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L'Ukraine accuse les Russes de "génocide" à Boutcha

En Ukraine, des cadavres de civils ont été découverts à Boutcha après le retrait de l’armée russe. Kiev dénonce un "massacre délibéré"
En Ukraine, des cadavres de civils ont été découverts à Boutcha après le retrait de l’armée russe. Kiev dénonce un "massacre délibéré" / 19h30 / 2 min. / le 3 avril 2022
L'Ukraine a accusé dimanche la Russie de commettre un "génocide", au lendemain de la découverte de nombreux corps de civils dans la ville de Boutcha près de Kiev après le retrait des troupes de Moscou, qui a déclenché l'indignation en Europe et aux États-Unis.
Une fosse commune à Boutcha. [Keystone/AP Photo - Rodrigo Abd]

"Oui, c'est un génocide. L'élimination de toute la nation et des gens (..) Et cela se passe dans l'Europe du XXIe siècle", a affirmé le président ukrainien Volodymyr Zelensky à la chaîne américaine CBS.

Tour à tour, Washington, Paris, Berlin ou Londres ont dénoncé les "atrocités", voire les "crimes de guerre", commis notamment à Boutcha, où près de 300 personnes ont été enterrées dans des fosses communes, selon les autorités ukrainiennes.

La Russie nie

Le ministère russe de la Défense a assuré dimanche que ses forces n'avaient pas tué de civils à Boutcha,

"Pendant la période au cours de laquelle cette localité était sous le contrôle des forces armées russes, pas un seul résident local n'a souffert d'actions violentes", a déclaré le ministère. Il a ajouté que l'armée russe avait distribué 452 tonnes d'aide humanitaire aux civils dans ce secteur.

Le ministère a ajouté que tous les habitants "avaient eu la possibilité de quitter librement" la localité "vers le nord", alors que les banlieues sud de la ville "étaient la cible de tirs des troupes ukrainiennes 24 heures sur 24".

"Une production pour les médias occidentaux"

Le communiqué a en outre affirmé que les images de cadavres dans les rues de la ville étaient "une nouvelle production du régime de Kiev pour les médias occidentaux".

Il a assuré que toutes les unités militaires russes s'étaient retirées de Boutcha le 30 mars, au lendemain de l'annonce par la Russie qu'elle allait réduire de façon significative son activité dans le nord de l'Ukraine.

>> Notre envoyé spécial à Boutcha, Sébastien Faure :

Envoyé spécial à Kiev, Sébastien Faure est allé à Boutcha, où l’armée russe aurait commis des exactions sur les civils
Envoyé spécial à Kiev, Sébastien Faure est allé à Boutcha, où l’armée russe aurait commis des exactions sur les civils / 19h30 / 2 min. / le 3 avril 2022

Une "brutalité inédite en Europe depuis des décennies"

Les corps de 57 personnes ont été retrouvés dans une fosse commune à Boutcha, a déclaré dimanche le chef des secours locaux. Les Etats-Unis et l'Otan ont exprimé leur horreur, avertissant que le départ des troupes de Moscou de la région de Boutcha ne représentait ni un "vrai retrait" ni un espoir de désescalade.

"Ces images sont un coup de poing à l'estomac", a réagi le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken sur la chaîne CNN. Le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg a pour sa part dénoncé une "brutalité inédite en Europe depuis des décennies" et le président français Emmanuel Macron affirmé que "les autorités russes devront répondre de ces crimes", dénonçant "dans les rues, des centaines de civils lâchement assassinés".

>> Voir le reportage du 19h30 :

La périphérie de Kiev a payé un lourd tribut à la guerre. Les troupes russes se dirigent maintenant vers l’Est de l’Ukraine
La périphérie de Kiev a payé un lourd tribut à la guerre. Les troupes russes se dirigent maintenant vers l’est de l’Ukraine / 19h30 / 1 min. / le 2 avril 2022

Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba a exigé de nouvelles sanctions immédiates du G7 à l'encontre de la Russie, notamment un embargo total sur l'énergie, la fermeture des ports à tout bateau ou marchandise russe et la déconnexion de toutes les banques russes de la plateforme financière internationale Swift.

