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La cour d'assises spéciale de Paris se replonge dans l'attentat de l'Hyper Cacher

Patrick Klugman, avocat des victimes de l'attentat au supermarché Hyper Cacher. [Keystone - Ian Langsdon]
Patrick Klugman, avocat des victimes de l'attentat au supermarché Hyper Cacher. - [Keystone - Ian Langsdon]
Quatre victimes assassinées en un quart d'heure par un tueur "totalement dénué d'empathie": au procès des attentats de janvier 2015, la cour d'assises spéciale de Paris s'est replongée lundi dans l'attaque antisémite de l'Hyper Cacher, marquée par la "cruauté" d'Amédy Coulibaly.

"Il était froid, déterminé", sans "aucune empathie pour les victimes". Appelé à la barre, Christian Deau, ex-chef antiterroriste de la brigade criminelle de Paris, n'occulte rien des "violences" imposées par le djihadiste de 32 ans aux employés et aux clients de la supérette.

"A l'époque, c'est vraiment le summum des difficultés qu'a pu rencontrer un service d'intervention sur une prise d'otages", raconte le commissaire divisionnaire, en insistant sur le caractère exceptionnel de cette prise d'otages et de son dénouement.

"Panique" à l'intérieur du magasin

Il est 13H05 le 9 janvier 2015 quand Amédy Coulibaly, recherché depuis l'assassinat d'une policière municipale à Montrouge la veille, fait irruption dans la supérette de la porte de Vincennes et tire à l'aide d'un fusil d'assaut sur un employé: Yohan Cohen.

A l'intérieur du magasin, c'est "la panique". Certains clients et employés parviennent à s'enfuir en essuyant des coups de feu, d'autres se ruent vers le sous-sol, plusieurs se retrouvent coincées au milieu des rayons.

Coulibaly, d'un geste "calme", réarme son fusil et met en joue un client. "Comment tu t'appelles?" "Philippe Braham". L'homme est assassiné à bout portant.

Un deuxième client, Michel Saada, fait face au tueur près de l'entrée: il est abattu en tentant de faire demi-tour.

Une tentative de rébellion

A la demande de Coulibaly, une caissière ferme le rideau métallique de l'épicerie puis descend chercher les clients réfugiés au sous-sol. "Les otages savent que s'ils remontent, ils peuvent se faire exécuter", rappelle Christian Deau.

Une partie d'entre eux a réussi à se dissimuler dans une chambre froide, avec un nourrisson, et s'efforcent de rester silencieux. Les autres, sous la menace, finissent par remonter.

A l'étage, un client, Yoav Hattab, aperçoit une kalachnikov posée sur un sac de farine. Il tente de s'en emparer, sans succès: ce Tunisien de 21 ans est tué à son tour, "à 13H21", soit 15 minutes après l'irruption de Coulibaly.

Intervenir en dernier recours

Faut-il intervenir? Tenter de parlementer? A l'extérieur, les forces de l'ordre ont pris position. "Lorsque l'on arrive, l'assaut est le dernier recours: il faut d'abord essayer de négocier, pour parvenir à la libération des otages", rappelle Christian Deau.

A 40 kilomètres de là, les auteurs de l'attentat contre Charlie Hebdo, Chérif et Saïd Kouachi, sont retranchés depuis le matin dans une imprimerie à Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne). Une situation délicate à gérer pour les policiers, qui cherchent à gagner du temps.

A l'intérieur de l'épicerie, les otages sont tétanisés. Au sol, la première victime, Yohan Cohen, agonise lentement. Gêné par ses "gémissements", Coulibaly demande à la vingtaine d'employés et de clients s'il doit "l'achever". Ils refusent. "Il y a une cruauté dans l'acte criminel", relève le président de la cour, Régis de Jorna.

Une reddition jamais envisagée

Le djihadiste, qui regarde sur son ordinateur les chaînes d'information en continu, essaye aussi de "maîtriser sa communication". Mécontent d'un bandeau défilant sur BFM, il va jusqu'à appeler la chaîne pour "corriger ce qui est dit".

Lors de cet appel, diffusé à l'audience, le tueur de l'Hyper Cacher apparaît calme, nonchalant. "Avez-vous visé ce magasin pour une raison particulière?", lui demande le journaliste. "Oui... Il est juif", répond Coulibaly, avant de raccrocher.

Après quatre longues heures d'attente, ordre est finalement donné au RAID et à la BRI d'intervenir, à 17H10. Pris entre deux feux, Amédy Coulibaly riposte, avant d'être abattu.

Quelques minutes plus tôt, les frères Kouachi ont été tués dans un assaut à Dammartin-en-Goële. Le "risque", c'était que Coulibaly "se venge" sur les otages, explique Christian Deau. "Pour lui, il n'a jamais été question de reddition".

afp/ther

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