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Le salaire de la peur pour les routiers du Burkina Faso ravitaillant le Sahel

Chauffeur rescapé d'une attaque, de retour à Ouagadougou le 05.10.2022. [AFP - Olympia de Maismont]
Au Burkina Faso, les chauffeurs routiers sont mis à l'épreuve de l'insécurité / La Matinale / 4 min. / le 17 novembre 2022
La pression des groupes armés terroristes ne cesse de se renforcer au Burkina Faso. Ils s'en prennent désormais aux camions qui acheminent péniblement l'aide alimentaire aux populations du Sahel, à la frontière avec le Mali et le Niger.

Affiliés à Al-Qaïda au Maghreb islamique ou au groupe Etat islamique au Grand Sahara, les mouvements djihadistes sont actuellement présents avec plus ou moins d'intensité dans dix régions sur 13 du Burkina Faso.

Une partie des routes sont minées ou sous contrôle des insurgés. Et pour les chauffeurs routiers, les déplacements sont devenus très risqués.

Leur rôle est pourtant essentiel face à la crise humanitaire qui sévit: selon l'ONU, près de 5 millions de personnes (un quart de la population) ont besoin d'une aide d'urgence. Et ces transporteurs sont un cordon ombilical entre la capitale et certaines localités, très enclavées, qui peinent à être ravitaillées.

La situation a changé depuis l'an dernier

"Ils ont commencé à miner les voies que nous empruntions avec nos camions, sous nos yeux", témoigne Abdoul Aziz Zoungrana mercredi dans La Matinale de la RTS.

"Au début, on n'était pas des cibles. Ils nous disaient qu'ils étaient seulement contre les militaires, les autorités, et que nous, les chauffeurs transporteurs, on pouvait vaquer à nos occupations", poursuit celui qui est aussi président du syndicat des chauffeurs routiers du Sahel.

Mais ce n'est plus le cas désormais. Depuis l'an dernier, les groupes terroristes ont commencé à détourner des camions avec leurs chauffeurs.

Les habitants de Djibo sous blocus des djihadistes

Carrefour commercial à une soixantaine de kilomètres du Mali, la ville de Djibo est sous blocus des djihadistes depuis le 16 février dernier. Plus rien ni personne ne peut entrer et les quelque 300'000 habitants sont pris au piège.

"Ils nous ont dit: 'à partir du moment où vous quittez Djibo, ne revenez plus (…) Si on revoit le camion ici, on va te tuer'. Et les tirs ont commencé dès ce moment-là", raconte Abdoul Aziz Zoungrana, qui relie la capitale Ouagadougou au Sahel depuis 2008.

Convois attaqués malgré la présence de l'armée

Le seul moyen de ravitailler la population est de constituer d'immenses convois de transporteurs et de commerçants escortés par l'armée. Mais le 26 septembre, quatre jours avant le deuxième coup d'Etat depuis le début de l'année au Burkina Faso, l'un de ces convois à destination de Djibo a été attaqué par les combattants djihadistes.

"On a entendu des coups de feu, des armes lourdes. Et on a vu ceux qui étaient en tête du convoi courir, venir vers nous, les chauffeurs et leurs passagers", témoigne Hamza Ouedraogo qui conduisait l'un des camions.

"Les djihadistes nous poursuivaient (…) et en même temps ils ont commencé à brûler nos camions. Il y a beaucoup de chauffeurs qui y sont restés, plus de 30, 50 même. Il y a aussi des convoyeurs. Tous ces gens-là, on ne sait même pas où ils sont. Le nombre de civils qui sont morts ce jour-là, c'est environ 80 personnes." Et 27 militaires sont également tombés lors de l'attaque, selon un bilan officiel.

La famine fait désormais des victimes

Les violences contre les convois de ravitaillement pénalisent aussi les populations assiégées. C'est le cas notamment à Sebba, tout près de la frontière nigérienne. La commune est coupée de tout - téléphone, distribution d'eau, de nourriture - depuis le 25 juin. Et malgré l'arrivée d'un convoi fin septembre, la famine fait des victimes.

"On n'a pas d'huile. Seuls le sel et l'eau sont disponibles. On mélange ça avec des feuilles pour manger", explique l'un des habitants. Et "il y eu des morts de faim", affirme Amadou Ly. "Les convois, c'est vraiment nécessaire."

Environ 30'000 personnes ont un besoin urgent d'aide alimentaire à Sebba. Et sur l'ensemble du territoire burkinabè, près de quinze localités subissent un blocus des groupes armés terroristes.

Anne-Sophie Faivre/oang

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Soupçons d'exactions de la part de l'armée

Le gouvernement du Burkina Faso a annoncé samedi avoir ouvert une enquête sur des accusations visant l'armée, soupçonnée d'avoir commis des crimes contre des civils plus tôt dans la semaine.

Les faits remontent à mercredi dernier et concernent le 14e Régiment Interarmes de Djibo (nord), qui "aurait tiré des obus sur les villages de Holdé, Yaté, Ména et Dabere-Pogowel, situés à environ 10 km du camp militaire", selon une note du Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH) adressée au gouvernement.

Des publications largement relayées sur les réseaux sociaux ont fait état au cours de la semaine de dizaines de civils tués lors de ces incidents. Le HCDH n'a pas pu "établir de bilan exact".