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La justice turque bannit le voile des unis

Des milliers de Turcs s'étaient opposés à la décision du gouvernement.
Des milliers de Turcs s'étaient opposés à la décision du gouvernement.
La Cour suprême de Turquie s'est prononcée jeudi contre le port du foulard islamique à l'université. Ce verdict crucial pourrait préfigurer une interdiction du parti au pouvoir qui l'avait défendu malgré les critiques.

Les onze juges ont délibéré pendant près de sept heures sur une
requête de l'opposition laïque et ont annulé un amendement très
controversé à la loi fondamentale adoptée en février à l'Assemblée
nationale, autorisant le port du foulard dans les établissements
universitaires.

Selon un court communiqué émanant de la Cour, l'amendement est
jugé contraire aux articles de la loi fondamentale mentionnant le
caractère laïc de la République de Turquie et qui sont
non-amendables.

Le pire scénario

Ce jugement constitue le pire scénario pour le Parti de la
justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste),
au pouvoir depuis 2002, qui a fait passer l'amendement en février
car il pourrait préfigurer une dissolution de cette formation qui a
divisé la société turque en autorisant le port du voile dans les
facultés au grand dam du camp laïc.



Un porte-parole de l'AKP a estimé le verdict "contraire à la
constitution", arguant que les juges ne peuvent que se prononcer
sur la forme d'un amendement, laissant entendre une décision
politique plutôt que juridique. "La Cour a outrepassé ses fonctions
(...), le Parlement n'aura donc plus le pouvoir de procéder à des
changements constitutionnels", a affirmé Bekir Bozdag,
vice-président du groupe parlementaire de l'AKP sur la chaîne
d'information NTV.

Vers une interdiction de l'AKP

Les mêmes juges doivent se prononcer dans les mois à venir sur
une procédure séparée, celle sur une interdiction de l'AKP, au
pouvoir depuis 2002, pour activités contraires à la laïcité en
Turquie, pays musulman mais au régime laïc.



L'amendement sur le port du voile sur les campus est l'un des
principaux arguments du procureur de la Cour de cassation qui a
réclamé en mars l'interdiction de l'AKP et le bannissement de
politique pour cinq ans pour 71 de ses membres, dont le Premier
ministre Recep Tayyip Erdogan.



"Ce verdict aura un impact psychologique sur la procédure
d'interdiction, c'est sûr", a estimé l'analyste politique et
journaliste Rusen Cakir sur NTV. Pour ce commentateur, l'AKP a "mal
géré" l'affaire et s'est embourbé dans une crise politique qui
pourrait le faire interdire.



afp/sun

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Un vieux débat

En faisant adopter l'amendement au Parlement, l'AKP s'était défendu en faisant valoir que l'interdiction du voile contrevenait à la liberté de conscience et au droit à l'éducation.

La Cour s'était déjà prononcée à deux reprises dans le passé contre le port du voile dans les universités. L'interdiction de se couvrir la tête sur le campus avait aussi été maintenue par le Conseil d'Etat turc et la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).

Malgré l'amendement, la grande majorité des universités ont maintenu l'interdiction, jugeant que le parlement devait adopter en outre une réglementation détaillant le code vestimentaire autorisé.

Une question qui divise

La question du voile divise depuis plus de deux décennies la Turquie.

Le foulard le plus fréquent en Turquie est le fichu traditionnel noué sous le menton et porté surtout dans les campagnes.

Aux yeux de la population, ce voile incarne la Turquie profonde et traditionnelle et exprime moins un acte politique qu'un attachement aux coutumes.

Le voile musulman, le hidjab, qui couvre toute la tête, a une signification et une implication bien différentes, montrant une appartenance à la foi musulmane.

Les forces du camp laïc, en premier lieu l'armée, les juges et les universitaires, s'opposaient à cette révision dont ils redoutaient qu'elle n'entraîne une légalisation du voile dans les administrations et les collèges et lycées où il reste interdit.