Une médecin helvético-iranienne reçoit des menaces après avoir manifesté en Suisse
Un soir de novembre, alors que son secrétariat est fermé, deux hommes se présentent pour un rendez-vous au cabinet médical de Farah*, dans le centre de Genève. Habituée à donner des consultations à des Iraniens ou à des Afghans qui ne parlent pas français, la généraliste ne s'est pas méfiée lors de la prise de rendez-vous.
"Deux messieurs sont arrivés en me disant bonjour et ils ont commencé à me dire que c'était dangereux de manifester parce qu'il peut m'arriver quelque chose, à moi ou à ma famille", témoigne Farah mardi dans le 19h30 de la RTS. "Ils ont insisté, en disant que ce régime ne va pas partir, qu'il restera et que j'aurai des problèmes, même si je reste en Suisse."
Cette visite est une vraie menace (...) ils m'ont dit clairement que quelque chose peut m'arriver à Genève ou à des connaissances dans notre pays si je continue de manifester
Cette femme de 55 ans, issue d'une minorité persécutée en Iran, est arrivée à Genève, où elle a étudié la médecine, il y a plus de trente ans. Elle a désormais la nationalité suisse et s'estime en sécurité dans son pays d'adoption.
"Je leur ai expliqué que j'étais Suisse et que j'avais toujours vécu avec ce genre de menaces, que ce genre de choses ne me faisait pas peur et qu'ils pouvaient essayer de s'en prendre à nous en Europe, qu'on était en sécurité", explique-t-elle.
Soutien aux contestataires
Sensible aux événements qui ont suivi la mort de Mahsa Amini en Iran, Farah a décidé de manifester son soutien aux contestataires iraniens lors de rassemblements en Suisse et elle ne cache pas son opinion sur les réseaux sociaux. "Mon peuple est en train de se faire tuer. Je ne peux pas rester silencieuse ici", insiste-t-elle.
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Militante, sans être impliquée ni dans l'organisation des manifestations ni dans l'opposition au régime islamique, la quinquagénaire ne s'attendait cependant pas à faire l'objet de pressions.
Ce n'est qu'après leur départ, une vingtaine de minutes plus tard, que Farah réalise que les deux hommes ne se sont jamais présentés. La visite aurait été suivie de conséquences pour des personnes de son entourage en Iran, conséquences sur lesquelles elle préfère ne pas s'attarder.
La quinquagénaire explique en outre avoir renoncé pour l'instant à porter plainte. La menace n'en est pas moins réelle à ses yeux. "Ils ont parlé de façon à ce que je ne puisse pas aller porter plainte pour dire qu'on m'a menacée", relève-t-elle.
L'espionnage iranien en hausse
La RTS a eu connaissances d'autres tentatives d'intimidation auprès de personnes iraniennes domiciliées en Suisse. Ces personnes ont cependant préféré ne pas témoigner par crainte de représailles. D'autres histoires similaires ont été rapportées à l'étranger, en France notamment.
Contactée, la police cantonale genevoise dit "ne pas avoir connaissance de cas de menaces dans le contexte évoqué". Elle ajoute: "Il va de soi que les personnes qui subiraient des pressions et/ou des menaces doivent impérativement le signaler à la police, voire déposer plainte selon le cas."
Le Service de renseignement de la Confédération (SRC) confirme lui que "des diasporas en Suisse sont ciblées par des actes d'espionnage ou d'intimidation de la part des services de renseignement de leur pays d’origine". Il précise à la RTS disposer de "renseignements qui indiquent une intensification des activités de renseignement de l'Iran en Suisse au cours des derniers mois".
Sollicitée, l'ambassade d'Iran en Suisse n'a pas répondu aux questions de la RTS
>> L'interview dans le 19h30 de l'avocate Mitra Sohrabi:
* nom d'emprunt
Reportage TV: Stephen Mossaz
Adaptation web: jgal