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Washington brandit expressément l'arme gazière contre la Russie

Des tuyaux destinés à la construction du gazoduc Nord Stream 2 en janvier 2021. [Keystone/DPA - Stefan Sauer]
Nord Stream 2 pourrait être bloqué en cas d'invasion de l'Ukraine par la Russie / La Matinale / 1 min. / le 28 janvier 2022
Les Etats-Unis ont assuré jeudi soir que le gazoduc cher à Moscou "Nord Stream 2", qui doit doubler la capacité de transport de gaz entre Russie et Europe, n'entrerait pas en fonction en cas d'invasion de l'Ukraine. Ils ont appelé Moscou à revenir à la table des négociations.

Le sort de ce gazoduc controversé, dont Washington n'a jamais voulu mais qui est désormais achevé avec la bénédiction de Berlin et attend sa mise en service, sera certainement au coeur de la prochaine visite du chancelier allemand Olaf Scholz à la Maison Blanche le 7 février prochain.

Le tracé des deux gazoducs parallèles North Stream et North Stream 2, en rouge. [CC BY-SA 3.0 - Boban Markovic]

Accusé de timidité et de tergiversations, le gouvernement allemand a tenté de clarifier jeudi sa position. Les "sanctions fortes" en cours de préparation par les Occidentaux en cas d'offensive russe incluent aussi Nord Stream 2, a déclaré la cheffe de la diplomatie allemande Annalena Baerbock.

Risque d'invasion en février

S'appuyant sur ces propos et sur ses "conversations" avec l'Allemagne, le gouvernement américain s'est montré encore plus catégorique. "Je veux être claire avec vous aujourd'hui: si la Russie envahit l'Ukraine, d'une manière ou d'une autre, Nord Stream 2 n'ira pas de l'avant", a prévenu la numéro 3 de la diplomatie américaine Victoria Nuland.

Les Etats-Unis ont par ailleurs saisi le Conseil de sécurité de l'ONU, réclamant une réunion lundi en raison de la "menace claire" que fait peser à leurs yeux la Russie sur "la paix et la sécurité internationales".

Le président Biden a appelé jeudi son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky et lui a réaffirmé que les Etats-Unis répondraient "résolument" en cas d'invasion russe, les deux hommes discutant de la possibilité d'une assistance économique accrue, selon un communiqué de l'administration américaine. Le démocrate a également soulevé la "nette possibilité que les Russes puissent envahir l'Ukraine en février", une date déjà évoquée par les renseignements américains, a précisé sur Twitter la porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain.

100'000 militaires russes à la frontière ukrainienne

Au lendemain de la réception des réponses écrites des Etats-Unis et de l'Otan à ses demandes pour sortir de l'impasse actuelle, la Russie s'est montrée réservée. "La balle est dans leur camp. Nous espérons que Moscou va étudier ce que nous leur proposons et revenir à la table des négociations", a répété de son côté la diplomatie américaine Victoria Nuland.

Quelque 100'000 militaires russes campent à la frontière ukrainienne avec leurs blindés depuis fin 2021. La Russie dément tout projet d'invasion et explique sa présence à la frontière par la menace qu'elle dit faire peser sur elle l'expansion de l'Otan depuis 20 ans, ainsi que par le soutien occidental à son voisin ukrainien. Elle a réclamé la fin formelle de l'élargissement de l'Alliance atlantique, notamment à l'Ukraine, et un retour des déploiements militaires occidentaux aux frontières de 1997.

"On ne peut pas dire que nos points de vue aient été pris en compte"

Les Etats-Unis et l'Otan ont, sans surprise, formellement rejeté mercredi ces demandes clés de Moscou, tout en ouvrant à nouveau la porte à des négociations sur des limites réciproques au déploiement des missiles de courte et moyenne portée des deux puissances nucléaires rivales en Europe ainsi qu'aux exercices militaires aux abords du camp adverse.

"On ne peut pas dire que nos points de vue aient été pris en compte", a regretté le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov. Le chef de la diplomatie Sergueï Lavrov a lui aussi constaté l'absence d'une "réponse positive" à la principale revendication russe, mais il n'a pas fermé la porte au dialogue.

