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En Israël, la vague #MeToo gagne la communauté juive ultra-orthodoxe

En Israël, la communauté juive ultra-orthodoxe est secouée par une série de révélations d’abus sexuels. [Reuters - Darren Whiteside]
RTSreligion - Le #metoo des juifs ultra-orthodoxes en Israël / Chronique de RTSreligion / 2 min. / le 14 janvier 2022
"Tu ne te tairas point": ce commandement commence à souffler au sein de la communauté juive ultra-orthodoxe en Israël, qui est secouée par une série de révélations d'abus sexuels sans précédent.

A la fin décembre, Haim Walder, un auteur à succès ultra-orthodoxe, s'est suicidé après que le quotidien Haaretz a publié des accusations à son encontre de crimes sexuels, qu'il a rejetées, sur une vingtaine de personnes dont des enfants.

Les allégations contre cette "icône culturelle incontournable" ont eu l'effet d'un cataclysme dans la communauté ultra-orthodoxe, explique Avigayil Heilbronn, une militante de 33 ans se qualifiant de juive "orthodoxe moderne". Cette mère de deux enfants divorcée a fondé en 2015 l'association "Lo Tishtok" ("Tu ne te tairas point" en hébreu) pour porter la voix des victimes d'agressions sexuelles dans le monde ultra-orthodoxe réputé fermé.

Les Haredim, littéralement les "craignant Dieu", représentent environ 12% des quelque neuf millions d'Israéliens. Chaque aspect de leur vie est gouverné par des principes religieux et ils vivent souvent en vase clos.

"Une claque incroyable"

Quand Haim Walder, qui a vendu des centaines de milliers d'exemplaires de livres pour enfants, a été accusé dans la presse, "les gens ont pris une claque incroyable, car si lui peut agresser, alors comment avoir confiance en qui que ce soit?", poursuit Avigayil Heilbronn.

En mars, un premier scandale avait déjà ébranlé cette communauté, après que Haaretz a publié des accusations d'agressions sexuelles et de viols sur adultes et mineurs à l'encontre de Yehuda Meshi-Zahav, autre figure charismatique du monde orthodoxe.

Quelques heures avant la diffusion de nouvelles accusations, cette fois par la chaîne N12, ce fondateur de l'organisation caritative ZAKA, qui dénonce une campagne de "mensonges", a tenté de se pendre dans son appartement.

La police a indiqué qu'une enquête avait été ouverte sur les allégations contre Yehuda Meshi-Zahav, mais n'a pas dit si des investigations étaient en cours dans l'affaire Walder au moment de sa mort.

Agé de 10 ans, il est violé chez lui

Au début janvier, le quotidien Yediot Aharonot a aussi publié les accusations de trois femmes - dont une mineure au moment des faits allégués - à l'encontre d'un animateur de radio ultra-orthodoxe. Ces accusations ont rappelé de bien mauvais souvenirs à Adiel Bar Shaul, un orthodoxe de Bnei Brak, ville où vivent majoritairement des Haredim, près de Tel-Aviv.

Alors qu'il n'avait que 10 ans, Adiel a été violé chez lui, un soir de shabbat, puis à plusieurs reprises pendant une année par un proche de la famille, également ultra-orthodoxe, qui l'hébergeait.

"Il a commencé à me donner des autocollants. Puis après plusieurs fois, il m'a demandé [en échange, ndlr] de poser ma main sur son pantalon. J'étais enfant. Je ne comprenais pas", se souvient l'homme, qui s'est ensuite muré des années dans le silence avant de le briser il y a quelques années.

"J'étais seul. J'avais extrêmement honte et je me sentais coupable, car j'avais accepté" ces gestes pour des autocollants, dit celui qui vient aujourd'hui en aide à des victimes de violences sexuelles.

500 appels par mois

Souvent, les victimes se taisent, car "elles ont peur de ce que diront les gens, les voisins, à la synagogue ou à l'école", explique à Josiane Paris, bénévole au centre de crise Tahel, basé à Jérusalem et qui vient en aide aux femmes vivant dans des milieux religieux.

A son ouverture il y a 30 ans, le centre a mis en place une ligne d'écoute téléphonique dédiée aux victimes de violences conjugales, d'agressions sexuelles et de viols. Au début, cette ligne recevait peu d'appels, mais ces dernières années, le nombre n'a fait qu'augmenter, signe, selon elle, que le mouvement #MeToo gagne les milieux religieux. "Nous recevons aujourd'hui environ 500 appels par mois", chiffre-t-elle.

afp/ami

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