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La Biélorussie a arrêté un militant après avoir intercepté son avion

La Biélorussie est accusée d'avoir détourné un avion de ligne pour arrêter un journaliste opposant au régime.
La Biélorussie est accusée d'avoir détourné un avion de ligne pour arrêter un journaliste opposant au régime. / 19h30 / 1 min. / le 23 mai 2021
La Biélorussie a envoyé dimanche un chasseur intercepter un avion de ligne à bord duquel se trouvait un militant de l'opposition qui, selon cette dernière, a été interpellé à son arrivée à Minsk par les services de sécurité du régime d'Alexandre Loukachenko.

Le média d'opposition Nexta a affirmé que son ancien rédacteur en chef Roman Protassevitch avait été arrêté après l'atterrissage d'urgence à l'aéroport de la capitale biélorusse de cet appareil, un Boeing 737 de la compagnie Ryanair en provenance d'Athènes et avec pour destination Vilnius en Lituanie.

Le ministère bélarusse de l'Intérieur a confirmé dans un premier temps cette interpellation sur Telegram, avant de supprimer ce message, a constaté une journaliste de l'AFP.

Selon les autorités, l'avion a dévié de sa trajectoire à cause d'une "alerte à la bombe". Nexta a affirmé que l'atterrissage d'urgence avait été suscité par une "bagarre" déclenchée par des agents des services de sécurité biélorusses, présents à bord et qui affirmaient qu'un engin explosif se trouvait dans l'appareil.

Ordre personnel de Loukachenko

L'aéroport de Minsk, cité par l'agence de presse officielle Belta, a affirmé que l'alerte à la bombe s'était révélée "erronée" après une fouille du Boeing.

Le président Alexandre Loukachenko a quant à lui donné l'ordre personnellement à un avion de chasse MiG-29 d'intercepter l'avion après cette alerte, a dit son service de presse.

Cette arrestation a été immédiatement condamnée par la figure de l'opposition biélorusse en exil, Svetlana Tikhanovskaïa. Sur Twitter, elle a assuré que le régime avait "forcé" à l'atterrissage l'avion de Roman Protassevitch qui, selon elle, "encourt la peine de mort au Biélorussie".

"Acte abject" selon le président lituanien

Le président lituanien a lui qualifié dimanche d'"acte abject" l'arrestation de Roman Protassevitch, qui bénéfice du statut de réfugié en Lituanie.

 "Un événement sans précédent ! Un avion de passagers civil volant vers Vilnius (la capitale de la Lituanie, ndlr) a été contraint d'atterrir à #Minsk," a écrit le président Gitanas Nauseda sur Twitter, avant d'ajouter: "il (l'opposant Roman Protassevitch, ndlr) a été arrêté, le régime est derrière cet acte abject".

Le média Nexta a joué un rôle clé dans le mouvement de contestation qui avait rassemblé pendant l'été et l'automne derniers des dizaines de milliers de personnes dans la capitale Minsk et d'autres villes, une mobilisation énorme pour un pays d'à peine 9,5 millions d'habitants.

Mais la protestation s'est progressivement essoufflée face à des arrestations massives, des violences policières ayant fait au moins quatre morts, un harcèlement judiciaire permanent et de lourdes peines de prison infligées à des militants et à des journalistes.

asch avec afp

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Vives réactions en Europe

Les dirigeants de l'UE ont appelé de concert le Biélorussie à laisser repartir l'avion de Ryanair dérouté et forcé d'atterrir dimanche à Minsk, et de permettre à "tous ses passagers" de poursuivre leur voyage, fustigeant "une action complètement inacceptable".

"Nous tenons le gouvernement du Bélarus responsable de la sécurité de tous les passagers et de l'appareil. TOUS les passagers doivent pouvoir poursuivre immédiatement leur voyage", a twitté le chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borrell, alors que Minsk a arrêté l'opposant Roman Protassevitch présent dans l'avion. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président du Conseil européen Charles Michel ont eux aussi appelé le Bélarus à laisser repartir "tous les passagers".

"Terrorisme d'Etat" selon la Pologne

La France a dénoncé dimanche un "détournement" et réclamé une "réponse ferme et unie" des 27 Etats membres de l'UE: "Le détournement par les autorités biélorusses d'un vol de Ryanair est inacceptable. Une réponse ferme et unie des Européens est indispensable", a déclaré le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian sur Twitter.

Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a lui qualifié cette arrestation d'"acte de terrorisme d'Etat": "Je condamne dans les termes les plus forts l'arrestation de Roman Protassevitch par les autorités biélorusses, après qu'un vol de passagers de Ryanair a été détourné. Ceci est un acte de terrorisme d'Etat criminel", a-t-il écrit sur Twitter.

Londres avertit de "graves conséquences"

Le ministre britannique des Affaires étrangères, Dominic Raab, a averti Alexandre Loukachenko qu'il s'exposait à de "graves conséquences": "Le Royaume-Uni est alarmé par les informations faisant état de l'arrestation du journaliste de Nexta Roman Protassevitch et des circonstances qui ont conduit son avion à atterrir à Minsk. Nous nous coordonnons avec nos alliés. Cette action extravagante de Loukachenko aura de graves conséquences", a tweeté Dominic Raab.

L'Allemagne a de son côté exigé une "explication immédiate" à la Biélorussie: "Nous avons besoin d'une explication immédiate de la part du gouvernement du la Biélorussie sur le déroutage, à l'intérieur de l'Union européenne, d'un vol RyanAir vers Minsk et l'arrestation supposée d'un journaliste", a déclaré un haut responsable du ministère allemand des Affaires étrangères, Miguel Berger, sur Twitter.

La Suisse demande que tous les passagers parviennent à Vilnius

La Suisse a aussi réagi. Sur son compte Twitter en anglais, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a parlé de "nouvelles inquiétantes". Demandant que les autorités biélorusses laissent tous les passagers, y compris Roman Protassevitch, poursuivre leur voyage vers Vilnius, il a déclaré qu'"une enquête approfondie est indispensable".