>> Plus de détails dans notre article : Moscou accueille froidement le rejet américain de ses exigences

Vendredi, il a affirmé vouloir la diplomatie et pas la guerre. "Nous avons choisi la voie de la diplomatie depuis de nombreuses décennies. Il faut travailler avec tout le monde, c'est notre principe. Si cela tient à la Russie, il n'y aura pas de guerre. Mais nous ne permettrons pas non plus que nos intérêts soient grossièrement bafoués, ignorés".

>> Sur les origines du conflit russo-ukrainien, lire aussi : Le conflit ukraino-russe, des tensions qui prennent leurs origines dans l'histoire

agences/vic

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La Biélorussie soutiendra la Russie en cas d'attaque contre elle, clame Loukachenko

Le président bélarusse Alexander Loukachenko a affirmé vendredi que son pays irait en guerre si son alliée, la Russie, était attaquée, promettant d'accueillir des "centaines de milliers" de soldats russes en cas de conflit.

"Nous nous lèverons pour défendre notre terre et notre patrie", a-t-il indiqué dans un discours télévisé à la nation, ajoutant cependant qu'il "n'y aura pas de vainqueurs dans cette guerre" car "tout le monde perdra tout".

Le Bélarus est le principal allié de la Russie, qui a fourni un soutien politique crucial au président Loukachenko lors des manifestations inédites contestant sa réélection en 2020, réprimées par la force.

Alexander Lukashenko s'est lancé dans un discours de plusieurs heures devant la nation. [Keystone/BelTA - Pavel Orlovsky]

Le risque nucléaire augmente, s'inquiète la présidente de l'Ican

Les fortes tensions entre la Russie et les Etats-Unis sur l'Ukraine augmentent le risque d'un recours aux armes nucléaires et risquent de provoquer un désastre planétaire, a mis en garde dans une interview Beatrice Fihn, la présidente de Campagne internationale pour l'abolition de l'arme nucléaire (Ican), une coalition de plusieurs ONG, lauréate du prix Nobel de la paix en 2017.

"N'importe quel conflit impliquant un ou plusieurs pays qui disposent de l'arme nucléaire est extrêmement dangereux", a rappelé Beatrice Fihn. A ses yeux, il est urgent de calmer le jeu: "Dans un environnement sécuritaire trépidant, les choses peuvent s'envenimer très, très rapidement. J'ai peur que cela ne parte en vrille", insiste-t-elle, s'inquiétant particulièrement "pour les armes nucléaires stationnées à la frontière en Russie, mais aussi celles réparties en Europe" et qui, en cas de conflit généralisé, pourraient devenir des cibles.

Dans un environnement sécuritaire trépidant, les choses peuvent s'envenimer très, très rapidement

Beatrice Fihn, présidente de l'Ican

Appel à signer le Traité sur l'interdiction des armes nucléaires

Pour aider à désamorcer la situation, elle suggère que la Biélorussie et l'Ukraine adhèrent au Traité sur l'interdiction des armes nucléaires, qui est entré en vigueur il y a un an et qui a valu son Nobel à l'ONG qu'elle dirige. A titre d'exemple, elle rappelle que le Venezuela et Cuba ont ratifié le traité et ne pourraient donc pas laisser la Russie y stationner des armes nucléaires, comme Moscou en avait laissé pointer la menace.

Bien qu'aucune puissance nucléaire n'ait signé le texte, Beatrice Fihn estime qu'il a des effets induits et positifs, soulignant en particulier le fait que des fonds d'investissements et des banques retirent leurs investissements dans les entreprises qui participent à la fabrication de l'arsenal nucléaire. Depuis le début, les militants espèrent que ce Traité aura peu à peu la même influence que celle qu'ont pu avoir ceux sur les mines antipersonnelles et les armes à sous-munitions. Même les pays non signataires sont obligés de tenir compte de l'opprobre qui vient avec leur usage.

>> Lire aussi : Un traité d'interdiction des armes nucléaires entre en vigueur, sans la Suisse