Balade au fil de cinq lieux touristiques étonnants

Grand Format

Biosphoto/AFP - Juan-Carlos Munoz

Introduction

Certains lieux insolites de la planète attirent des visiteurs en quête d'un tourisme différent, riche en émotions, mais pas toujours exempt de critiques. Découvrez les cinq reportages que le 19h30 de la RTS a proposé durant la première semaine de juillet en Italie, en Bosnie-Herzégovine, en France, en Espagne et en Grèce.

Chapitre 1
Italie: visite du "Bronx" napolitain

AFP - Ludovic Marin

Le quartier de Scampia, à Naples, est souvent qualifié de "Bronx Napolitain". Cette périphérie est le quartier le plus pauvre d'Europe, avec 70% de chômage et 40% de décrochage scolaire.

Depuis 2017, plus de 1000 touristes et étudiants curieux de sa difficile réalité sociale ont déjà suivi le guide du “Scampia Trip Tour”, Daniele Sansone. "Dans l'imaginaire collectif, les gens pensent qu'ils vont se retrouver au milieu du Far West, avec des gens qui se tirent dessus, des Camorristes", explique-t-il. "Et comme on s'est souvent plaint de comment la presse parlait de notre quartier, on s'est dit qu'on allait le raconter nous-mêmes".

Une idée architecturale mal réalisée

La visite démarre en voiture par les Vele (Voiles), ces HLM qui ont servi de décor au film Gomorra. A ses origines, le quartier social qui s'inspirait du Corbusier était révolutionnaire, raconte Daniele. "Mais voilà: l'idée initiale de l'architecte Di Salvo a été mal réalisée. Ici vivent tous ceux qui n'ont pas la possibilité de partir ailleurs. Qui voudrait vivre au milieu de cette pourriture? Personne je pense!"

Mémoire historique de Scampia, Mirella La Magna a créé le centre social Gridas avec son mari dans les années 1970 pour aider les jeunes à s'en sortir. Elle décrit comment des montagnes de drogue sont arrivées dans le quartier avec l'argent de la reconstruction détourné par la Camorra après le tremblement de terre de 1980.

Donner des alternatives à la criminalité

Les alternatives à la criminalité sont le seul espoir pour les enfants du quartier. C'est la tâche notamment de l'école de football Arci Scampia, qui accueille chaque jour plus de 300 d'entre eux.

La visite s'achève par le parc de Corto Maltese, dont les habitants se sont opposés aux lois de la micro-criminalité. "Quand on arrive ici, on veut leur montrer une réalité qui avant était à l'abandon total et qui a été revalorisée par les habitants qui en ont pris soin et qui continuent", souligne Daniele Sansone dont l'objectif est de donner une autre image de Scampia.

>> Le reportage de Valérie Dupont dans le 19h30 du lundi 5 juillet :

Série d'été sur le tourisme en lieux insolites: visite de Scampia, le quartier des mafieux à Naples
19h30 - Publié le 5 juillet 2021

Chapitre 2
Bosnie-Herzégovine: le "war tour" de Sarajevo

Anadolu Agency/AFP - Mustafa Ozturk

La capitale bosnienne est un lieu marqué par la guerre et la souffrance. Le siège de Sarajevo, entre 1992 et 1996, a causé la mort de plus de 10'000 habitants et défenseurs. Aujourd'hui, le tourisme de mémoire se développe sur les lieux de l'une des pages les plus sombres de l'histoire européenne.

Même si la vie depuis a repris le dessus, les fantômes de la guerre sont toujours là, presque à tous les coins de rue. Propriétaire de l'agence touristique Meet Bosnia, Edin Ogrešević s'est spécialisé dans la découverte des sites les plus emblématiques de cette tragédie.

"Voici ceux qu'on surnomme les Romeo et Juliette de Sarajevo, Bato et Amira", explique le guide touristique en présentant l'une des milliers de tombes laissées derrière par le conflit. "Lui, serbe. Elle, musulmane. Ils ont été abattus en essayant de traverser un pont pour fuir Sarajevo."

Avec quatre ans de bombardements par les nationalistes serbes qui encerclaient la ville, le siège de Sarajevo est le plus long de l'histoire moderne. Et ses images hantent encore les consciences.

L'Holiday Inn et la "Sniper Alley"

Construit en 1984 pour les Jeux Olympiques, l'hôtel Holiday Inn se trouve sur la rue baptisée "Sniper Alley" pendant la guerre. C'était la plus dangereuse, celle qui marquait la ligne de front. Et c'est dans cet établissement que résidaient les journalistes.

