Publié

Un peuple autochtone dénonce le projet de mine de terres rares en Suède

La ville de Kiruna. [AFP - Jonathan Nackstrand]
La mine de Kiruna en Suède est un élément crucial dans l’approvisionnement en fer de l’Europe / La Matinale / 5 min. / le 21 mars 2023
En janvier, la Suède a annoncé avoir découvert à Kiruna, à 200 km au nord du cercle arctique, le plus grand gisement de terres rares d’Europe. Ce nouveau projet minier dénoncé par les Samis, dernier peuple autochtone, pourrait répondre à 30% des besoins du Vieux Continent.

Les terres rares sont un sous-produit du fer. Ce gisement découvert dans la plus grande mine souterraine du monde pourrait répondre aux besoins toujours plus grands de ces composants indispensables à la transition vers le tout-électrique.

A Kiruna, l'entreprise publique suédoise LKAB produit déjà 80% du fer européen. Toutes les nuits, l'équivalent en fer de six tours Eiffel sont extraites des entrailles de la montagne.

>> Relire : Découverte dans le Grand Nord suédois du plus gros gisement de terres rares en Europe

Per Geijer, le nouveau gisement découvert, est stratégique. "Il contient 580 millions de tonnes de minerai de phosphates de fer. Cela nous permettra de continuer à produire ici à Kiruna pour des décennies encore. La grande quantité de métaux rares (présents dans l'apatite), c'est du bonus", a expliqué dans La Matinale de mardi Laura Lauri, géologue, en charge des explorations.

Le gisement contient également de telles quantités de phosphore qu'il pourrait remplacer à lui seul la totalité des exportations russes vers l'Europe. "C'est très important pour l'Europe puisqu'elle n'a aucune production de ces métaux rares aujourd'hui et est très dépendante de l'extérieur", a expliqué Anders Lindberg, attaché de presse.

C'est l'entreprise LKAB qui a annoncé la découverte de ce gisement de terres rares. [Keystone - EPA/Jonas Ekstromer]
C'est l'entreprise LKAB qui a annoncé la découverte de ce gisement de terres rares. [Keystone - EPA/Jonas Ekstromer]

"La Chine produit ces minerais à très bas prix parce qu'elle s'en fiche de l'environnement et des conditions de travail. Mais que se passera-t-il si elle décide de ne plus nous exporter ces matériaux dont nous avons besoin pour construire les véhicules électriques, les éoliennes, les téléphones? Nous sommes en retard, parce que malheureusement c'est très difficile d'ouvrir de nouvelles mines en Europe et en Suède", a-t-il encore relevé.

Projet dénoncé

Mais sur place, les Samis, le dernier peuple autochtone d'Europe, dénoncent ce nouveau projet minier, qui va à l'encontre de leurs droits de pâturage.

Gabna, le village Sami le plus concerné par ce gisement de fer et de terres rares, se trouve sur le passage de transhumance des rennes.

"C'est dans leur ADN, les rennes suivent un sentier qu'ils ont emprunté depuis des milliers d'années. Il y a cette énorme mine et derrière, il ne reste que ce passage très étroit où nous devons passer avec les rennes pour atteindre les pâturages d'hiver", explique Karin Kvarford, propriétaire de rennes.

Des rennes. [Depositphotos - Dchulov]
Des rennes. [Depositphotos - Dchulov]

"L'annonce de LKAB a été un choc pour nous, comme la manière de présenter la chose comme une solution pour la transition énergétique de l'Union européenne alors que tout le monde sait que l'extraction de fer et de terres rares contribue fortement au changement climatique, vu la pollution que ça génère et les quantités d'énergie nécessaires".

Le Parlement Sami devra être consulté sur ce nouveau projet, mais puisque la Suède n'a pas ratifié la convention de l'ONU sur les droits des peuples indigènes, son avis ne sera pas contraignant.

"On a été déplacé de force de nos terres depuis des années. Cela n'affecte pas que les rennes, ça impacte aussi notre mode de vie, notre culture, et notre langue, qui est très liée à la nature. C'est une violation des droits de l'Homme qui a lieu en ce moment", a encore dénoncé l'éleveuse.

"Une colonisation verte"

A Kiruna et dans tout l'Arctique, les projets miniers et l'installation de parcs éoliens se multiplient au nom de la transition énergétique.

Le dernier peuple autochtone d'Europe a surnommé ce développement industriel dans ces régions encore sauvages la "colonisation verte".

Carlotta Morteo/lan

Publié