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La Chine développe un programme de travail de masse au Tibet

Les centres de formation de type militaire au Tibet [Reuters]
Un rapport accuse la Chine de formations professionnelles forcées au Tibet / La Matinale / 1 min. / le 23 septembre 2020
La Chine pousse un nombre croissant de Tibétains à quitter les zones rurales pour intégrer des centres de formation de type militaire, récemment créés pour les former au travail d'usine.

Cette politique est similaire au programme déjà mis en place au Xinjiang qui s'apparente, selon les groupes de défense des droits, à du travail forcé.

L'examen par Reuters de plus d'une centaine d'articles parus dans les médias d'Etat, de documents officiels produits par les autorités régionales du Tibet et de commandes publiques passées entre 2016 et 2020 montre que Pékin a fixé des quotas pour le transfert massif de travailleurs ruraux à l'intérieur même de la région himalayenne ou vers d'autres régions de Chine.

Plus d'un demi-million de personnes ont ainsi été formées dans le cadre de ce projet au cours des sept premiers mois de 2020, soit environ 15% de la population de la région, selon une note publiée le mois dernier sur le site internet du gouvernement régional tibétain.

Sur ce total, près de 50'000 travailleurs ont été transférés au Tibet, et plusieurs milliers d'autres ont été envoyés dans d'autres régions. Beaucoup d'entre eux ont des emplois sous-payés, notamment dans les secteurs du textile, de la construction et de l'agriculture.

"Corriger les modes de pensée"

Les documents examinés par Reuters mettent fortement l'accent sur l'éducation idéologique pour corriger les "concepts de pensée" des travailleurs.

"Il y est affirmé que les minorités sont peu disciplinées, qu'il faut changer leur état d'esprit, qu'il faut les convaincre de participer", précise Adrian Zenz, un chercheur indépendant sur le Tibet et le Xinjiang, qui a compilé les principales conclusions du programme.

Ces dernières sont détaillées dans un rapport publié cette semaine par la Fondation Jamestown, un institut basé à Washington spécialisé dans les questions politiques d'importance stratégique pour les Etats-Unis. "Il s'agit d'un changement de mode de vie coercitif, passant du nomadisme et de l'agriculture au travail salarié."

Formation militaire

Les travailleurs ruraux transférés dans ces centres de formation professionnelle reçoivent une éducation idéologique - ce que la Chine appelle une formation de "style militaire" - qui repose sur une discipline stricte avec exercices physiques et port de l'uniforme militaire.

Ils y acquièrent des compétences professionnelles dans les domaines du textile, de la construction, de l'agriculture et de l'artisanat ethnique. Un des centres mentionne parmi ses enseignements "le mandarin, la formation juridique et l'éducation politique". Un autre document administratif régional précise que l'objectif est de "réaliser progressivement la transition entre "je dois travailler" et "je veux travailler".

Environ 70% de la population du Tibet vit dans les zones rurales, selon des chiffres de 2018 du Bureau national des statistiques de Chine et la Chine s'est engagée à éradiquer la pauvreté rurale dans le pays d'ici à la fin de 2020.

Dans une déclaration à Reuters, le ministère chinois des Affaires étrangères nie fermement l'usage du travail forcé, assure que la Chine est un État de droit et que les travailleurs sont volontaires et correctement rémunérés.

"Maintenir la stabilité"

Ces dernières années, le Xinjiang et le Tibet ont été la cible de politiques restrictives dans le cadre de ce que les autorités chinoises appellent le "maintien de la stabilité".

Ces politiques visent à réprimer la dissidence, les troubles ou le séparatisme, à restreindre les déplacements des habitants de ces régions vers d'autres parties de la Chine ou à l'étranger, ainsi qu'à renforcer le contrôle des activités religieuses.

En août, le président Xi Jinping a déclaré que la Chine intensifierait à nouveau ses efforts contre le séparatisme au Tibet, où les Tibétains représentent environ 90 % de la population, selon les données du recensement.

Reuters/clo

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