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L'Argentine enregistre une fuite des cerveaux sans précédent

En Argentine, sur fond de crise, nouvel exode des forces vives vers l'Europe
En Argentine, sur fond de crise, nouvel exode des forces vives vers l'Europe / 19h30 / 2 min. / le 4 janvier 2022
Manque de perspectives, salaires en constante baisse face à l’inflation, insécurité… Ces facteurs poussent de nombreux jeunes Argentins, diplômés et professionnels, à quitter le pays. Une fuite des cerveaux semblable à celle déclenchée après la crise économique de 2001.

En 2001, l'Argentine plongeait dans une crise économique sans précédent: gel des avoirs bancaires, suspension du paiement de la dette extérieure, fin de la loi sur la convertibilité qui assurait une parité fixe entre le dollar et le peso. Une crise qui plongea le pays dans un chaos politique et social, dont certaines conséquences se prolongent jusqu'à aujourd'hui.

Car vingt ans plus tard, le pays est toujours englué dans une crise financière aux indicateurs alarmants: une inflation frisant les 50%, une population vivant à près de 40% sous le seuil de pauvreté et un dollar qui vaut aujourd'hui 100 pesos.

Du côté de la dette extérieure, l'Argentine continue de négocier avec le Fonds monétaire international (FMI) son prêt colossal de 44 milliards, contracté en 2018 par l'ancien président Mauricio Macri.

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Fuite des cerveaux

Manque de perspectives, salaires en constante baisse face à l'inflation, insécurité… Ces facteurs poussent de nombreux jeunes diplômés et professionnels à quitter le pays. Une véritable fuite des cerveaux, semblable à celle qui a eu lieu après la crise de 2001.

C'est le cas d'Alan, ingénieur informatique de 33 ans vivant dans la banlieue de Buenos Aires. Le jeune homme a abandonné l'espoir que son pays aille mieux. Même s'il a un poste à responsabilités et un bon salaire en pesos, l'inflation est telle que ses revenus continuent à baisser alors qu'il prend du galon au sein de son entreprise.

"J'ai étudié six ans, j'ai une expérience professionnelle de dix ans dans les technologies et je gagne aujourd'hui deux fois moins qu'un livreur à vélo en Europe. Ce n'est pas tenable", détaille le jeune homme.

Impossibilité d'épargner, d'accéder à la propriété ou de se projeter dans le futur… Comme beaucoup de ses amis, Alan a décidé d'émigrer en Espagne avant les fêtes. "Il y a un nouveau dicton chez les jeunes Argentins qui dit que la seule issue, c'est l'aéroport", ironise ce dernier.

Lucas et Marina ont aussi décidé de quitter le pays pour émigrer à Madrid. Avocat et biologiste, parents de deux enfants, ils considèrent qu'ils n'ont pas d'autres choix que de partir. "Je m'en vais ni triste ni heureux, je m'en vais en colère. Ce n'est pas exactement comme si on nous virait du pays, mais ici il n'y a pas d'espace pour progresser, pas de futur réel pour mes enfants. Alors c'est presque la même chose", confie Lucas.

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Marché de l'émigration

Près de 200 Argentins quittent le pays tous les jours. Face à l'ampleur du phénomène, plusieurs sociétés se sont créées pour aider les diplômés dans leur quête de stabilité. Un véritable marché de l'émigration a émergé, proposant de faciliter les démarches administratives, fiscales ou légales pour ceux qui décident de partir.

Créée depuis un an, l'entreprise "Cruzar el charco" (traverser l'océan) a vu son nombre de clients augmenter. " En 2001, les gens qui partaient étaient désespérés, dans une situation d'urgence totale pour repartir de zéro. Aujourd'hui, ceux qui veulent partir sont des professionnels, formés, des personnes qui veulent se projeter dans l'avenir et qui en ont les moyens", explique Carolina Barbero, employée au sein de la société.

Au-delà des histoires personnelles, cette fuite des professionnels formés n'augure rien de bon pour l'Argentine. Selon un sondage, 82% des jeunes interrogés souhaiteraient partir s'ils le pouvaient. Près de 76% d'entre eux ne voient pas d'avenir dans leur pays.

Sujet TV: Mathilde Guillaume et Matias Musa

Adaptation web: Sarah Jelassi

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