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Jean Garrigues: "Emmanuel Macron n'aura ni la popularité, ni la postérité"

L'invité de La Matinale (vidéo) - Jean Garrigues, historien de la vie politique française
L'invité de La Matinale (vidéo) - Jean Garrigues, historien de la vie politique française / L'invité-e de La Matinale (en vidéo) / 11 min. / le 17 mars 2023
En France, le président Macron et son gouvernement ont fait passer de force jeudi le projet de réforme des retraites. "Emmanuel Macron n'a plus la légitimité populaire", a réagi l'historien Jean Garrigues vendredi dans La Matinale de la RTS.

Ce coup de tonnerre – l'emploi de l'article 49.3 de la Constitution qui permet de faire adopter un projet de loi sans le soumettre au vote – "creuse encore un peu plus le fossé de la défiance entre les citoyens et les acteurs politiques", analyse Jean Garrigues, qui rappelle que "la plupart des réformes des retraites" ont donné lieu à des mouvements sociaux de très grandes ampleurs".

"On attendait un renouveau du dialogue social dans le deuxième quinquennat d'Emmanuel Macron. Mais finalement, il s'est exactement passé le contraire." L'historien estime que le président Macron "n'aura ni la popularité, ni la postérité". "Le pouvoir exécutif n'a pas écouté l'opinion publique et les acteurs sociaux. (...) L'épée de Damoclès de la réélection ayant disparu, Emmanuel Macron a adopté cette forme de jusqu'au-boutiste."

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Avenir incertain

Jean Garrigues, qui est aussi président du Comité d'histoire parlementaire et politique et auteur du livre "Elysée contre Matignon, de 1958 à nos jours" (Tallandier), estime qu'un "spectacle pitoyable" a été donné, notamment à l'Assemblée nationale.

"Le mouvement n'est pas terminé. On ne sait pas comment les choses vont évoluer dans les prochaines années. Emmanuel Macron n'a plus la légitimité populaire." Selon l'historien, il sera désormais "très compliqué" pour le président de reformer le pays. Un verbe qui était pourtant dans son "ADN".

"Il avait même appelé son programme en 2017 'Révolution'. Pour l'instant, la révolution se fait contre lui et pas avec lui."

Il est d'avis qu'Emmanuel Macron aurait dû proposer des lois qui vont dans le sens de la protection sociale et de l'Etat providence, des notions chères aux Françaises et Français.

Marine Le Pen, bien placée pour 2027

Si le président sort affaibli de la réforme des retraites, le Rassemblement national est le "grand gagnant", d'après Jean Garrigues. "Marine Le Pen a très bien joué dans la crise. Elle n'est pas apparue comme un facteur de désorde. Elle s'est normalisée et légitimée en vue de la présidentielle de 2027."

La crise actuelle ne doit toutefois pas être une excuse pour mettre la Ve République à la retraite, souligne Jean Garrigues. "Il faut l'adapter à une nouvelle exigence d'une démocratie plus forte, redonner du pouvoir au Premier ministre et au Parlement (...) Tout ceci est possible sans changer de république. On a une république fatiguée, mais qui n'est pas condamnée."

Propos recueillis par Frédéric Mamaïs/vajo

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