Comme il l'avait annoncé en janvier, Jean Plantureux, dit Plantu, qui vient de fêter ses 70 ans, a fait valoir ses droits à la retraite au sein du quotidien français de référence. Il signera son dernier dessin en une du "Monde" dans l'édition publiée mercredi et datée de jeudi.
"Cela fait 10 ans que je demande à ma direction de me remplacer par un petit jeune", déclare Plantu mercredi dans La Matinale. C'est désormais chose faite. Un départ qui n’a rien à voir avec la récente affaire Xavier Gorce, qui a claqué la porte du journal après les excuses de la rédaction pour un dessin.
Cela fait 10 ans que je demande à ma direction de me remplacer par un petit jeune
Plantu a soutenu son collègue et s’inquiète du pouvoir grandissant des réseaux sociaux. "Il y a des gens qui se sont arrogés le droit d'être des procureurs et de dire: "ce n'est pas bien", "vous ne devez pas dessiner comme cela". Ils arrivent à faire croire aux médias, et c'est plus grave, qu'ils sont la doxa populaire. Or, ils ne sont qu'une poignée de crétins", explique Plantu.
Remplacé par un collectif
Pour marquer le coup, le journal, outre son ultime dessin en une, propose un supplément de huit pages retraçant ses 49 ans passés au "Monde". Une riche carrière qui a démarré en octobre 1972, en pleine guerre du Vietnam, avec un dessin de colombe.
Pour tourner la page, le titre français, né en 1944, va désormais ouvrir sa une à des dizaines de dessinateurs français et internationaux, via un partenariat avec l'association Cartooning for peace lancée en 2006 par Plantu avec Kofi Annan, l'ancien secrétaire général de l'ONU.
Ce réseau réunit plus de 200 professionnels de tous les continents, dont des Français et des francophones, ce qui permettra au quotidien de varier les perspectives sur l'actualité.
Soutien au dessin de presse
A travers ce nouveau dispositif, "Le Monde" - qui publie en moyenne plus d'un millier de dessins par an (hors illustrations) - entend réaffirmer son soutien aux dessinateurs et à la caricature, contrairement à l'édition internationale du "New York Times" qui a décidé en 2019 d'arrêter les dessins politiques dans son édition internationale.
>> Relire : L'édition internationale du New York Times renonce aux dessins politiques
"Quand je vois une telle lâcheté, je me dis qu'il faut réagir. C'est un combat que je continuerai à mener, notamment en prolongeant le travail de Cartooning for Peace", souligne Plantu.
"Plantu avait un souhait qui rencontrait tout à fait le mien: poursuivre une orientation fortement favorable au dessin de presse", et "ça n'a jamais été une hypothèse" de s'en éloigner, assure le directeur du "Monde".
Alexandre Habay/vajo avec afp
Dessinateur officiel du "Monde" depuis 1985
C'est en 1985 que les dessins de Plantu deviennent un élément distinctif du journal, quand "Le Monde" décide de lui dédier tous les jours un morceau de sa une.
Tous les jours, Plantu croque à sa manière l'actualité, intégrant systématiquement à ses coups de crayons une petite souris devenue familière aux lecteurs, et dont les attitudes traduisent l'humeur de l'auteur: souvent bienveillante, parfois goguenarde, à l'occasion en colère...
Parmi ses meilleurs souvenirs figure celui d'avoir fait dessiner, au début des années 90, sur l'un de ses croquis l'étoile de David du drapeau israélien à l'ancien chef de l'OLP Yasser Arafat, puis d'avoir fait signer ce même croquis au ministre des Affaires étrangères israélien de l'époque Shimon Pérès. Encore un message de paix.