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Nicolas Hénin: Doha n'était qu'une négociation "de façade" pour les talibans

Nicolas Hénin, consultant en contre-terrorisme et radicalisation. [RTS]
Nicolas Hénin évoque la situation en Afghanistan / La Matinale / 7 min. / le 16 août 2021
Les talibans sont de retour au pouvoir à Kaboul, après avoir investi symboliquement le palais présidentiel dimanche soir. Pour l'expert Nicolas Hénin, leur reconquête express est la combinaison entre une négociation de façade à Doha et des pressions locales secrètes.

"En ce qui concerne l'Afghanistan, il faut avoir énormément de modestie", souligne d'emblée Nicolas Hénin lundi dans La Matinale de la RTS. "Ce qui apparaît comme une énorme erreur d'évaluation des services de renseignement à peu près dans leur intégralité vient rappeler que les surprises peuvent toujours survenir", rappelle ce consultant en contre-terrorisme et radicalisation.

Mais il y a eu surtout et clairement, de la part des talibans, "un jeu dissimulé". Et il apparaît que cette reconquête "est le signe d'une véritable efficacité de ce mouvement qui a réussi à combiner les effets politiques et militaires", constate cet expert. "Il est clair désormais que pour les talibans, tout le processus de paix mené à Doha au Qatar, initié par l'administration Trump, visait à dissimuler des opérations militaires et une reconquête express".

Intimidations et négociations locales

"Et c'est cette combinaison d'une négociation de façade et d'opérations militaires express" qui a permis leur victoire éclair, poursuit Nicolas Hénin. Mais cette avancée fulgurante a surtout reposé sur des intimidations ou des négociations locales secrètes, souligne le consultant. Elles ont passé par "des messages envoyés aux notables locaux ou même des accords avec des responsables militaires, de façon à faire tomber les villes l'une après l'autre, pour beaucoup sans coup férir".

La grande question, désormais, est de savoir si les talibans resteront une menace terroriste. "Comme toute la mouvance Al-Qaïda, ils ont été profondément transformés par l'émergence de Daech (…) et cherchent en quelque sorte à se construire et à évoluer en opposition à l'Etat islamique", explique encore Nicolas Hénin. "Et l'une des spécificités d'Al-Qaïda, c'est de s'afficher comme pragmatique, toujours prêt à faire partie ou à constituer des alliances. Mais il n'en reste pas moins un groupe salafiste djihadiste, et ils cherchent à propager leurs thèses et leur idéologie".

"La guerre n'est probablement pas finie"

Mais pour l'expert en contre-terrorisme et radicalisation, les talibans n'ont probablement pas encore gagné. "La guerre n'est probablement pas finie", dit-il. "Il ne serait pas étonnant que l'on assiste à la poursuite d'une guerre civile multifacettes, avec beaucoup d'oppositions, à la fois en interne et aussi alimentées par des puissances régionales ou internationales".

>> Lire aussi : L'Afghanistan en mains des talibans, débandade occidentale à Kaboul

Propos recueillis par Valérie Hauert/oang

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Le peuple américain tourné vers d'autres priorités

Aux Etats-Unis, la consternation fait déjà place à la polémique sur les responsabilités face à ces événements. Le New York Times évoque une Amérique "sonnée", en estimant que le président Joe Biden sera à jamais lié à cet acte final "humiliant" de la guerre en Afghanistan.

Interrogé dans l'émission Tout un monde, le politologue Daniel Warner souligne cependant que la situation en Afghanistan intéresse bien peu d'Américains alors que l'ouest des Etats-Unis est en flammes et que la pandémie fait son retour.

Face aux critiques des Républicains, il rappelle également que c'est George Bush qui a envoyé les troupes américaines en 2001 et que c'est sous le président Trump que les Etats-Unis ont négocié avec les talibans.

>> L'interview de Daniel Warner dans l'émission Tout un monde :

Le politologue Daniel Warner.
Afghanistan: le prix politique du retrait américain pour Biden, interview de Daniel Warner / Tout un monde / 12 min. / le 16 août 2021