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"Violence policière" et "interpellations arbitraires" dénoncées lors des manifs en France

Un manifestant lors d'une nouvelle manifestation contre la réforme des retraites à Paris, le 11 mars 2023. [Keystone - TERESA SUAREZ]
La France entame lundi sa 9e journée de mobilisation contre la réforme des retraites / La Matinale / 1 min. / le 23 mars 2023
Matraquage, nasse ou atteinte au droit de manifester. En France, avocats, personnalités politiques et ONG dénoncent l'usage excessif de la force par la police lors des manifestations contre la réforme des retraites. Les arrestations "arbitraires" sont aussi pointées du doigt.

Un policier assène un coup à un manifestant, il tombe à terre, sa tête heurte le sol. Le policier s’éloigne alors sans même se retourner. Cette vidéo, publiée lundi soir par un étudiant en journalisme, a suscité une vague d'indignation sur la toile et au-delà. Selon "Libération", le jeune manifestant est frappé soit d’un coup de poing, soit avec une matraque télescopique.

La scène s’est déroulée lundi aux alentours de 23h40 dans le IV arrondissement de Paris. "Les policiers sont arrivés à contresens de la rue, ils étaient une dizaine, détaille l'auteur de la vidéo. Il y avait des jets de gaz lacrymo, beaucoup d’explosions sonores". Ce geste, visionné près de 3 millions de fois sur Twitter, fait actuellement l’objet d’une enquête administrative, a annoncé mardi le parquet de Paris.

Un matraquage "indiscriminé"

D’autres vidéos montrant des altercations entre forces de l'ordre et manifestants sont devenues virales sur les réseaux sociaux. Parmi elles, une séquence tournée à Strasbourg montre des policiers en train de nasser (ndlr: une technique qui vise à encercler les manifestants en cas de troubles à l'ordre public) des manifestants dans une ruelle étroite avant de faire usage de gaz lacrymogène. Une personne aurait perdu connaissance.

Dans le média en ligne "AJ+ français", le sociologue et spécialiste de la police Sebastian Roché dénonce fermement cette "répression". "On voit beaucoup de nasses". Or, cette pratique a été jugée illégale par le Conseil d'Etat en juin 2021. Le sociologue pointe également du doigt l’usage important par la police de grenades explosives, mais aussi de gaz lacrymogène, "une arme chimique nocive pour la santé".

Le fait de matraquer dans le dos, comme on le voit sur certaines images, n’inclut pas la notion de nécessité

Sebastian Roché, sociologue et spécialiste de la police

Enfin, Sebastian Roché rappelle les principes que la police doit impérativement respecter en cas de recours à la force, à savoir "la proportionnalité" et le caractère "indispensable". "Le fait de matraquer dans le dos, comme on le voit sur certaines images, n’inclut pas la notion de nécessité. Le matraquage "indiscriminé" n’est pas non plus compatible avec les principes internationaux pour lesquels la France s'est engagée pointe-t-il.

Des arrestations jugées "arbitraires"

Amnesty International a également alerté mercredi "sur le recours excessif à la force" lors des manifestations. "Après la mobilisation du 19 janvier, un manifestant a dû être amputé d'un testicule après avoir reçu un coup de matraque à l'entrejambe. Pourtant il ne présentait aucun danger. D'autres utilisations abusives des matraques ont été signalées", rapporte l'ONG.

Mais en plus de l'usage excessif de la force, ce sont les arrestations "arbitraires" qui sont pointées du doigt. Le 16 mars, 292 personnes ont été interpellées et mises en garde à vue durant la manifestation place de la Concorde à Paris, dont 283 sont ressorties libres avec un classement sans suite, dénonce Amnesty.

Certaines interpellations sont jugées abusives:

Par ailleurs, parmi les 292 personnes arrêtées, deux se trouvaient être des mineurs autrichiens. Selon une témoin placée en garde à vue avec eux, ils ont 15 ans et étaient "en voyage scolaire". L’ambassade d’Autriche a dû contacter les autorités françaises, relate "Libération".

Des policiers aussi victimes de violence

Dans un communiqué publié mardi, le Syndicat de la magistrature dénonce des "scènes indignes d'une démocratie". Il cite notamment des policiers exerçant des violences illégitimes contre des manifestants, des interpellations collectives de manifestants enjoints de s'asseoir par dizaines à terre, mains sur la tête, ou encore des journalistes brutalisés.

Les forces de l'ordre n'interviennent que quand il y a des exactions

Laurent Nuñez, préfet de police de Paris

Interviewé mardi sur le plateau de BFMTV, Laurent Nuñez, préfet de police de Paris, conteste et assure qu'il n'y a pas d'"interpellations injustifiées". "Les forces de l'ordre n'interviennent que quand il y a des exactions". Et d'ajouter: "Il y a peu de gestes inadaptés de leur part en comparaison à ce qu'il reçoivent comme projectiles (...) ils sont pris à partie de manière extrêmement violente".

A titre d'exemple, six fonctionnaire de police ont été grièvement blessés à la place de la Concorde vendredi dernier, dont deux ont reçu des pavés en pleine figure.

Réactions du gouvernement

La Première ministre Elisabeth Borne a affirmé mardi que les forces de l'ordre "ont un devoir d'exemplarité" dans la gestion des manifestations contre la réforme des retraites.

Dans le même temps, le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin a souligné "l'indispensable proportionnalité de l'usage de la force et la nécessité de saisir immédiatement les inspections en cas de manquement à la déontologie".

Hélène Krähenbühl

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Des femmes accusent la police d'agressions sexuelles

Quatre jeunes femmes ont déposé plainte pour "agressions sexuelles" lors d'un contrôle de police effectué à Nantes le 14 mars après une opération de barrage filtrant contre la réforme des retraites et l'IGPN (Inspection générale de la police nationale) a été saisie, a-t-on appris lundi auprès du procureur de la République.

"Mercredi soir", quatre jeunes femmes, "âgées de 18 à 20 ans", sont "venues au commissariat afin de déposer plainte pour dénoncer des faits d'agressions sexuelles qu'elles auraient subies lors d'un contrôle effectué par les services de police à Nantes, et j'ai immédiatement confié le dossier à l'IGPN", a expliqué le procureur de la République de Nantes.