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Quand le spleen s'affiche sur les réseaux sociaux, les filtres tombent

Quand le spleen s'affiche sur les réseaux sociaux, les filtres tombent [Fotolia - Peter Cripps]
L'anxiété et la dépression s'affiche de plus en plus sur les réseaux sociaux / Le 12h30 / 2 min. / le 17 avril 2021
De plus en plus d'utilisatrices et utilisateurs des réseaux sociaux racontent leur spleen ou parlent sans filtre de leur dépression. L'ère de la tristesse en ligne est-elle ouverte?

On a souvent reproché aux utilisateurs des réseaux sociaux de mettre en scène des vies idéalisées à coups de filtres sublimant. La tendance a du plomb dans l'aile.

Les médias sociaux ont rendu de plus en plus floue la frontière entre ce qui est authentique et ce qui relève de la performance, de la mise en scène de soi.

Mais en période de pandémie on ne cache plus ni nos frustrations, ni notre anxiété. Sur YouTube, Instagram ou TikTok, les internautes ne font plus semblant d'aller bien. De plus en plus de jeunes de la génération Z partagent sans tabou leurs problèmes les plus intimes et brisent au passage certaines normes sociales à coup de hashtag comme #Acnépositive, en osant s'afficher avec une peau "imparfaite".

"Un déni total"

Pour le psychanalyste Michaël Stora, consultant de la radio Skyrock au début des années 2000, en ces temps de désenchantement, l'affichage d'un bonheur affiché ne tient plus debout.

"A l'époque, c'étaient des choses qui existaient déjà. Vous aviez beaucoup de blogs qui évoquaient des passages à l'acte, comme les scarifications, les automutilations, la question du suicide, de l'anorexie. Et puis Facebook et Instagram sont venus comme balayer tous les affects qui pourraient être négatifs", explique le spécialiste dans le 12h30.

"Parler de son bonheur, dans un moment où on est seul, où on est isolé, où on est jeune et qu'on ne peut pas profiter de la vie, peut apparaître auprès des abonnés comme un foutage de gueule, un déni total de ce qui nous entoure", ajoute Michaël Stora.

Des témoignages recueillis

Les jeunes de la génération Z, nés après 1997, affrontent leur réalité. Ils et elles aiment peut-être rajouter des filtres sur leurs photos, mais pas sur ce qu'ils ont à dire. L'heure est au droit d'être soi-même sans tricher.

L'exemple de Tessae, jeune rappeuse de 19 ans et star sur TikTok, en témoigne. Elle récolte les histoires douloureuses de ses fans - phobie scolaire, harcèlement, transphobie - pour les transformer en musique.

Besoin d'honnêteté

Partager, sublimer le spleen: un besoin d'honnêteté de plus en plus fort se fait sentir, surtout sur les réseaux sociaux. Un environnement social virtuel qui tend à les tordre. Pour la sociologue Claire Balleys, c'est une quête d'authenticité.

"Elle est liée aussi à ces formes de résistance aux normes sociales. Tout le monde est soumis à des normes conventionnelles, de masculinité, de féminité, qui sont parfois transmises sur les réseaux sociaux, mais il y aussi des mouvements de résistance", explique-t-elle.

Résister, en sachant que l'authenticité de l'image que l'on projette en ligne est toujours à géométrie variable.

Miruna Coca Cozma

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