Publié

Débat nourri au Conseil national sur l'accueil de réfugiés afghans

Le sort des réfugiés afghans préoccupe les élus fédéraux. [Keystone - EPA/Stringer]
Le sort des réfugiés afghans préoccupe les élus fédéraux. - [Keystone - EPA/Stringer]
La Suisse doit-elle en faire davantage pour accueillir des réfugiés afghans après la prise de pouvoir des talibans. La question s'est invitée au Conseil national jeudi, soulevant un débat enflammé entre la gauche et l'UDC.

Face à la situation dramatique de certains Afghans, la gauche a appelé le Conseil fédéral à accueillir les réfugiés. Les Vert-e-s demandent au Conseil fédéral d'accorder des visas humanitaires aux membres de la famille éloignée d'Afghans vivant en Suisse sur le modèle de ce qui s'était fait en 2013 pour la Syrie.

Un octroi facilité profiterait surtout aux Afghans vivant en Iran et au Pakistan, a estimé la ministre de Justice et Police Karin Keller-Sutter. Ces personnes ne sont pas directement menacées. "Le Conseil fédéral se cache derrière de belles paroles", a critiqué Balthasar Glättli (Vert-e-s/ZH). Il ne veut pas revoir sa politique de regroupement familial.

Quelque 11'000 personnes pourraient solliciter un visa pour un parent proche ou éloigné, a précisé la ministre. Mais contrairement à la situation en Syrie, il n'y a pas de conflit militaire en Afghanistan, ni de grand mouvement migratoire.

Une opération coordonnée

Toutefois, la Suisse est disposée à participer à une éventuelle opération d'accueil coordonnée au niveau international. Le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés doit annoncer de nouveaux besoins concrets cet automne.

Le programme de réinstallation actuel prend déjà en compte les Afghans réfugiés en Turquie, a précisé Mme Keller-Sutter. Le contingent de 1600 personnes n'est pas encore épuisé.

Nous ne pouvons pas laisser l'Afghanistan seul

Fabian Molina (PS/ZH)

De nombreuses villes, de nombreux acteurs de la société et le PS demandent un meilleur accueil des Afghans. Et ce pas uniquement via le programme de relocalisation.

>> Lire aussi :

Treize organisations de la société civile ont demandé jeudi au Conseil fédéral d'accueillir davantage d'Afghans. [KEYSTONE - PETER SCHNEIDER]KEYSTONE - PETER SCHNEIDER
Appel de treize organisations pour accueillir des réfugiés afghans en Suisse / Le Journal horaire / 14 sec. / le 23 septembre 2021

"Nous ne pouvons pas laisser l'Afghanistan seul. La Suisse doit répondre à ses devoirs internationaux, sinon nous vivons dans la barbarie", a défendu Fabian Molina (PS/ZH), déçu par les réponses du Conseil fédéral. Personne ne prétend qu'il est facile de fuir son pays et de recommencer ailleurs, a-t-il encore répondu à l'UDC.

L'UDC s'inquiète d'une vague migratoire

De son côté, l'UDC s'est inquiétée de la vague migratoire qui menace de déferler d'Afghanistan. Le parti met tout en oeuvre pour éviter que la Suisse ne glisse dans le chaos, a argué Roger Köppel (UDC/ZH), demandant un changement de paradigme. L'actuel droit d'asile global doit être remplacé par une nouvelle loi pour les situations de crise dans le voisinage.

La tradition d'asile n'est pas une invitation à l'immigration

Roger Köppel (UDC/ZH)

La plupart des requérants arrivent en traversant des Etats jugés sûrs, souligne l'UDC, qui regrette que la loi sur l'asile "mélange aide, protection et admission". A ses yeux, "la tradition d'asile n'est pas une invitation à l'immigration de dizaines de millions" de personnes. Nous devons protéger le droit d'asile, a lancé l'élu zurichois.

>> Le témoignage dans le 19h30 de la réfugiée afghane Zarifa Ghafari :

L'activiste afghane Zarifa Ghafari, réfugiée en Allemagne, dénonce la situation désastreuse dans son pays. Rencontre
L'activiste afghane Zarifa Ghafari, réfugiée en Allemagne, dénonce la situation désastreuse dans son pays. Rencontre / 19h30 / 2 min. / le 25 septembre 2021

Pour une aide humanitaire

A l'heure actuelle, la situation est peu claire. Il est presque impossible de quitter le pays, a rappelé Karin Keller-Sutter. L'Europe ne fait pas face à une crise migratoire, mais à une crise humanitaire dans le pays, a abondé Damien Cottier (PLR/NE). Et c'est à cela qu'il faut répondre en priorité.

Le Parti socialiste et les Vert'libéraux ont en outre appelé le Conseil fédéral à prendre ses responsabilités et à venir en aide aux Afghans en allouant des moyens financiers supplémentaires notamment. "Il n'y a pas assez de nourriture, d'eau, de médicaments", a lancé Tiana Moser (PVL/ZH). C'est la première priorité, a rappelé Karin Keller-Sutter. Et le chef des Affaires étrangères Ignazio Cassis de poursuivre que près de la moitié de la population dépend de l'assistance humanitaire.

Le Conseil fédéral a déjà décidé de verser une contribution supplémentaire de 33 millions de francs destinée aux organisations sur place. Celle-ci s'ajoute aux 27 millions déjà décidés pour 2021. "Une goutte d'eau", selon Fabian Molina. L'enveloppe devra être avalisée par le Parlement. Une nouvelle augmentation n'est pas prévue. Le programme de coopération au développement sera adapté en fonction des nouvelles circonstances.

Au total, 20'000 ressortissants afghans vivent en Suisse. L'Afghanistan était déjà le premier pays de provenance des requérants d'asile avant la prise de pouvoir des Talibans.

>> Le sujet de Tout un Monde sur les réfugiés afghans en Turquie :

Des milliers d'Afghans se sont lancés sur la route de l’Europe via la Turquie (ici, à Erzurum en 2017). [EPA/Keystone - Erdem Sahin]EPA/Keystone - Erdem Sahin
Des centaines de milliers de réfugiés Afghans non enregistrés vivent dans la peur en Turquie / Tout un monde / 5 min. / le 22 septembre 2021

ats/boi

Publié

Interrogation sur l'attribution des fonds suisses

Le groupe du Centre s'inquiète pour sa part d'un détournement des fonds helvétiques par le régime taliban.

De nombreux programmes du Développement et de la coopération (DDC) ont été mis en oeuvre dans des zones occupées par les talibans avant leur arrivée au pouvoir, a rassuré Ignazio Cassis. Ceux-ci ont assuré que les organisations pourraient poursuivre leur travail.

Outre une aide financière, la Suisse est prête à proposer ses bons offices. Elle peut assurer une médiation dans des pourparlers, à condition que toutes les parties concernées le souhaitent.