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Des communications radio interceptées confirment les défaillances de l'armée russe

Des soldats russes à bord d'un véhicule blindé de transport de troupes se dirigent vers l'Ukraine continentale sur la route près d'Armiansk, en Crimée, le 25 février 2022 (image d'illustration). [Keystone - EPA/STRINGER]
Des soldats russes à bord d'un véhicule blindé de transport de troupes se dirigent vers l'Ukraine continentale sur la route près d'Armiansk, en Crimée, le 25 février 2022 (image d'illustration). - [Keystone - EPA/STRINGER]
Dans une vidéo publiée mercredi, le New York Times dévoile un nombre conséquent de communications radio russes interceptées au cours de l'invasion de l'Ukraine. Ces dernières montrent, dès le début de l'offensive, une armée souvent mal organisée, manquant de coordination mais aussi possiblement coupable de crimes de guerre.

Dès les premiers jours de l'invasion, les divers images, rapports et témoignages pointaient du doigt les carences logistiques et organisationnelles des forces russes. Tanks détruits au bord des routes, soldats filmés en train de piller des magasins d'alimentation, véhicules à l'arrêt, faute d'essence.

En cela, l'enquête du New York Times vient confirmer ces carences mais y ajoute une nouvelle problématique, l'absence fréquente de communications sécurisées entre différentes unités militaires. Le quotidien américain admet ne pas savoir clairement pourquoi des soldats russes ont utilisé et continuent pour certains à utiliser des communications non cryptées. Dans les faits, ce manque de précaution a permis à toutes les personnes disposant d'un récepteur radio d'écouter et d'enregistrer ces communications et, dans certains cas, d'interférer en les brouillant.

En ayant réussi à collecter plusieurs centaines de ces enregistrements, avec lesquels il a pu croiser des sources vidéo et des témoignages sur le terrain, le média américain permet d'accéder à un autre niveau de compréhension sur l'impréparation des forces russes.

Des communications non cryptées à haut risque

Dans son enquête, le quotidien s'est focalisé sur le premier jour de la bataille de Makariv et des villages environnants, à 50 kilomètres à l'ouest de Kiev.

Le matin du 27 février, des véhicules militaires russes sont repérés dans les environs. Au bout d'une heure à peine, il est possible d'entendre des communications entre soldats, qui informent en direct de la situation sur le champ de bataille.

"- Buran-30, c'est Yug-95, on a descendu un hélicoptère ennemi avec deux missiles. Terminé. - Sneg-02, c'est Almaz. Pour ton information, dans 10 minutes, nos avions de chasse vont commencer à travailler, tu m'as compris?"

En n'étant pas protégées, certaines communications révèlent donc ouvertement des plans d'attaque que tout le monde peut entendre. Dans d'autres cas, elles peuvent aussi être perturbées par des interférences ukrainiennes. Le New York Times donne l'exemple d'un soldat russe qui cherche une porte de sortie, alors que les combats font rage.

Buran-30: "je cherche des routes pour battre en retraite ", explique le militaire. - "Buran, rentre à la maison. C'est mieux d'être un déserteur qu'un fertilisant", lui répond alors sans détour un Ukrainien qui a fait irruption sur la fréquence radio utilisée par les forces russes.

>> Revoir également le reportage du 19h30 sur la situation de l'armée russe en Ukraine :

En Ukraine, "l'armée russe est enlisée", a déclaré mercredi le chancelier allemand Olaf Scholz
En Ukraine, "l'armée russe est enlisée", a déclaré mercredi le chancelier allemand Olaf Scholz / 19h30 / 2 min. / le 23 mars 2022

Coordination et logistique défaillante

Mais si ces communications ouvertes sont dangereuses car elles peuvent être entendues par l'ennemi, elles semblent également être défaillantes au sein même des forces russes, mettant encore une fois en danger des soldats engagés dans des combats.

Dans la bataille initiale de Makariv, une série d'échanges radio montre ainsi ces ratés de la communication, qui ralentissent des demandes urgentes de support aérien, faisant grandement augmenter le risque de subir des pertes.

- Yug-95: "Demande à Lampas un support aérien. Des hélicos, des hélicos. Entendu? Terminé."

- Buran-30: "Yug-95, entendu. Je ne peux pas joindre Lampas. Ici Buran, terminé."

- Yug-95: "Entendu, entendu, essaie encore. terminé."

Mais trente minutes plus tard après cet échange, le soutien aérien n'est toujours pas arrivé. "Buran-30, c'est Yug-95. Pu****, tu as oublié pour le support aérien! Tu as oublié! Terminé."

Les conversations radio relayées par le Times confirment également tout ce qui avait été rapporté sur les pénuries au sein des troupes. Il est intéressant de constater que nous ne sommes alors qu'au troisième jour de l'offensive en Ukraine au moment où ces messages sont enregistrés.

- Sireno-03: "J'ai urgemment besoin d'un ravitaillement. De l'eau. de la nourriture. Terminé".  - Sneg-02: "J'ai un besoin urgent d'essence, les véhicules sont immobilisés sur la route."

>> Lire également : Tanks à l'arrêt, camions en panne sèche... les carences logistiques de l'armée russe

Possible crimes de guerre

Les communications enregistrées pourraient aussi révéler des crimes de guerre selon le journal. Ainsi, dans l'une d'entre elles, on entend l'ordre répété de faire feu sur "l'ensemble d'un quartier résidentiel" avec de l'artillerie.

Des habitants de Makariv et des villages environnants ont ensuite confirmé que les forces russes avaient bien tiré au hasard sur leurs maisons avec des armes légères mais également avec un char.

D'autres scènes diffusées massivement sur les réseaux sociaux depuis plusieurs semaines montrent aussi un usage souvent indiscriminé de la force face à des civils à Makariv, comme ces images capturées par une vidéo de surveillance montrant un tank russe tirant à plusieurs reprises sur une voiture, sans aucun avertissement. A l'intérieur du véhicule, un couple de personnes âgées, qui sera tué sur le coup.

Plus d'un mois après le début de l'invasion, les forces russes semblent utiliser désormais davantage de moyens de communication codés et des téléphones portables, mais certains signaux sont toujours compromis. Des généraux russes auraient eux aussi utilisé des téléphones et des radios non sécurisés, ce qui aurait amené au moins l'un d'entre eux à être traqué et tué par les forces ukrainiennes.

Tristan Hertig

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