Des dizaines de milliers de citoyens russes et biélorusses vivent en Ukraine. La plupart d'entre eux soutiennent sans réserve leur pays d'accueil face à l'invasion de la Russie, mais certains voient les obstacles administratifs s'accumuler au point de compromettre leur futur.
Le 9 février, Karyna Patsiomkina s'est dit que ses ennuis étaient enfin derrière elle: six semaines après avoir fui la Biélorussie, où ses amis croupissent en prison et elle-même risquait l'arrestation pour des publications anti-pouvoir, cette jeune femme de 31 ans emménageait dans un refuge loué par une compatriote à Boutcha. Mais deux semaines après, l'armée russe envahissait l'Ukraine en arrivant notamment de Biélorussie, alliée de Moscou.
La ville de Boutcha est occupée après de violents combats. Le 8 mars, Karyna décide de partir, "car il n'y avait plus de gaz ni d'électricité". La route étant déjà coupée, elle met 48 heures pour rejoindre Kiev, puis Lviv, dans l'ouest.
Quand la ville de Boutcha est libérée au début avril et qu'émergent les premiers signes des massacres, elle revient s'enrôler comme volontaire, dans une cellule d'aide psychologique puis auprès de la Croix-Rouge. A la fin juin, la jeune femme est honorée par la municipalité de Boutcha.
Mais quand elle se présente au début juillet au service des migrations pour faire prolonger son permis de séjour, son passeport lui est confisqué 48 heures, puis rendu avec un tampon: elle a 10 jours pour quitter l'Ukraine, sous peine d'expulsion.
Une maison de Boutcha, en Ukraine. [Maurine Mercier - RTS]
Depuis le mois de mai et la reprise progressive du travail dans les administrations ukrainiennes, les exemples du genre se sont multipliés. Le Free Belarus Center, une ONG basée à Kiev venant en aide aux réfugiés politiques biélorusses, a publié en août avec d'autres organisations une lettre ouverte aux autorités ukrainiennes dénonçant "des refus massifs" d'accorder ou de prolonger des permis de séjour aux Biélorusses.
Ces refus sont d'autant plus incompréhensibles, écrivent les ONG, que Kiev assure officiellement n'avoir pas changé de politique migratoire envers les citoyens biélorusses et que beaucoup de ces derniers se sont massivement engagés en défense de l'Ukraine.
Les Russes d'Ukraine - qui sont 175'000 à y bénéficier d'un titre de séjour selon les chiffres officiels - disent vivre la même situation. Andreï Sidorkine, 41 ans, habite depuis 17 ans en Ukraine, dont il était sur le point d'obtenir la nationalité quand la guerre a éclaté. A la fin février, ses papiers sont volés, mais quand il demande un nouveau permis de séjour à la réouverture des administrations, la réponse est négative.
Revenir en Russie? "Hors de question! Je n'ai plus rien là-bas. Je risque d'y passer 15-20 ans" en prison, poursuit-il, expliquant avoir postulé pour l'armée ukrainienne au début de la guerre mais n'avoir pas été pris car étranger, puis avoir aidé à faire des cocktails Molotov et évacué des oeuvres d'art des musées de Kiev.