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Dix ans après le double attentat d'Utoya en Norvège, "la haine est toujours là"

Dix ans après le double attentat perpétré en Norvège par l'extrémiste de droite Anders Behring Breivik, l'ex-Premier ministre Jens Stoltenberg, alors salué pour sa réponse au massacre, s'est inquiété jeudi que la haine soit "toujours là". [AFP - BEATE OMA DAHLE]
Il y a 10 ans, les attentats d'Utoya en Norvège faisait 77 morts / La Matinale / 18 sec. / le 22 juillet 2021
Dix ans après le double attentat perpétré en Norvège par l'extrémiste de droite Anders Behring Breivik, l'ex-Premier ministre Jens Stoltenberg, alors salué pour sa réponse au massacre, s'est inquiété jeudi que la haine soit "toujours là".

Celui qui est depuis devenu le chef de l'OTAN avait marqué les esprits en promettant "plus de démocratie" et "plus d'humanité" en réponse aux attentats qui avaient visé les siens le 22 juillet 2011 et fait 77 morts.

Ce jour-là, Anders Breivik avait d'abord fait exploser une bombe à Oslo près du siège du gouvernement de gauche dirigé par Jens Stoltenberg, tuant huit personnes, puis ouvert le feu sur un rassemblement de la Jeunesse travailliste (AUF) sur l'île d'Utoya, faisant 69 autres victimes, des adolescents pour la plupart.

>> Revoir le récit des événements dans le 19h30 du 23 juillet 2011 :

Norvège : le carnage d'Utoya traumatise tout un pays avec un bilan de 85 morts
Norvège : le carnage d'Utoya traumatise tout un pays avec un bilan de 85 morts / 19h30 / 2 min. / le 23 juillet 2011

Plusieurs cérémonies

"Il y a dix ans, nous avons répondu à la haine par l'amour", a déclaré l'ex-responsable travailliste lors d'un discours commémoratif dans la cathédrale d'Oslo. "Mais la haine est toujours là", a-t-il dit devant une assistance clairsemée, Covid-19 oblige, mais où siégeaient des rescapés, des familles des victimes, le couple royal et des membres de l'actuel gouvernement de droite.

D'Oslo à Utoya, la Norvège a prévu plusieurs cérémonies pour rendre hommage aux 77 victimes de l'attaque la plus sanglante de son histoire d'après-guerre.

Il a grandi dans nos rues, était de la même religion et partageait la même couleur de peau que la plupart des gens dans ce pays. Il était l'un des nôtres, mais il n'est pas l'un d'entre nous, nous qui respectons la démocratie

Jens Stoltenberg, Premier ministre de la Norvège de 2005 à 2013

Jens Stoltenberg a évoqué la vandalisation mardi d'un mémorial en hommage à la première victime mortelle d'un acte raciste en Norvège, la tentative d'attentat perpétrée par un autre extrémiste, Philip Manshaus, contre une mosquée près d'Oslo en 2019 ou encore les menaces que reçoivent encore les survivants d'Utoya.

Anders Breivik, "a grandi dans nos rues"

Condamné à 21 ans de prison, peine susceptible d'être prolongée indéfiniment, Anders Breivik reprochait à ses victimes de faire le lit d'un multiculturalisme qu'il abhorre.

>> Relire : Anders Behring Breivik a été condamné à 21 ans de prison en Norvège

"Il a grandi dans nos rues, était de la même religion et partageait la même couleur de peau que la plupart des gens dans ce pays. Il était l'un des nôtres, mais il n'est pas l'un d'entre nous, nous qui respectons la démocratie", a estimé Jens Stoltenberg.

"Il est l'un d'eux, eux qui pensent avoir le droit de tuer pour atteindre leurs objectifs politiques. Peu importe qu'ils se situent à droite ou à gauche sur l'échelle politique, qu'ils se considèrent chrétiens ou musulmans", a-t-il ajouté. "Ceux-là", a-t-il souligné, "ont plus en commun les uns avec les autres qu'avec nous qui respectons les règles du jeu démocratique".

Pas de monument commémoratif

Dix ans après les attentats d'Oslo et d'Utoya, il n'y a pas de monument commémoratif, où les Norvégiens pourraient se recueillir. Le parti populiste du Progrès, dans lequel Anders Breivik a milité activement, est devenu la troisième force politique du pays et il a fait partie du gouvernement pendant près de sept ans. Et ceux qui ont survécu cette tragédie continue de recevoir des insultes et des menaces, principalement sur les réseaux sociaux.

Il est temps de parler de cet extrémisme de droite et de s'interroger sur pourquoi dix ans après cette haine est toujours là

Astrid Hoem, dirigeante actuelle des jeunes travaillistes norvégiens

Pour Astrid Hoem, dirigeante actuelle des jeunes travaillistes, qui a survécu aux balles le 22 juillet 2011, il est temps de s'interroger sur l'idéologie qui a armé son bras. "Après cet attentat, on a parlé d'une attaque contre toute la Norvège, ce qui est vrai: il y a aussi eu une bombe contre l'immeuble du gouvernement, contre notre démocratie. Mais la vérité c'est qu'il s'agissait aussi d'une attaque politique contre les travaillistes qui étaient au pouvoir et contre les jeunes militants travaillistes. Il est temps de parler de cet extrémisme de droite et de s'interroger sur pourquoi dix ans après cette haine est toujours là."

Les travaillistes, si l'on en croit les sondages, pourraient revenir au pouvoir après les élections du 13 septembre prochain. Ils ont d'ores et déjà promis la création d'une commission d'enquête sur ce sujet.

Frédéric Faux/vajo avec agences

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