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Les essais nucléaires en Polynésie auraient été plus ravageurs qu'estimé

La France a-t-elle caché l'ampleur de ses essais nucléaires en Polynésie? Interview de Tomas Statius
La France a-t-elle caché l'ampleur de ses essais nucléaires en Polynésie? Interview de Tomas Statius / Forum / 4 min. / le 10 mars 2021
Selon une enquête du média Disclose, le niveau réel de la radioactivité à laquelle la population de Polynésie française a été exposée lors des essais nucléaires français dans le Pacifique entre 1966 et 1996 a été sous-évalué.

Le média d'investigation en ligne Disclose a publié mardi une enquête contestant les estimations des autorités françaises concernant le taux de radioactivité en Polynésie française lors des essais nucléaires ayant eu lieu dans le Pacifique entre 1966 et 1996.

Pendant deux ans, Disclose a analysé 2000 pages de documents militaires déclassifiés en 2013 par le ministère français de la Défense en partenariat avec le collectif anglais de modélisation 3D Interprt et le programme de recherche Science and security global de l'Université de Princeton aux Etats-Unis.

L'enquête "a pu réévaluer la dose reçue à la thyroïde par les habitants des (îles) Gambier, de Tureia et de Tahiti au cours des six essais nucléaires considérés comme les plus contaminants de l'histoire du Centre d'expérimentation du Pacifique. Résultat: nos estimations sont entre 2 et 10 fois supérieures à celles réalisées par le Commissariat (français) à l'énergie atomique en 2006", affirme Disclose.

Des interprétations contradictoires

Pour expliquer la différence entre ses calculs et ceux du CEA, Disclose met en avant des interprétations différentes des données.

Par exemple, pour l'essai nucléaire aérien effectué en 1966 à Mururoa, baptisé Aldébaran, les scientifiques du CEA "considèrent que la population locale ne buvait que de l'eau de rivière mais pas d'eau de pluie". Or, de nombreux habitants de cet archipel buvaient de l'eau de pluie, selon le média français.

Pour le seul essai Centaure, tiré en juillet 1974, "d'après nos calculs, fondés sur une réévaluation scientifique de la contamination en Polynésie française, environ 110'000 personnes ont été exposées à la radioactivité, soit la quasi-totalité de la population des archipels à l'époque", souligne l'enquête.

D'après notre expertise, les estimations du CEA concernant les dépôts au sol ont été sous-estimées de plus de 40%.

Disclose, média d'investigation en ligne

"Nous avons exploité les données recueillies par le Service mixte de sécurité radiologique (SMSR) à l'époque du tir (en 1974). Les mêmes qui ont servi au CEA pour ses réévaluations de doses publiées dans une étude de 2006, la référence en la matière. Mais d'après notre expertise, les estimations du CEA concernant les dépôts au sol ont été sous-estimées de plus de 40%".

Cette étude du CEA est la référence du Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) pour étudier les dossiers des victimes des essais nucléaires. Selon Disclose, jusqu'à aujourd'hui, le nombre de civils polynésiens hors militaires et prestataires d'entreprises ayant touché des indemnités s'élève à 63 personnes.

afp/iar

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