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Les réserves de gaz en Ukraine, un enjeu sous-terrain de l'invasion russe

Des compresseurs de gaz près du village de Volovets, dans l'ouest de l'Ukraine. [EPA - Romain Pillipey]
Des compresseurs de gaz près du village de Volovets, dans l'ouest de l'Ukraine. - [EPA - Romain Pillipey]
L'Ukraine, lieu de transit des principaux gazoducs entre l'Europe et la Russie, regorge de réserves de gaz inexploitées. Celles-ci pourraient permettre à Kiev de se passer de sa dépendance aux importations russes. Toutefois, la majorité de ces ressources se trouve au large de la Crimée occupée.

L'invasion de l'Ukraine par la Russie a mis en évidence la dépendance de l'Europe aux hydrocarbures russes, notamment le gaz. Le Vieux Continent importe en effet 40% de son gaz directement de Russie. En 2015, plus de la moitié de ce gaz provenait de gazoducs traversant l'Ukraine.

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Ces infrastructures, construites par l'URSS, placent aujourd'hui la Russie en position de dépendance vis-à-vis de l'Ukraine pour pouvoir continuer à livrer son gaz à l'Europe.

Gazprom contre Naftogaz

Plusieurs conflits ont par ailleurs éclaté ces deux dernières décennies entre Gazprom, le principal producteur de gaz russe, et la société Naftogaz, qui achemine ce gaz de la Russie à l'Europe, détenue à 100% par le gouvernement ukrainien.

D'un côté, Gazprom - qui entretient des liens étroits avec le Kremlin - veut augmenter le prix de transit de son gaz, et de l'autre Naftogaz joue sur la dépendance russe de ses gazoducs pour maintenir la concession au prix le plus bas possible.

Les moyens de pression de Kiev restent néanmoins limités, puisque l'Ukraine importe actuellement environ 60% de sa consommation de gaz via la Russie. Cela donne ainsi un levier d'action à Moscou pour faire plier le gouvernement ukrainien et Naftogaz en cas de conflit sur les prix.

Des réserves en Crimée

A terme, l'Ukraine pourrait théoriquement se passer du gaz russe et extraire l'ensemble de sa consommation de gaz sur son territoire. Il est estimé que le sous-sol ukrainien renferme un trillion de mètres cubes de gaz. Cela reste loin des 47 trillions détenus par la Russie, mais ce serait suffisant pour permettre à Kiev de se passer entièrement de ses importations russes, et même d'exporter une partie de son gaz vers l'Europe, qui réduirait ainsi une partie de sa dépendance envers Moscou.

Tout cela reste au conditionnel, car avant même l'invasion russe de la semaine passée, deux problèmes majeurs se dressaient devant l'Ukraine. Tout d'abord, l'exploitation de ces réserves nécessiterait un investissement que Kiev ne peut pas se permettre. Une étude de l'Ukraininan Institute of the Future estimait en 2016 qu'une telle exploitation coûterait près de 20 milliards de dollars. Une somme que Kiev n'a tout simplement pas.

Ensuite, la majorité de ces réserves se trouvent dans la Mer Noire, au large de la Crimée, que la Russie a envahie en 2014. L'Ukraine s'est ainsi retrouvée privée de son meilleur espoir de pouvoir un jour être indépendante énergétiquement. De l'autre côté, Moscou s'est assuré de pouvoir continuer à brandir la menace de la fermeture des vannes pour imposer ses prix.

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Coupée du territoire russe

La péninsule de Crimée, si stratégique pour le Kremlin, est toutefois complètement coupée du territoire russe, et dépend de l'approvisionnement énergétique et hydraulique de l'Ukraine. Si Moscou a d'urgence mis en place un pont énergétique entre le territoire russe et la Crimée, l'approvisionnement en eau de celle-ci est toujours coupé par Kiev.

La situation devient ainsi de moins en moins tenable en Crimée, où la population doit se résoudre à vivre au rythme des coupures d'eau. Même si elle ne peut pas se résumer à cela, l'invasion russe de ces derniers jours peut aussi être vue comme une tentative de prendre le contrôle du territoire ukrainien au nord de la Crimée et ainsi assurer l'approvisionnement de la péninsule.

Antoine Schaub

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