalement de milieux religieux intégristes ainsi qu'à une forte désinformation en ligne sur le contenu du programme. "Sur les réseaux sociaux, on peut repérer notamment l'action de groupuscules venant visiblement de France et ne connaissant rien à l'Evras", a fustigé Caroline Désir.

"Non, on ne veut pas les inciter à la pornographie. Non, on ne veut pas leur apprendre à se masturber. Non, on ne veut pas les inciter à changer de genres", a répété la ministre vendredi matin à Charleroi.

La fronde en ligne a enflé sous l'impulsion principalement de deux mouvements: d'une part, des milieux catholiques ou proches de la Manif pour tous, opposés à ce qu'ils qualifient de "théorie du genre"; de l'autre, des groupes associés à l'islam. Ainsi, lors d'une manifestation le jour du vote jeudi dernier devant le parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de nombreuses femmes voilées avaient fait le déplacement.

Désinformation et complotisme

Interrogé par le média belge L'Echo, le professeur en psychologie sociale Olivier Klein souligne aussi le rôle des mouvances conspirationnistes en ligne. "Ils se fédèrent sur une même thématique complotiste, portant un discours selon lequel l’OMS, à l’origine de l’initiative Evras en Belgique, a pour but d’inciter à la pédophilie. Or, ces théories dans lesquelles la pédophilie est centrale (...) sont très mobilisatrices", explique-t-il.

"Sur les réseaux sociaux s’amalgament les théories complotistes liées à la crise du Covid, la guerre en Ukraine, la prétendue manipulation des médias, les changements climatiques, le wokisme,…", poursuit-il.

Face aux actes de vandalisme, les autorités régionales ont mobilisé les mécanismes prévus par le dispositif anti-radicalisme. Un premier rapport sera transmis au gouvernement au plus tard lundi. Le gouvernement fédéral a également fait savoir que la police fédérale viendrait en appui des polices locales dans les zones concernées.

Sujet radio: Alain Franco
Texte web: Pierrik Jordan

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