Souvent appelée la "Jérusalem européenne", avec ses églises, mosquées et synagogues, la capitale bosnienne est aussi une ville chargée d'histoire et Edin Ogrešević organise aussi des visites culturelles. Mais son tour consacré au siège est le plus recherché. Il conquiert un millier de clients par an, soit près de la moitié de son chiffre d'affaires. Mais il n'est pas question de voyeurisme, assure-t-il. Le but est pédagogique.

Un tunnel pour survivre

L'un des lieux les plus impressionnant de la visite est sans doute le tunnel de Sarajevo, creusé secrètement pour ravitailler la ville. "C'est très marquant de voir ce dont est capable l'être humain pour survivre", réagit un touriste étranger venu malgré la pandémie.

Autre lieu tragiquement célèbre, le marché de Markale a été le théâtre de plus d'une centaine de morts dans deux bombardements. Dajana Vidovic Softic, institutrice, n'était pas là lors des attaques mais son père a été abattu par les Serbes. "Sarajevo mérite de montrer comment elle a été détruite et comment elle est ressuscitée", estime-t-elle.

Vétéran du siège, Mirza Foco n'avait que 18 ans lorsqu'il a pris les armes pour défendre la ville. Et lui non plus n'a rien contre le tourisme de guerre, à condition que les visiteurs en retirent une leçon. "Je veux que les touristes soient dégoûtés par la guerre", dit-il, "parce qu'il n’y a absolument aucune excuse pour ôter une vie humaine".

>> Le reportage de Laurent Burkhalter dans le 19h30 du mardi 6 juillet :

À Sarajevo, des visites guidées donnent à voir les stigmates de la guerre
19h30 - Publié le 6 juillet 2021

Chapitre 3
France: sur les traces de l'industrie de l'ocre

Hemis/AFP - Jean-Pierre Degas

L'industrie française de l'ocre a été longtemps florissante dans le Lubéron, ce qui a valu à une partie du massif le nom de "Colorado provençal". Elle a pratiquement disparu depuis les années 1950, mais le minerai donne encore couleurs, légendes et quelques soucis à toute la région.

Et ce sont désormais des visites touristiques qui permettent de se souvenir que l'ocre a eu longtemps valeur de précieuse pépite dans le sud du pays.

Quelque chose du Far West

Comme beaucoup de descendants d’ocriers, Roger Fenouil possède quelques hectares sur des collines aux mille couleurs. Il guide les curieux sur les traces des activités d'antan, abandonnées ici depuis plus de trente ans. Pour les touristes, ces paysages rappellent un peu le Far West.

Les premières extractions remontent à la fin du XIXe siècle, rappelle cet historien qui est aussi ancien maire de la commune de Rustrel. Avec vingt usines, quelque 1000 ouvriers extrayaient jusqu'à 40'000 tonnes d'ocre par an pour la maçonnerie, le caoutchouc ou le textile.

Une dernière entreprise en activité

Aujourd’hui, une seule entreprise subsiste. Les autres bassins d’ocre ont disparu, condamnés par la guerre, le pétrole et les pigments de synthèse.

La société des Ocres de France est entre les mains de la quatrième génération d'une même famille avec à sa tête Ludivine Rey. "Il y a encore de l'avenir, assure-t-elle. "On a de plus en plus de demandes en ce moment et il y a encore largement assez de matière".

Les anciennes Mines de Bruoux et leurs 40 km de galeries, qui réunissaient autrefois plusieurs exploitants, assouvissent aujourd’hui la curiosité du tourisme postindustriel.

Ce patrimoine est précieux mais difficile à gérer, avec la hausse de la fréquentation, les risques, l’usure. "Ce qu'il faut, c'est garder l'équilibre entre l'affluence touristique et un tourisme contrôlé", conclut Roger Fenouil.

>> Le reportage d'Anne Fournier dans le 19h30 du mercredi 7 juillet :

Série "Lieux insolites": l'ocre du Lubéron
19h30 - Publié le 7 juillet 2021

Chapitre 4
Espagne: le parc Minier du Rio Tinto

Biosphoto/AFP - Jean-Philippe Delobelle

Rouge sang, pourpre, ocre: toutes les gammes de rouges sont présentes dans le parc minier du Rio Tinto (Fleuve Rouge), en Andalousie, où 100'000 visiteurs viennent admirer chaque année ce spectacle naturel le long du fleuve du même nom.