Son homologue britannique Liz Truss, "horrifiée", a réclamé une "enquête pour crimes de guerre" tandis que le président du Conseil européen Charles Michel "choqué" annonçait que l'UE allait "aider l'Ukraine et des ONG à rassembler les preuves nécessaires pour des poursuites devant les cours internationales". "Plus de sanctions et d'aide de l'UE sont en chemin", a-t-il ajouté.

>> Philippe Grant, directeur exécutif de l'ONG Trial International, livre son analyse juridique sur les possibles crimes de guerre perpétrés à Boutcha :

Philippe Grant, directeur exécutif de l’ONG Trial International, livre son analyse juridique sur les possibles crimes de guerre perpétrés à Boutcha
Philippe Grant, directeur exécutif de l’ONG Trial International, livre son analyse juridique sur les possibles crimes de guerre perpétrés à Boutcha / 19h30 / 2 min. / le 3 avril 2022

"Crimes de guerre" dans plusieurs régions

Des soldats ukrainiens marchent le long d'une colonne de chars russes détruits à Boutcha. [Keystone/AP Photo - Rodrigo Abd]

Le conseiller présidentiel ukrainien, Mykhaïlo Podoliak, a néanmoins regretté que l'Occident essaie de "ne pas provoquer les Russes" pour éviter la Troisième Guerre mondiale, comparant le massacre de Boutcha à celui de Srebrenica en 1995, pendant la guerre de Bosnie-Herzégovine.

Boutcha et la ville voisine d'Irpin, toutes deux rendues méconnaissables par les bombardements, ont été le théâtre de certains des combats les plus féroces depuis que la Russie a attaqué l'Ukraine, quand les soldats russes tentaient alors d'encercler Kiev. Les Russes se sont retirés d'Irpin, Boutcha, Gostomel et de toute la région de Kiev ainsi que de Tcherniguiv, dans le nord du pays, pour se redéployer vers l'est et le sud.

Human Rights Watch a également dénoncé dimanche des exactions de militaires russes contre des civils assimilables à des "crimes de guerre" dans les régions de Tcherniguiv, Kharkiv et Kiev, disant avoir recensé plusieurs cas de "violations des lois de la guerre" (viols, exécutions sommaires, violences, menaces, pillages).

>> L'analyse de Philippe Currat, avocat, spécialiste en droit international :

Des crimes de guerre ont-ils eu lieu à Boutcha? (vidéo)
Des crimes de guerre ont-ils eu lieu à Boutcha? (vidéo) / Forum / 6 min. / le 3 avril 2022
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Des négociations qui peinent à avancer

Le secrétaire général adjoint de l'ONU pour les Affaires humanitaires, le Britannique Martin Griffiths, était attendu dimanche soir à Moscou, avant de se rendre à Kiev, mandaté pour rechercher un cessez-le-feu humanitaire en Ukraine. Jusqu'à présent, la Russie refusait toute visite d'un haut responsable de l'ONU ayant l'Ukraine pour sujet principal.

Son négociateur en chef dans les pourparlers de paix avec l'Ukraine, Vladimir Medinsky, a fait l'éloge dimanche d'une position "plus réaliste" de Kiev prêt, sous conditions, à accepter un statut neutre et dénucléarisé du pays, réclamé par Moscou.

Mais il a dit ne pas "partager l'optimisme" du négociateur ukrainien David Arakhamia. Ce dernier avait laissé entendre samedi que les discussions visant à mettre fin aux hostilités avaient considérablement avancé. "Les experts diplomatiques et militaires ukrainiens tardent à confirmer même les accords déjà obtenus au niveau politique", a affirmé Vladimir Medinsky.

>> Lire à ce sujet : Percée dans les négociations russo-ukrainiennes, mais Washington demeure circonspect