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Le mode de vie ultra-consumériste promu par les influenceurs de plus en plus critiqué

Image d'illustration d'une influenceuse. [Depositphotos - vk_studio]
Les influenceurs et leur mode de vie intenable / Tout un monde / 6 min. / le 16 septembre 2022
Voyages à l'autre bout du monde, hôtels de luxe, vêtements, cosmétiques...: les influenceurs et influenceuses qui font la promotion d'un mode de vie ultra-consumériste et anti-écologiste, sont de plus en plus pointés du doigt. Leurs comportements ne cadrent pas avec les incitations à la sobriété toujours plus présentes.

Sur les réseaux sociaux, il existe des milliers de comptes comme celui de Payton Sartain, une influenceuse américaine, très populaire sur Youtube et Instagram, qui mettent en scène des vacances tout en proposant des promotions sur des vêtements.

Cette industrie du marketing d'influence qui pèse déjà selon certaines estimations près de 14 milliards de dollars va continuer à exploser pour une raison très simple, comme l'a expliqué dans l'émission Tout un monde Stéphanie Lukasik, docteur en sciences de la communication, et autrice de "L'influence des leaders d'opinion":

"L'influence est fondée sur un modèle de consommation. Les influenceurs gagnent de l'argent avec des placements de produits. Nous avons affaire à une surconsommation parce que, sur les réseaux sociaux, nous sommes dans un espace de court terme et donc il faut sans cesse produire du contenu nouveau et donc sans cesse placer des produits ".

Affinité par ressemblance

Il y a également une autre raison, plus psychologique: "Le mécanisme de l'influence est fondé sur l'homophilie, c'est-à-dire l'affinité par ressemblance. Les jeunes surtout sont sensibles à cette affinité par ressemblance: ils vont suivre un créateur de contenus, un influenceur et vont vouloir inconsciemment lui ressembler en achetant ce produit. C'est pour ça que cela fonctionne aussi bien".

Les influenceurs en se mettant en scène dans leur vie de tous les jours créent un lien émotionnel très fort avec leur communauté d'abonnés et les marques l'ont bien compris.

Les critiques se multiplient

Mais les critiques se multiplient. Il y a même des mouvements qui s'organisent pour interpeller les influenceurs sur leurs pratiques. C'est le cas en France du collectif Paye ton influence, créé il y a quelques mois et très actif sur les réseaux sociaux, a expliqué Amélie Deloche, 27 ans, une de ses cofondatrices.

"Nous nous sommes rendu compte que finalement les influenceurs font perdurer des modèles de vie et de consommation qui sont totalement à rebours des enjeux climatiques. Ils influencent toute une génération à continuer ses modèles de vie et de consommation. Notre objectif est de les réveiller, de leur faire prendre conscience qu'aujourd'hui ils ont une responsabilité, il faut qu'ils remettent leur influence dans un contexte d'urgence climatique".

Nous nous sommes rendus compte que finalement les influenceurs font perdurer des modèles de vie et de consommation qui sont totalement à rebours des enjeux climatiques

Amélie Deloche, du collectif Paye ton influence

Pour Amélie Deloche, les influenceurs peuvent faire bouger les choses "s'ils suivent une certaine charte éthique pour leurs partenariats, comme refuser de travailler avec certaines industries ou entreprises. Les marques vont peut-être réfléchir si elles ont de la peine à trouver des partenariats en raison de leur impact énorme sur l'environnement".

Certains influenceurs ont changé leurs comportements, comme Maria Lopez, alias enjoyphoenix, 5,6 millions d'abonnés sur Instagram, qui se définit plus comme une "créatrice de contenu" que comme influenceuse. Mais son cas reste ultra-minoritaire et ultra-discret car exprimer des opinions c'est aussi perdre des partenariats.

Vendre et faire vendre

De toute façon, selon Laurence Allard, professeure de sociologie à l'Université de Lille, il s'agit toujours de vendre, même si c'est "du local". Le but des influenceurs est "de vendre et faire vendre en se montrant, en se mettant en scène et en étant payé pour le faire".

Le modèle risque donc de perdurer tel qu'il est sauf s'il y a vrai rejet des utilisateurs.

Ceux-ci sont toujours plus nombreux à trouver qu'Instagram est devenu un gigantesque centre commercial. Mais recadrer légalement Instagram ou Tik tok est inefficace, le modèle ne pourra évoluer que si l'on éduque aussi les consommateurs au mécanisme de ces plateformes, selon Stéphanie Lukasik.

Le collectif Paye ton influence mais aussi d'autres sites comme bonpote ont commencé à le faire.

Francesca Argiroffo/lan

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