"Le Rio est le fils de la montagne, son ADN est bourré de métaux", illustre malicieusement le guide Marco David Marquez. "Il est aussi riche en métaux que le gisement minier qu’il traverse, il a plus de 8 grammes de métaux par litre".

Ecosystème proche de celui de Mars

Les rives du Rio Tinto ressemblent aux paysages d’une autre planète, rouge elle aussi. Et cela n'a pas échappé aux chercheurs de la NASA, pour qui les deux écosystèmes seraient très proches. "Sur Mars, on a trouvé des minéraux semblables à ceux du Rio Tinto", confirme Felipe Gomez, chercheur au Centre d’Astrobiologie CSIC INTA. "La sonde Oportunity nous a appris indirectement qu’un Rio Tinto avait autrefois coulé sur Mars".

Quoi qu'il en soit, les métaux de Rio Tinto ont fait la richesse de toute la région. "A l’époque des Romains, c’était la mine d’argent la plus importante du monde", rappelle Marco David Marquez.

Aujourd’hui, la mine produit 45'000 tonnes de cuivre par an et emploie 1000 personnes. "Une part très importante de la population de la région travaille dans la mine", se félicite le maire de Minas de Riotinto, Rocío Díaz, dont l'objectif et que ce chiffre continue à augmenter.

Une menace pour l'environnement

Mais l’extraction minière n’est pas sans conséquences: 180 millions de mètres cubes de boues toxiques sont stockés dans des réservoirs. Et si rien n’est fait dans les vingt prochaines années, ces bassins ont 95% de risques de céder.

L'écologiste Juan Manuel Buendia, de l'association Mesa de la Ria, tente en vain d’alerter les autorités. "Les boues emporteraient sur leur passage plusieurs villages de la région", dit-il.

En plus du risque pour les habitants, il existe aussi un risque pour des espaces naturels qui sont protégés: parce qu’elles sont uniques au monde, les rives du Rio Tinto sont un paysage classé depuis quinze ans.

>> Le reportage de Marie Bolinches dans le 19h30 du jeudi 8 juillet :

Série "Lieux insolites": à la découverte du Rio Tinto, paysage martien dans le sud de l'Espagne
19h30 - Publié le 8 juillet 2021

Chapitre 5
Grèce: un village écologique étonnant

Crete Travel/Twitter

L’île la plus grande de Grèce, la Crète, est prisée pour ses vestiges archéologiques, sa gastronomie et ses plages de sable fin à l’eau cristalline. Mais un village fascine de plus en plus les touristes: celui de Milia. Il met en avant l'écologie et vit en auto-suffisance.

Un retour "cent ans en arrière"

Ce petit coin de paradis est niché dans les montagnes sauvages de l'île, à une heure de route de l’aéroport de La Canée. "Il n’y a pas d’internet ici. Dans les chambres, il n’y a ni wifi, ni télévision, il n’y a rien", explique une touriste anglaise. "C’est comme si nous étions retournés cent ans en arrière. Mais c'est confortable".

Les animaux et végétaux fournissent la nourriture. L’eau vient de la source, l’électricité des panneaux solaires, le chauffage des cheminées. Rien ne provient de l’extérieur.

La main à la pâte

Et surtout, les visiteurs - en quête d’un mode de vie d’un autre temps, loin du stress de ces derniers mois - doivent participer à l’accomplissement de toutes les tâches quotidiennes, comme la collecte du bois.

La cuisine aussi se fait en communauté, avec des recettes et des produits locaux. Mais Milia est victime de son succès depuis quelques années et il faut s‘y prendre à l’avance pour y trouver une place.

Inquiétudes démographiques

"L’eau de la source nous suffit pour les arbres, les fleurs et nous donner à boire", s'inquiète Giorgos Makrakis, propriétaire de l’hôtel Milia. "Mais si les maisons augmentent, les besoins vont augmenter aussi et je ne sais pas si on tiendra. Et moi, je refuse de percer la terre pour faire des puits".

En attendant, pour les chanceux qui y passent leurs vacances, l’heure est à la fête - en toute authenticité. Et ce petit village, tellement isolé qu’il a servi de refuge pendant les guerres, civiles ou mondiales, est aussi idéal pour de longues randonnées.

>> Voir le reportage d'Alexia Kefalas dans le 19h30 du vendredi 9 juillet :

Série "lieux insolites": Le village crétois de Milia est l'un des plus écologiques.
19h30 - Publié le 9 juillet 2021