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Christiane Taubira: "Les réseaux sociaux permettent de mettre les violences sexistes sur la table"

L'interview: Christiane Taubira, ancienne ministre de la Justice de France, revient sur l'avenir de la gauche
L'interview: Christiane Taubira, ancienne ministre de la Justice de France, revient sur l'avenir de la gauche / 19h30 / 5 min. / le 9 octobre 2022
Violences sexuelles et sexistes, liberté des femmes en Iran et héritage européen de l'esclavage, autant de thématiques chères à Christiane Taubira. L'ancienne ministre française de la Justice, en Suisse pour le festival afro-féministe Black Helvetia de La Chaux-de-Fonds (NE), était l'invitée du 19h30.

"Je crois encore à la gauche, car je crois aux idéaux de gauche. Je pense que le monde, avec toutes les violences qui le traversent et les injustices qui s'installent durablement, a besoin de femmes et d'hommes qui agissent au service de ces idéaux", déclare Christiane Taubira, alors que la gauche en France se déchire notamment sur le sujet des violences faites aux femmes.

Julien Bayou, écologiste accusé de violence psychologique, a, par exemple, affirmé qu'il ne fallait "pas confondre féminisme et maccarthysme". Pour l'ancienne ministre de la justice sous François Hollande, "au lieu d'incriminer" les réseaux sociaux, il faut "interroger les politiques publiques".

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Manque de juridiction sur les violences sexistes

"Tant que les institutions seront défaillantes, ce seront les réseaux sociaux qui permettront que ces sujets restent sur la table. C'est dommage pour les débordements, les excès sont inévitables mais on ne peut pas prendre prétexte de cela et ne rien sanctionner", ajoute-t-elle.

Selon l'ancienne Garde des Sceaux, les associations féministes convergent pour dire qu'il faut un milliard d'euros pour faire basculer la culture sociale et relationnelle de la violence. Actuellement au niveau des juridictions, il n'y a que 10% de condamnations par rapport au nombre de plaintes en France.

"On sait que c'est une réalité massive dans la société et ce pourcentage est donc insatisfaisant. Pourquoi nous n'avons pas de juridiction spécialisée sur ce contentieux?", questionne-t-elle. Et de renchérir: "Si nous voulons combattre ce phénomène sérieusement et ne pas le traîner sur plusieurs générations, il faut le traiter judiciairement".

"La moindre des décences est d'être solidaire"

Alors qu'en Iran depuis la mort de Mahsa Amini le 16 septembre, les Iraniennes manifestent pour leur liberté, des femmes dans le monde entier ont soutenu leurs protestations. "En Iran, il y a une théocratie et la question du port du voile est emblématique. Ce sont des femmes qui prennent des risques, il y a des morts tous les jours. Le moins que nous puissions faire partout dans le monde est de nous mobiliser et d'interpeller nos gouvernants", explique Christiane Taubira.

Pour elle, le soutien des gouvernements est essentiel: "lorsque nous n'apportons pas de solidarité aux peuples en lutte, nous l'avons vu notamment avec les printemps arabes, ces manifestations peuvent être violemment réprimées et le malheur suit".

Elle met en garde contre les gouvernements qui règlent leurs "querelles nationales sur le dos des peuples qui se mobilisent pour leur propre liberté". "Il est indécent de parasiter les combats de peuples pour vouloir régler ses propres désaccords. La moindre des décences alors que nous ne sommes pas capables d'être efficaces, est d'être, au moins, solidaires", conclut l'ancienne ministre.

>> Ecouter Christiane Taubira sur la situation en Iran :

L'interview: Christiane Taubira, ancienne ministre de la Justice de France, commente l'actualité en Iran
L'interview: Christiane Taubira, ancienne ministre de la Justice de France, commente l'actualité en Iran / 19h30 / 3 min. / le 9 octobre 2022

Propos recueillis par Fanny Zürcher

Adaptation web: Andreia Portinha Saraiva

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"L'espace public ne peut pas être un espace d'agression"

Au-delà des droits des femmes, Christiane Taubira s'est illustrée par son combat pour la loi reconnaissant l'esclavage comme crime contre l'humanité en 1999. Actuellement, plusieurs villes rebaptisent des rues ou déboulonnent des statues en lien avec leur passé colonial. A Genève, par exemple, l'université va renommer le bâtiment Carl Vogt, qui portait jusqu'alors le nom d'un auteur de thèses racistes.

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"L'espace public ne peut pas être un espace d'agression pour une catégorie de la population car il est notre espace commun. Il ne s'agit pas d'éliminer l'histoire. Il faut l'étudier, la comprendre, en débattre et en discuter. Il n'est pas acceptable que, dans cet espace, nous ayons des références qui rappellent que certaines personnes ont été définies comme inférieures", déclare Christiane Taubira.